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Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre en élevage laitier ?

Réduire ses émissions de gaz à effet de serre tout en améliorant son bilan azoté, son EBE et le temps de travail, c’est possible quel que soit son système ! Différents leviers existent, avec des effets à plus ou moins long terme.

Soucieux de réduire leur impact environnemental, d’améliorer leur image et dans l’objectif parfois de vendre des crédits carbone, des éleveurs mettent en place des plans d’action pour réduire leur empreinte carbone, dans le cadre de France Carbon Agri ou à l’initiative de laiteries, de régions…

« La réduction de l’empreinte carbone est rarement la première motivation d’un changement, note Élisabeth Castellan, d’Idele. Mais certaines actions peuvent aussi réduire cette empreinte, avec en général une combinaison de leviers propre à l’exploitation. Le premier critère de choix des leviers est que l’éleveur soit motivé pour les mettre en place, pour des raisons techniques, économiques, d’autonomie… »

Réduire ses émissions de gaz à effet de serre est possible quel que soit son système par différents leviers. Pris individuellement, un levier réduit en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de 2 à 4 %, selon le point de départ et l’ambition de réduction. « En pratique, à partir de ce que les éleveurs sont prêts à mettre en place, les plans d’action prévoient une baisse de 12 % de l’empreinte carbone », indique Élisabeth Castellan.

1 - Augmenter la productivité du troupeau

Améliorer la cohérence entre la conduite et le résultat en termes de lait par vache est le premier levier pour réduire son empreinte carbone.
Améliorer la cohérence entre la conduite et le résultat en termes de lait par vache est le premier levier pour réduire son empreinte carbone. © V. Bargain

 

Plus de la moitié des gaz à effet de serre émis est du méthane lié à la rumination des vaches et aux déjections. Améliorer la cohérence entre la conduite et le résultat en termes de lait par vache est le premier levier pour réduire son empreinte carbone. L’idée est d’optimiser la production et de réduire les animaux improductifs.

Un premier levier est d’abaisser l’âge au vêlage. Cela passe par une meilleure gestion de la croissance des animaux, une conduite alimentaire adaptée et une mise à la reproduction suivie. Optimiser la conduite des génisses en cohérence avec l’âge au vêlage permet aussi de réduire le gaspillage de concentré et donc ses émissions de gaz à effet de serre.

Autre levier important : réduire le taux de renouvellement. Cela implique de définir des objectifs sur le nombre de génisses à élever et de conserver les génisses avec le meilleur potentiel génétique. La réduction du nombre de génisses diminue les effluents produits, libère des surfaces en herbe, améliore le taux de réussite à l’insémination et peut permettre une augmentation de la production laitière en lien avec la réduction du nombre de primipares. Elle diminue par contre le produit viande.

Améliorer l’état sanitaire des animaux (hygiène de traite, conditions de logement, pratiques au tarissement) pour réduire le lait jeté et l’achat d’antibiotiques est également une piste de réflexion.

Enfin, l’idée est de produire plus de lait par les concentrés. La réponse au concentré doit être supérieure à 0,9 l de lait par kilo de VL18 pour espérer un gain environnemental. Si la ration contient plus de 200 g de concentré par litre de lait, la réponse en lait ne sera que de 0,4 l/kg VL18, ce qui entraînera une dégradation de l’empreinte environnementale.

2 – Ajuster les concentrés

Améliorer la cohérence entre la conduite et le résultat en termes de lait par vache est le premier levier pour réduire vos émissions de gaz à effet de serre.
Améliorer la cohérence entre la conduite et le résultat en termes de lait par vache est le premier levier pour réduire vos émissions de gaz à effet de serre. © V. Bargain

 

Les leviers liés aux concentrés sont en général simples à mettre en œuvre et ont un impact rapide. Optimiser leur utilisation permet à la fois de réduire ses charges opérationnelles et ses émissions de gaz à effet de serre.

Passer en concentré non OGM, notamment de type tourteau de colza aura un impact important. « L’idée est d’éviter le soja importé qui provoque trois fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que le tourteau de colza du fait de sa fabrication, de la déforestation qu’il entraîne et de son transport, précise Élisabeth Castellan. Malheureusement, les prix actuels du colza font que beaucoup d’éleveurs ont fait marche arrière. »

Une autre piste est d’optimiser les quantités de concentré, en adaptant la ration pour qu’elle soit équilibrée et cohérente avec la production obtenue et en ayant des fourrages de qualité et des conditions de logement et sanitaires permettant l’expression du potentiel du troupeau. Dans un système polyculture du Grand Est, une simulation avec 20 % de concentré fermier de moins a pour impact une réduction de 7 % des gaz à effet de serre émis et une augmentation de 10 % de l’EBE.

