Comment réguler efficacement les rongeurs en élevage
Contrôler les populations de rongeurs indésirables en élevage ne s’improvise pas comme en témoigne Philippe Le Tirant, technicien applicateur dans le Finistère.
Contrôler les populations de rongeurs indésirables en élevage ne s’improvise pas comme en témoigne Philippe Le Tirant, technicien applicateur dans le Finistère.
Depuis dix-neuf ans, Philippe Le Tirant est technicien 3D (pour désinfection, désinsectisation, dératisation). Son métier de dératiseur ne se résume surtout pas à poser des d’appâts sans réfléchir. Sinon, il l’aurait quitté depuis longtemps ou beaucoup de clients se seraient passés de ses services.
« Notre travail est très technique, souligne Pascal Nicolas, son responsable technique chez Farago Bretagne, mais la mauvaise image des rongeurs nous assimile trop souvent à des exécutants de basse besogne. »
Pourtant, cela fait des siècles que les rongeurs des villes et des campagnes côtoient les humains pour profiter des restes de leur table. « Rappelons-nous qu’à la campagne, nous sommes chez les rongeurs. C’est nous les envahisseurs ! » souligne-t-il.
D’abord connaître son adversaire
Savoir dératiser s’apprend sur le terrain car il n’existe pas de formation, hormis l’agrément Certibiocide obligatoire pour acheter, vendre et manipuler les matières actives professionnelles.
Selon Philippe, la lutte contre les rongeurs sera permanente. « Dans une ferme, le zéro rongeur me semble une utopie. » L’objectif n’est pas d’éradiquer, mais de maintenir une population à un niveau aussi bas que possible. Encore faut-il bien connaître ces envahisseurs aux mœurs alimentaires et aux comportements différents s’il s’agit de souris ou de rats.
Pour mettre tous les atouts de son côté, identifier son adversaire permet de ne pas agir à l’aveugle. « Beaucoup ne savent pas distinguer le rat noir (rattus rattus) - dit des greniers - du rat brun (rattus norvegicus) le plus commun, encore appelé surmulot ou rat d’égout. » Ces deux espèces sont très sélectives et méfiantes vis-à-vis de leur alimentation (on parle de néophobie), et c’est le rat noir, moins fréquent, qui donne le plus de fil à retordre en la matière. Il s’inscrit souvent dans une logique de concurrences alimentaires, dures à maîtriser.
Très méfiants, les rongeurs évitent tout ce qui est nouveau, d’où la difficulté à leur faire consommer les appâts. « Ce sont les plus jeunes qui se font prendre les premiers avec les appâts, explique Philippe Le Tirant. Alors, j’essaie plusieurs méthodes. Parfois, j’utilise des pièges mécaniques, mais cela contraint à venir les relever. »
Réaliser un « nettoyage » préalable
Comme un enquêteur sur une affaire criminelle, un bon dératiseur est observateur et méthodique. Une fois la cible identifiée, il faut trouver son gîte et son couvert. Une souris peut vivre dans un environnement d’un mètre carré, alors que le territoire du rat est plus vaste. « Nous allons chercher les traces qui révèlent des passages, des crottes, des matériaux rongés… »
L’urine fraîche de rongeurs étant réputée fluorescente, certains dératiseurs utiliseraient des lampes à UV portables pour leur recherche. Ce qui est certain, c’est que des appâts contiennent des colorants fluorescents pour suivre les traces avec une lumière à UV.
Le technicien rappelle que la souris passe dans un interstice de l’ordre du diamètre d’un crayon et le rat par celui d’un marqueur, qu’ils finiront par agrandir en les rongeant. À moins de disposer d’entrées totalement hermétiques et de parois en béton, les rongeurs entreront s’ils détectent une source alimentaire attirante.
