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A l'Ile Maurice, la production de fruits et légumes dans l’ombre de la canne à sucre

A l’Ile Maurice, les quelques terres laissées libres par la canne à sucre sont majoritairement dédiées aux fruits et légumes. La production est à 80 % assurée par de petits exploitants.

Destination touristique s’il en est, l’Ile Maurice possède aussi un puissant secteur agricole. Cependant, celui-ci est essentiellement tourné vers la canne à sucre. Introduite par les colons européens au XVIIe siècle, cette culture a pendant longtemps été la principale source de devises du pays. Si sa récolte rythme toujours la vie mauricienne de juin à décembre, les surfaces plantées se sont réduites avec la baisse des cours mondiaux du sucre. Tout comme le nombre de sucreries, passé de dix-neuf à trois entre le début des années 1990 et aujourd’hui.

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Hormis quelques plantations de thé, tout le reste ou presque de la SAU est dédié à la production de fruits et légumes, cultivés sur environ 7 500 ha selon les statistiques. Mais il s’agit d’un chiffre en trompe l’œil car, profitant du climat, la plupart des maraîchers font deux, voire trois cultures par an. Des rotations planifiées ou opportunistes en fonction des prix du marché. Or chacune est comptabilisée comme une surface différente. La véritable superficie leur étant consacrée avoisine donc plutôt les 4 000 ha dont 1 200 ha de fruits. Avec comme principales cultures fruitières : banane, ananas, litchi, mangue mais aussi pastèque, tandis qu’en maraîchage ce sont les cultures vivrières qui dominent, pomme de terre, tomate, oignon, ail, piment, légumes à feuilles, cucurbitacées. Loin de couvrir les besoins du pays, la production annuelle fluctue entre 100 000 t et 115 000 t en fonction des conditions climatiques, les épisodes extrêmes se faisant plus fréquents. Environ 20 % proviennent de fermes de moyenne et grande tailles, appartenant le plus souvent à des groupes sucriers qui se sont diversifiés sur ce créneau et à des planteurs de canne qui se sont réorientés vers la banane ou l’ananas. Les 80 % restants sont assurés par 8 000 petits agriculteurs en grande majorité maraîchers. Possédant bien souvent moins d’un hectare, ils commercialisent leurs récoltes de diverses manières, via les coopératives auxquelles ils adhèrent, auprès de supermarchés, à des grossistes et des propriétaires de places de marché. Seuls 40 % sont propriétaires de leurs terres. Installé au sud de l’île, près de Mahébourg, François n’en fait pas partie. Il loue les trois arpents (1 ha = 2,37 arpents) qu’il exploite à l’Etat pour 64 €/an/arpent. « Je suis chanceux car les terrains privés sont généralement plus chers », souligne-t-il. Ils sont en outre très convoités car l’Ile Maurice est le 10e pays le plus densément peuplé au monde avec 626 habitants/km2 et sur le littoral le tourisme ajoute à la pression foncière.

« J’ai tout appris avec mon père »

Malgré la taille réduite des exploitations, c’est l’activité unique ou principale de 90 % de ces agriculteurs car la mécanisation est quasi inexistante. 40 % d’entre eux emploient même des salariés à l’année et 50 % des saisonniers. Il faut dire que le Smic mauricien n’est que de 250 € par mois et pas forcément toujours respecté dans l’agriculture. Mais trouver du personnel est chaque année plus problématique. Les Mauriciens et particulièrement les jeunes sont de moins en moins attirés par le métier, y préférant des carrières dans le monde du tourisme ou des services. Manque de vocation qui est aussi une menace pour la pérennité des fermes car 60 % des exploitants ont plus de 50 ans.

La plupart n’ont pas suivi de formations spécifiques, tel François qui exerce ce métier depuis toujours. « J’ai tout appris avec mon père. Mais l’Etat nous propose de temps à autre de petites formations par l’intermédiaire du Farei* », précise-t-il. Depuis quelques années, elles portent fréquemment sur le bon usage des produits phytosanitaires car les agriculteurs ont été pointés du doigt pour en utiliser trop. De fait, des études réalisées en 2013/2014 ont montré qu’ils réalisaient de 11 à 53 traitements par an et que près de 60 insecticides et fongicides étaient couramment utilisés dans l’île, trop souvent à titre préventif. Par ailleurs, des résidus de phytos ont alors été trouvés dans 38 % des fruits et légumes avec des seuils légaux dépassés dans 7 % des cas. Face au tumulte, en 2015, le ministre de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire, Maheen Seeruttun, a donc souhaité qu’en 2020, 50 % des fruits et légumes produits sur l’île soient bio. Un vœu pieux car en 2017, l’Office mauricien des statistiques ne dénombrait que 20 ha de cultures bio et elles couvrent aujourd’hui moins de 40 ha. Quoi qu’il en soit, la progression est indéniable, tirée par la demande et l’association Vélo Verte qui distribue la production d’une douzaine d’exploitants bio via sa boutique et la livraison de paniers sur toute l’île.

