Canicule au pâturage : alerte rouge sur le couple vache-veau
Miranda Millérioux, vétérinaire nutritionniste spécialisée dans la santé préventive des petits ruminants et membre de commission de la Société nationale des groupements v étérinaires (SNGTV), partage son regard d’expert sur les incidences des pics de chaleur au pâturage, notamment sur le couple vache et veau.
L’exposition des vaches allaitantes aux fortes chaleurs estivales impacte de nombreuses fonctions physiologiques, dont la quantité et la qualité du lait, avec des retombées directes sur le veau. Un lait qui caille moins bien perturbe sa digestion et engendre des ballonnements ou des diarrhées. Ajoutez le stress causé par la chaleur, et tout concourt à altérer sa santé, sa croissance et son GMQ. À l’instar de sa mère, on veillera donc à sa bonne consommation d’eau, de sel, puis de fourrages.
L’alimentation au pré doit être adaptée
Les vaches elles-mêmes risquent plus d’entrer en acidose, notamment par une baisse de la production de salive et de la rumination. Ainsi, en période d’affouragement, on sert la ration aux heures fraîches et on favorise des fourrages secs ou semi-secs, rapides à ingérer et avec un risque d’échauffement faible. Miranda Millérioux conseille la complémentation des mères en minéraux et vitamines A et E. En outre, le risque d’entérotoxémie étant accru chez les jeunes, il faut éviter le gavage nocturne en plaçant le nourrisseur vers l’ombre pour favoriser un accès régulier. Il convient également de limiter les concentrés riches en amidon, équilibrer la protéine et favoriser des ingrédients contenant de la cellulose brute, comme de la luzerne déshydratée, des coques, de la pulpe de betterave, ou des drêches.
Gare au parasitisme
D’autre part, le stress thermique diminue l’immunité des animaux, y compris contre les parasites. Or plusieurs facteurs de risques s’additionnent, dont le pâturage d’herbe rase, ou, pour les veaux, la concentration des zones de couchage dans les points d’ombre, facilitant la transmission des germes et de certains parasites. Il faut donc être particulièrement vigilant sur l’état corporel des animaux et réaliser des coproscopies.
De plus, on observe une baisse de qualité des gamètes qui peut perdurer pendant les deux mois qui suivent le pic de chaleur. Les saillies sont moins nombreuses et se concentrent la nuit, lorsque les animaux sont moins en souffrance. Selon Miranda Millérioux, à long terme, l’adaptation aux fortes chaleurs, par la voie de la sélection naturelle, engendre sur plusieurs générations, des individus moins productifs mais plus résistants. Par conséquent la vétérinaire préconise de préparer la mise à la reproduction deux mois avant en suivant la nutrition des futurs reproducteurs.
Vigilance absolue sur les mises bas
La mise bas est un moment très délicat où le stress thermique induit des vêlages plus longs, des veaux plus chétifs, des mères moins maternelles et une altération du colostrum en quantité et qualité. Si les vaches sont rentrées en bâtiment pour la mise bas, il faut faire preuve d’anticipation pour éviter un changement brutal d’environnement, d’alimentation et de groupe social. Il va de soi que le bâtiment doit être adapté à la chaleur. Un animal peut mourir de chaud en mettant bas ! Il est primordial de bien préparer la mère au moins trois semaines avant le vêlage en enrichissant son alimentation, au pré comme en bâtiment. Des bolus d’oligoéléments et de vitamines, cinq à deux mois avant la naissance permettent aussi au veau de fortifier ses muscles et ses os.
Le plus important, de l’eau et du sel
L’eau est le premier tampon du rumen par la dilution des acides issus de la digestion microbienne. Une vache allaitante pouvant boire 100 à 150 litres d’eau par jour à une vitesse de 15 litres par minute, le point d’abreuvement idéal doit avoir un débit de remplissage d’au moins 20 litres par minute et par place, ou posséder un grand volume de réserve. S’ils sont multiples, les bacs doivent être suffisamment espacés pour que les vaches puissent en faire le tour sans se gêner. Les veaux doivent absolument pouvoir boire au même endroit que leurs mères car ils apprennent à s’abreuver par mimétisme.
En outre, pour donner envie de boire à un ruminant, il faut du sel, accessible en plusieurs points, à raison d’un pour 10 animaux. Miranda Millérioux préconise de distribuer, aux adultes, du sel en vrac, plus rapidement ingéré, en présence constante afin d’éviter le gavage, et des pierres de sel iodé pour les jeunes veaux.
En conclusion, pour préserver la production et le bien-être des ruminants des chaleurs extrêmes actuelles et à venir, il faut plus que jamais travailler en amont en complémentant l’alimentation plusieurs semaines à l’avance, et en protégeant de la chaleur grâce au couvert végétal qui absorbe le rayonnement et crée un microclimat.
Les gestes à adopter en cas de « coup de chaleur » sur un veau
1. Reconnaître les signes simultanés
Le veau émet plus d’un halètement par seconde, sa température corporelle dépasse 40 °C et il a une attitude dépressive pouvant aller jusqu’au coma.
2. Avoir les bons réflexes
Dans le pré, il faut immédiatement doucher l’animal, le mettre à l’ombre, du véhicule par exemple, le réhydrater par voie orale, ou sanguine s’il ne tète pas. Ensuite on peut le rapatrier à la ferme en évitant que les conditions de transport ne l’exposent de nouveau à la chaleur.
3. Le kit indispensable lorsqu’on fait le tour de ses pâturages
Un thermomètre ;
une réserve de 5 à 10 l d’eau pour doucher ;
un peu de miel à mettre dans la bouche pour lutter contre l’hypoglycémie et susciter le réflexe de succion ;
un biberon ;
une solution de réhydratation ;
un seau avec de la farine pour occuper la mère ;
une corde pour faire un licol.