Colza : le pâturage régule le développement sans compromettre le rendement
Des cultures sur pied comme le colza et des couverts d’interculture peuvent être consommés par des troupeaux d’ovins. Sans conséquences sur le rendement si le troupeau est bien géré.
Des cultures sur pied comme le colza et des couverts d’interculture peuvent être consommés par des troupeaux d’ovins. Sans conséquences sur le rendement si le troupeau est bien géré.
Faire passer le colza à la moulinette par les moutons. Aucun souci pour Patrick Olivier, agriculteur à Ambacourt dans les Vosges (1). Il fait pâturer ses colzas par les moutons du lycée agricole voisin depuis plusieurs années. « J’ai commencé en 2015 sur une parcelle de 25 hectares à l’automne. Je trouvais que mes colzas étaient trop développés à l’approche de l’hiver avec une végétation qui atteignait 50-60 cm de haut. Dans cet état, ils peuvent se montrer sensibles au froid et surtout à la neige qui peut provoquer un pourrissement des feuilles. Ceci s’est vu chez un voisin où ses colzas non pâturés et très développés avec de grandes feuilles ont gelé, rapporte le producteur. Dans mon champ, les moutons ont consommé les feuilles sur l’intégralité de la parcelle avec des colzas qui ne faisaient plus que 10 cm de haut au maximum. Les plants sont très bien repartis au printemps sans impact sur le rendement. »
Un aliment haut de gamme pour les moutons
La ferme de Braquemont au lycée agricole de Mirecourt dans les Vosges comporte un troupeau de 600 à 700 têtes. Directeur de cette exploitation, Franck Sangouard a pris l’habitude de faire pâturer ses bêtes sur des parcelles d’agriculteurs voisins depuis une dizaine d’années. « Cette pratique n’est pas rare chez des polyculteurs-éleveurs sur leurs propres champs. Elle est moins fréquente par des éleveurs chez des céréaliers. Le colza est un aliment très haut de gamme pour les moutons, apportant de l’énergie et de l’azote. Les moutons consomment des adventices avant de s’alimenter sur la culture et, pour le producteur de colza, le pâturage peut lui éviter d’appliquer un raccourcisseur à l’automne. »
Aurore Baillet, Terres Inovia, tempère cette observation. « Le besoin de régulation d’un colza se mesure en octobre dans le cas d’une élongation de tiges. Avec un pâturage à partir de novembre, les moutons ne peuvent se substituer à une régulation précoce du colza, même s’ils freinent le développement des pieds avant l’hiver. » Le colza redémarre bien au printemps sans handicaper le rendement. « Les moutons ne tassent pas le sol à leur passage mais, dans les zones de couchage, des plants peuvent être détruits malgré tout », remarque Franck Sangouard.
C’est le constat de Patrick Olivier. « Les moutons restent la nuit et les colzas meurent à l’endroit où ils se couchent et dans des zones trop pâturées où ils sont restés trop longtemps. Ces zones laissent la place à de fortes infestations en adventices. Cette dernière campagne, sur ma parcelle de 25 hectares pâturée, j’estime à 2 hectares les zones où il n’y avait plus de cultures. » Pour Franck Sangouard, il n’est pas envisageable de retirer les moutons chaque fin de journée.
Un colza à hauteur de genou à l’automne pour être pâturable
Pour la pâture, les animaux sont parqués en parc électrique. « Une parcelle d’une vingtaine d’hectares est subdivisée en 10 parcs de pâturage environ. Nous faisons avancer les moutons au fil tous les quatre à cinq jours, explique le responsable d’exploitation. C’est le même principe de pâturage que sur les couverts d’interculture. Par rapport à ces derniers, on ne peut pas savoir à l’avance si un colza sera pâturable ou pas. Pour supporter ce passage, il faut que la culture soit suffisamment développée à l’automne, à hauteur de genou. Avec les semis précoces, cette situation est assez fréquente dans notre secteur. »
En 2020, sur la parcelle de 25 hectares de Patrick Olivier avec beaucoup de végétal à consommer, les bêtes sont restées du 1er novembre au 1er février. « Mais l’idéal serait de ne pas aller au-delà du 1er janvier, date à partir de laquelle la météo peut se montrer défavorable, observe Franck Sangouard. Il faut permettre une bonne reprise de végétation du colza à la sortie de l’hiver. » Le pâturage en parcs nécessite de la surveillance, de la réactivité et de la disponibilité pour bouger les animaux. Les pertes de rendement sont dédommagées, en nature. Patrick Olivier a reçu de la viande en compensation de ces zones détruites. Coup de chance ou impact prévisible : le retard de floraison du colza dû au pâturage a permis d’échapper aux coups de gels destructeurs d’avril 2021.
Le pâturage sur cultures intermédiaires et sur colza génère des économies substantielles d’aliments pour les éleveurs. « Nous ne fournissons aucun concentré à notre troupeau. De 60 tonnes de granulés, nous sommes passés à zéro pour un troupeau de 600 brebis, soit une économie de 15 000 à 20 000 euros, chiffre Franck Sangouard. Et d’un point de vue agroécologique, c’est positif. »