La Smart Agriculture pour optimiser les résultats

« En raison du climat tropical, il est très difficile de faire du bio et l’avenir est plutôt l’agriculture raisonnée », assure Jacqueline Sauzier, la secrétaire générale de la Chambre d’agriculture qui, avec l’Agence française de développement et le Cirad, a lancé en 2016 le programme Smart Agriculture qui vise à optimiser les résultats économiques de 300 exploitants, tout en maîtrisant la qualité et la quantité des intrants utilisés. L’Etat accorde par ailleurs des subventions pour l’installation de systèmes d’irrigation par goutte-à-goutte. Par contre, sa volonté de développer la production sous serre a été un échec car trop coûteuse pour de petits agriculteurs. Les Autorités ont donc changé leur fusil d’épaule et proposent désormais des aides pour les mini-serres de 10 m2, l’agriculture verticale et le jardinage sur le toit à destination des familles qui souhaitent produire leurs propres légumes.

(Food and agricultural research and extension institute)

Loueurs d’arbres fruitiers

 

 
© T. Joly
A l’Ile Maurice, il existe des arboriculteurs d’un genre particulier, en ce sens qu’ils louent à l’année tout ou partie d’un verger ou, souvent, un ou des arbres se trouvant dans le jardin ou l’arrière-cour d’une famille. Une pratique fréquente pour mandariniers, manguiers, jujubiers et surtout litchis. Ces arboriculteurs se chargent de la fertilisation et de la taille des arbres ainsi que de leur protection contre les nuisibles, par exemple en installant des filets contre les chauves-souris friandes de litchis. Bien entendu, ils s’occupent aussi de la récolte et tirent leur rémunération de la vente des fruits. Un métier en déclin car aléas climatiques plus fréquents et multiplication des vols nocturnes le rendent moins rémunérateur.

 

Medine, de la canne aux fruits et légumes

 

 
Des bananiers sont en train d’être plantés sur un ancien champ de canne à sucre. © T. Joly
Le groupe sucrier Medine s’est lancé dans la production légumière et fruitière au début des années 1980. « Dans un souci de diversification et pour contribuer à l’autosuffisance alimentaire de l’île », affirme Pierre-Philippe Lenferna, marketing manager des Jardins de Medine. Aujourd’hui, le groupe possède 150 ha dédiés au maraîchage et 35 ha de vergers situés au nord-ouest de l’île. Y sont entre autres cultivés oignons, pommes de terre, carottes, giraumons, laitues, pommes d’amour, bananes, avocats, goyaves, papayes, tomates cerises, pâtissons et fines herbes. La production totale tourne autour de 3 500 t/an, soit 3 % de celle de Maurice. « Le tout en agriculture raisonnée », souligne Pierre-Philippe Lenferna. « Nous plantons par exemple comme brise-vent des plantes abritant des insectes auxiliaires, utilisons du compost végétal, des engrais organiques, nous nous assurons de la rotation des cultures ». 80 % de la récolte est vendue à des grossistes et des revendeurs tandis que les 20 % restants sont écoulés en supermarché sous la marque de l’entreprise, « Jardins de Medine ». Pendant le confinement, elle a en outre développé un service de livraison de paniers à domicile.

 

En chiffres

Principales productions (2017)

Pomme de terre : 14 127 t

Tomate : 10 651 t

Ananas : 8 760 t

Banane : 8 644 t

Citrouille : 7 948 t

Calabash : 5 353 t

Oignon : 5 134 t

Chou : 4 779 t

Carotte : 4 625 t

Concombre : 4 587 t

Imports/exports légumes (2017)

116 387 t/441 t

Imports/exports fruits frais (2017)

22 785 t/217 t

Source : Statistics Mauritius

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