Pour Farago, il est primordial que l’éleveur supprime préventivement ou éloigne des bâtiments tous les refuges où les envahisseurs iront se cacher et se reproduire : tas de bois, palettes, pneus de tas d’ensilage, bâches, déchets de matériaux (plaques, panneaux, isolants…). Il maintient la végétation à une faible hauteur pour créer une zone vide hostile aux rongeurs. « Je le conseille toujours, mais je dois bien m’adapter à l’existant pas toujours très clean… », constate le technicien. Évidemment, toute source d’aliment est à protéger ou à enlever régulièrement.
Bâtir une stratégie de lutte efficace
Après la prévention vient la lutte au moyen d’appâts protégés contenant des rodenticides, dont l’usage permanent est remis en cause par la réglementation. Selon Philippe Le Tirant, « sortir l’artillerie lourde ne sert à rien pour commencer », c’est-à-dire truffer la zone de boîtes et utiliser des produits élaborés (donc plus coûteux) ou des pièges mécaniques (donc plus chronophages). « Il faut agir graduellement, sinon le risque est de voir rapidement le coût enfler. »
En volailles de chair, les boîtes d’appât peuvent être disposées autour des poulaillers sur les passages des rongeurs et dans le sas sanitaire, avec des emplacements numérotés et répertoriés. En pondeuses, elles sont aussi placées en intérieur aux endroits inaccessibles aux poules. « On n’oublie ni le hangar à paille, ni le stockage des fientes. Il est important de prévenir quand le hangar est vide et au vide sanitaire du poulailler pour intervenir en curatif. »
« L’élevage avec litière accumulée ou en plein air est souvent un casse-tête » reconnaît Pascal Nicolas, car plus propice aux rongeurs (trappes, recoins…). Les dessous de pondoirs sont des cachettes idéales. Chez un éleveur de faisans, Philippe a dû placer des boîtes sous les mangeoires extérieures.
Parfois, « les boîtes d’appât se promènent », déplacées par inadvertance (balayage, lavage, réparation…) et pas ou mal replacées. Avec des rongeurs méfiants par nature, cette perturbation réduit l’efficacité du programme de lutte. C’est notamment pour cette raison que chaque poste d’appâtage est numéroté et qu’un plan de pose est joint au cahier d’élevage. Il justifie la lutte antirongeur en cas de contrôle par la DDPP (direction départementale de la protection des populations) et les organismes certificateurs.
En pratique, Philippe Le Tirant passe au moins quatre fois par an pour inspecter et renouveler les appâts permanents. C’est un compromis entre le coût et le cycle biologique des rongeurs. « Si on fait bien son boulot, on arrive à maintenir la population à un bas niveau. J’interviens évidemment quand le client signale une recrudescence. »
Déléguer sans abandonner la partie
La plupart des clients s’en remettent entièrement à Philippe Le Tirant pour mener la guerre aux rongeurs. C’est le cas de Christian Guernevez du Gaec de Kerguilavant près de Quimper. Spécialisé en volailles bio, le Gaec détient plusieurs sites de production, un abattoir agréé CE et une fabrique d’aliments, tous suivis par Philippe. « Cela fait près de vingt-cinq ans qu’on fait appel à Farago. Nous avons arrêté de dératiser suite à des invasions. On passait des kilos et des kilos de produits, sans grand résultat. C’est à des professionnels plus qualifiés que nous de faire ce travail. » En revanche, Christian garde un œil attentif aux traces de rongeurs et alerte Philippe dès qu’il observe des signes de développement.
Les impacts des rongeurs
Dégâts sur les infrastructures pouvant conduire à des pannes, incendies… : les rongeurs possèdent des incisives à croissance continue et rongent sans cesse, même sans avoir faim. Leurs dents très dures sont capables de s’attaquer à presque tout (bois, câbles électriques, isolants…) ;
Gaspillage d’aliment : consommation égale à 10 % du poids vif par jour (en moyenne 3 à 5 g pour une souris, 25 g pour un rat noir, 35 g pour un surmulot). Les rats souillent dix fois plus qu’ils ne consomment (sacs et sachets percés, aliment souillé…) ;
Portage de germes et de parasites, transmissibles et potentiellement pathogènes pour les animaux et l’Homme.
À savoir
Le réseau national Farago