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Les prairies favorisent la qualité de l’eau

Les deux PMPOA se sont traduits par une amélioration de la qualité des eaux avec un impact d’autant plus évident qu’une forte proportion de la SAU a pu être maintenue en prairies permanentes. La situation est moins favorable dans les territoires spécialisés dans la céréaliculture.

Le maintien d’une forte proportion de surfaces en herbe ou en forêts associé à l’impact très favorable des PMPOA I et II a permis une amélioration significative de la qualité des eaux sur une grande partie du territoire français.
© F. d'Alteroche

Dans la plupart des territoires où sont élevés des ruminants et où une part importante de la SAU a été maintenue en herbe, la teneur en nitrate des eaux s’améliore. Il n’en est pas de même quand la céréaliculture prend de l’importance dans la mesure où elle se traduit par un recours plus important aux engrais de synthèse pour compenser la baisse de la teneur en matière organique des sols et l’impossibilité d’avoir recours aux engrais de ferme. Ces évolutions ont été mises en évidence dans une étude récemment conduite par Vincent Manneville, chargé d’environnement à l’Institut de l’élevage, à la demande de la Confédération nationale de l’élevage (CNE).

Cette étude repose sur l’analyse chiffrée de l’évolution de la concentration des eaux en nitrate réalisé sur l’ensemble des bassins de production français. Ces campagnes de surveillance des concentrations en nitrates dans les eaux douces sont réalisées au moins tous les quatre ans. Elles permettent de suivre l’évolution de la qualité de l’eau sur un pas de temps plus long, afin de réexaminer la délimitation des zones vulnérables et les programmes d’actions nitrate. Depuis 1992, cinq campagnes de surveillance d’analyses ont été réalisées. La dernière l’a été sur la période 2014-2015, mais l’intégralité des données n’était pas encore disponible pour cette étude. Les derniers chiffres pris en compte sont issus des campagnes de prélèvement allant de 1993-1993 à 2010-2011 pour un total de 5861 stations réparties sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine. Parmi ces points de mesure, 2848 d’entre eux étaient situés en zone vulnérable.

Selon le ministère de l’Écologie du Développement durable et de l’Énergie, l’analyse des stations communes aux deux campagnes 2004-2005 et 2010-2011 montre que les régions Pays de la Loire, Est Bretagne et Picardie ont, malgré tout, quelques stations en forte dégradation. Le Bassin parisien, l’Ouest de la Bretagne et la région Midi-Pyrénées affichent une stabilité voire une tendance à l’amélioration. Pour les zones d’élevage hors zone vulnérable, le Massif central et sa périphérie, la situation est globalement stable.

Pour l’étude CNE, un indicateur nitrate (IN) a été construit par l’Institut de l’élevage pour affecter à chaque canton une valeur reflétant la qualité en matière de nitrate des eaux souterraines et superficielles. Au sein de cette même zone vulnérable, l’analyse de l’IN selon les cantons met en évidence des évolutions somme toute contrastées selon le degré de spécialisation agricole du territoire français. Déjà en 2007, une évaluation du programme de maîtrise des pollutions agricoles (PMPOA) conduite en zone vulnérable démontrait que là où les travaux de mise en conformité des bâtiments d’élevage avaient été réalisés, une réponse sur la qualité de l’eau était nettement perceptible. Ces évolutions se confirment pour la campagne de prélèvement 2010-2011.

Analyse des chiffres couplée à celle des systèmes de production

Dans les zones de polyculture élevage, la situation selon l’Indicateur nitrate ne s’est que faiblement détériorée et concerne des zones assez limitées. La situation se dégrade quand les évolutions constatées entre 1997/98 et 2010/2011 font état d’un retournement des prairies permanentes pour les convertir à la céréaliculture. C’est par exemple le cas des Charentes, territoire en pleine conversion des cultures fourragères vers les grandes cultures avec des effectifs de vaches laitières en chute de 30% entre 2000 et 2010. La situation s’y est nettement détériorée.

« En revanche, dans les zones Est de la France (Lorraine, Alsace…), il apparaî que l’essentiel des conversions des surfaces en herbe en terres labourables s’est réalisé entre 1988 et 2000 », souligne Vincent Manneville. L’évolution de l’Indicateur nitrate dans ces régions met en évidence une amélioration de la situation. Elle serait en grande partie liée à cette plus grande antériorité de la conversion des prairies vers les grandes cultures. En effet, l’impact du déstockage massif de l’azote des prairies une fois ces dernières labourées est surtout sensible les premières années qui suit le retournement puis tend à se réduire. « De plus, ce territoire révèle moins de sensibilité à la lixiviation des nitrates, car d’une part l’occupation des sols repose sur au moins 30% de couverts pérennes (forêt ou prairie permanente) et d’autre part la texture argilo-calcaire des sols contribue elle aussi à limiter ce phénomène. »