L’autoconsommation de céréales a par contre un impact assez limité sur l’empreinte carbone, avec la nécessité de maîtriser la culture, d’investir dans du matériel d’aplatissage et/ou de stockage. L’impact sur le travail est de plus non négligeable.

3 – Valoriser les surfaces fourragères

Pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, il convient de tirer le meilleur parti de ses surfaces par la production d’herbe sur des prairies permanentes ou temporaires
Pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, il convient de tirer le meilleur parti de ses surfaces par la production d’herbe sur des prairies permanentes ou temporaires © V. Bargain

 

L’objectif est de tirer le meilleur parti de ses surfaces par la production d’herbe sur des prairies permanentes ou temporaires ou par la production de fourrages annuels de qualité. Un levier, parfois complexe à mettre en œuvre, est d’augmenter le pâturage, ce qui nécessite un parcellaire adapté et de l’intérêt et de la technicité par rapport à la pratique du pâturage. Le pâturage répond par ailleurs aux attentes sociétales et réduit les achats de correcteur azoté et les effluents.

Introduire du méteil protéagineux peut également être intéressant. Cela nécessite un contexte pédoclimatique favorable à la fois pour le méteil en hiver et pour l’implantation de dérobées estivales. Il implique d’avoir de la disponibilité en terres labourables, de la place en silo pour le stockage et des équipements de distribution. Il peut fortement réduire l’empreinte carbone, l’effet étant toutefois variable selon la valeur alimentaire du fourrage (type de mélange, conditions de l’année, conditions de récolte…).

4 – Mieux gérer la fertilisation

Du fait du pouvoir de réchauffement global très élevé du protoxyde d’azote (N2O), les leviers liés à la fertilisation et aux effluents peuvent avoir un impact important sur l’empreinte carbone.
Du fait du pouvoir de réchauffement global très élevé du protoxyde d’azote (N2O), les leviers liés à la fertilisation et aux effluents peuvent avoir un impact important sur l’empreinte carbone. © V. Bargain

 

Du fait notamment du pouvoir de réchauffement global très élevé du protoxyde d’azote (N2O), les leviers liés à la fertilisation et aux effluents peuvent avoir un impact important sur l’empreinte carbone. Un levier de base est d’optimiser les quantités d’engrais minéraux en raisonnant la fertilisation (analyse de sol, objectif de rendement cohérent avec les conditions pédoclimatiques…), ce qui permet de réduire les gaz à effet de serre par la réduction des achats d’engrais et de leur épandage.

Il est aussi possible de préférer le fumier au lisier, qui entraîne des émissions d’azote dans l’air. Un autre levier en lisier est l’épandage par injection. Enfin, la méthanisation peut permettre de réduire son empreinte carbone, à condition que le digestat, riche en azote et très volatil, soit bien géré.

Définition

L’empreinte carbone nette du lait se calcule en soustrayant le stockage de carbone aux émissions brutes de gaz à effet de serre. Aussi, une piste pour abaisser son empreinte est d’augmenter le stockage du carbone, par l’implantation de haies, le passage de surfaces en cultures à des prairies temporaires, l’allongement de la durée des prairies temporaires ou l’augmentation des surfaces en prairies permanentes.

Côté éco

La réalisation d’un diagnostic Cap'2ER coûte à l’éleveur entre 100 et 200 € en intégrant les diverses subventions (régions, Ademe…).

Le méthane émis par le troupeau, première source de GES en élevage laitier

« En Nouvelle-Aquitaine, l’empreinte nette des ateliers laitiers de plaine varie de 0,85 à 1,07 kg éq. CO2/l de lait selon la part de maïs », illustre Sylvain Soudard, de la chambre agriculture Charente-Maritime Deux-Sèvres. À l’échelle de l’exploitation, les émissions de gaz à effet de serre sont principalement liées au troupeau, aux déjections et à la fabrication et au transport des intrants.

Un élevage de plaine à plus de 30 % de maïs par exemple émet 1,09 kg éq. CO2/l de lait et stocke 0,02 kg éq. CO2/l de lait, d’où une empreinte nette de 1,07 kg éq. CO2/l de lait. Le méthane représente 53 % des gaz à effet de serre émis, dont 82 % liés au troupeau et 17 % aux déjections. Le protoxyde d’azote représente 23 % des gaz à effet de serre, lié à 80 % à la fertilisation minérale et organique, 11 % au stockage des déjections. Le gaz carbonique représente 24 % des gaz à effet de serre émis, lié à la fabrication et au transport des aliments (48 %) et des engrais (20 %) et à la consommation d’énergie sur l’exploitation (30 %), notamment les carburants. En moyenne, la compensation carbone est de 3 %.