Dans les zones de grandes cultures, sur les campagnes 2010/2011 en référence à 1997/1998, les dégradations varient de faibles à fortes. « La perte de matière organique dans ces sols cultivés depuis près de 40 ans combinée avec des apports soutenus d’azote minéral est un des principaux facteurs de percolation des nitrates », souligne Vincent Manneville. Dans les zones céréalières du grand Bassin parisien, si l’on se fie aux volumes de livraison d’engrais azotés (voir encadré), l’utilisations de fertilisants azotés est en progression. On observe ces mêmes évolutions dans une partie des territoires du Sud-Ouest de la France où les teneurs en nitrate des eaux se sont dégradées ces dernières années.

Sans pouvoir anticiper sur les résultats de la campagne d’analyse menée en 2014-2015, l’obligation réglementaire de mettre en place un couvert végétal sur des sols jusque-là nus en période hivernale devrait contribuer à améliorer la qualité de l’eau dans toutes les zones spécialisées dans la céréaliculture. « Les périodes d’apport et les quantités raisonnées pour le premier apport d’azote sur les céréales d’hiver sont également une clé pour la reconquête de la qualité de l’eau dans ces zones », souligne Vincent Manneville.

Pour les zones d’élevage restant sur une forte orientation vers les productions animales, les améliorations constatées sont – outre l’impact des deux PMPOA — liées à la meilleure prise en compte des fertilisants organiques issus de l’élevage avec également des conditions de stockage mieux adaptées. De plus, cette meilleure valorisation a eu pour conséquence de faire chuter les livraisons d’engrais azotés. Toutefois la concentration en nitrate des eaux dans ces territoires confirme que les efforts doivent encore être maintenus.

Le rôle favorable des prairies permanentes et de la forêt

Pour la zone non vulnérable, où est élevé une très forte proportion du cheptel bovin allaitant français, l’évolution de l’Indicateur nitrate met globalement en évidence un maintien de la qualité de l’eau. « De plus, cette zone non vulnérable représente globalement moins de 25% des consommations d’azote minéral du commerce et la part de l’azote organique total produit pèse 35% du total national. ». Cette situation favorable est aussi très liée à l’impact des surfaces occupées par les prairies permanentes et la forêt. Autant de couverts qui assurent de nombreux services écologiques (stockage du carbone, biodiversité…) tout en apportant leur contribution au maintien de la qualité des eaux.

Moins d’herbe et davantage de culture

C’est très net quand on circule dans toutes les zones dites « intermédiaires ». Au fil des ans, on assiste à un recul des surfaces en herbe, lesquelles sont progressivement réorientées vers la culture. Ces évolutions se confirment dans les statistiques entre 1989 et 2014 avec une nette progression des terres arables (+ 623 000 ha) associée au recul des surfaces toujours en herbe (-2 065 000 ha). Autant de statistiques qui doivent cependant être analysées avec prudence. Le recul conséquent des prairies permanentes est davantage lié au changement de statut de ces surfaces et ne correspond pas forcément à un changement d’usage agricole. C’est particulièrement vrai dans le Grand Ouest où la diminution de la STH au plan statistique « ne correspond pas entièrement à un changement d’utilisation du sol mais plutôt à une déclaration de la prairie permanente en prairie temporaire. Localement, cette stratégie déclarative s’explique par la volonté d’éviter la contrainte liée au maintien des surfaces en prairies permanentes. »

Moins d’engrais du commerce dans les zones d’élevage

En 1990, d’après des données statistiques de l’Union des industries de la fertilisation (Unifa), les régions Centre, Picardie, Pays de la Loire, Champagne-Ardenne et Bretagne occupaient respectivement les cinq premières places pour la consommation d’engrais azotés en France métropolitaine. Ces régions totalisaient à elles seules 44% des 2 428 834 tonnes livrées. Vingt ans plus tard les chiffres ont bien évolué. Pour la campagne 2010-2011, le quinté dans l’ordre des livraisons d’engrais azoté concerne les régions Centre, Champagne Ardenne, Picardie, Poitou-Charentes puis Aquitaine. Ces cinq régions totalisent 46% des 2 332 341 tonnes d’engrais azoté livré.

Connues pour leur haut niveau de spécialisation dans les productions animales, la consommation pour ce type d’engrais a reculé de 23% en Pays de la Loire de 38% en Bretagne. C’est en Aquitaine, Normandie, Champagne Ardennes et Lorraine que la consommation d’engrais azoté a le plus progressé. 

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