Côté web

Idele propose sur son site (idele.fr) des fiches par levier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en élevage bovin lait.

Quelles aides pour diminuer son empreinte carbone ?

De nombreuses subventions existent afin d’accompagner (et inciter) les éleveurs à réaliser un diagnostic Cap’2ER. Outre les régions qui sont des acteurs majeurs, l’Ademe via le bon diagnostic carbone (aujourd’hui terminé) ou encore certaines laiteries peuvent apporter un soutien financier.

« En intégrant les diverses subventions, un Cap’2ER coûte à l’éleveur entre 150 et 200 € », explique Nadège Godfroy, consultante agroenvironnement chez Seenorest chez qui le forfait comprend également une visite technique, un plan carbone, une visite de suivi et un diagnostic final. Une somme « rentabilisée très vite », estime la conseillère, grâce à la visite technique qui permet de prendre du recul sur le fonctionnement de sa ferme et d’envisager un plan d’action.

À la suite de la réalisation du diagnostic, il pourra, selon les cas, être envisagé de valoriser une éventuelle baisse de son empreinte carbone. « C’est France Carbon Agri qui est la démarche principale », témoigne Nadège Godfroy. L’association a clôturé son troisième appel à projets en décembre. D’autres devraient suivre. Les montants sont incitatifs. « En moyenne 12 000 euros en France pour les premiers appels à projets. Une moyenne de 15 000 euros chez les élevages accompagnés par Seenorest. » Ces montants restent encore théoriques car ces projets ont une durée de vie de cinq ans. La vente de carbone pour la première session aura lieu en 2025.

La couverture de fosse à lisier doit être étanche aux gaz

Couvrir la fosse à lisier présente de nombreux avantages pour les éleveurs. Une couverture étanche aux gaz est toutefois nécessaire pour réellement réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

En système lisier, couvrir la fosse limite les émissions de protoxyde d’azote (N2O) et les pertes d’azote vers l’air. En réduisant la surface d’échange des effluents avec l’air, une couverture de fosse limite les pertes d’ammoniac par volatilisation. Parce qu’elle empêche les apports d’eaux pluviales dans la fosse, elle réduit les volumes de lisier à épandre et donc les émissions de gaz à effet de serre liées au transport et à l’épandage du lisier (carburant utilisé), notamment dans les régions pluvieuses.

C’est un des leviers mentionnés par la méthodologie Carbon Agri pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Mais pour réduire les émissions de méthane, principal gaz émis par une fosse à lisier, une couverture étanche aux gaz, avec récupération de ceux-ci, est nécessaire.

Un seul modèle actuellement

La société Nénufar propose ainsi la couverture flottante Nénufar, qui capture les gaz émis lors du stockage du lisier. Le biogaz peut être brûlé dans une chaudière pour produire de l’eau chaude, utilisée pour chauffer des bâtiments (élevages porcins), pour la buvée des veaux de boucherie, pour la transformation du lait (pasteurisation, nettoyage) ou encore pour le séchage de fourrages. Il peut aussi alimenter une unité de cogénération produisant de l’électricité, injectée dans le réseau ou en partie autoconsommée, et de l’eau chaude. Enfin, le biogaz peut aussi être renvoyé directement dans le ciel gazeux d’une unité de méthanisation existante.

L’investissement est de 2 500 €/m de diamètre de la fosse, auxquels s’ajoute le coût de la chaudière ou de la cogénération, soit des projets de 80 000 € à 250 000 €. En élevage laitier, six exploitations utilisent actuellement une couverture Nénufar pour produire de l’eau chaude et trois sont équipées d’une cogénération avec revente de l’électricité.

Le Gaec de Pécane, dans le Morbihan, qui possède 150 vaches laitières et deux poulaillers, a mis en place en 2019 une couverture Nénufar avec cogénération. La réduction des émissions de gaz à effet de serre, selon la production d’électricité et le rendement des moteurs, est estimée par la société Nénufar à 850 t éq. CO2/an.

Le saviez-vous ?

Des additifs alimentaires promettant une baisse des émissions de gaz à effet de serre arrivent progressivement sur le marché. Les premiers résultats semblent prometteurs : il affichent une réduction de 10 à 30 % de la production de méthane entérique.

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