Blé dur : la filière veut sécuriser les producteurs grâce à la contractualisation
Le blé dur est une céréale qui ne bénéficie pas de prix de vente stables. Produire dans un cadre plus rassurant, comme celui de la contractualisation, est un moyen de convaincre davantage d’agriculteurs de semer cette culture à risque.
Le blé dur est une céréale qui ne bénéficie pas de prix de vente stables. Produire dans un cadre plus rassurant, comme celui de la contractualisation, est un moyen de convaincre davantage d’agriculteurs de semer cette culture à risque.
« Avec un nombre d’acteurs limités, une offre très variable en qualité et en quantité et l’alimentation humaine pour presque seul débouché, le marché du blé dur est atypique », explique Frédéric Gond, président du comité de pilotage blé dur, qui ajoute que « c’est un marché mondial indexé sur la production canadienne assez difficile à anticiper ». Il n’existe pas de marché à terme comme pour le blé tendre, la cotation se fait uniquement sur le physique, de gré à gré. Le prix du blé dur subit des variations encore plus fortes que les autres céréales, entre 200 et 450 euros la tonne ces 10 dernières années. Dans ce contexte, la contractualisation avant récolte est une façon pour les producteurs de sécuriser au moins une partie du débouché, à condition de ne pas se mettre en risque sur les quantités et sur les qualités. Pour les organismes stockeurs et les transformateurs, c’est un moyen de couvrir une partie de leurs besoins et d’avoir une plus grande visibilité commerciale.
« Pour convaincre les agriculteurs, il faut leur donner les moyens de produire avec un maximum de garanties et ce d’autant plus que le blé dur est une culture à risque, avec de très fortes exigences des transformateurs », rappelle Frédéric Gond. C’est pourquoi le premier volet du nouveau plan de souveraineté blé dur est axé sur le renforcement de la dynamique contractuelle.
Des transformateurs français qui font le choix du blé dur français
Le groupe Panzani, qui achète environ un tiers de la production française, a décidé en 2019 d’utiliser exclusivement du blé dur français pour la production de ses pâtes sèches en France. À travers sa charte BRF (blé responsable français), l’industriel propose des contrats pluriannuels aux producteurs via les organismes stockeurs, dans des rayons de 1 à 400 km autour de ses usines. La coopérative Arterris, qui collecte 200 000 tonnes de blé dur en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie, est idéalement située pour approvisionner l’usine Panzani de La Montre à Marseille.
Clément Roux, responsable commercialisation collecte chez Arterris, explique que l’agriculteur communique à la coopérative « la surface et le volume qu’il souhaite inscrire en blé dur responsable Panzani et, sous réserve du respect du cahier des charges (caractéristiques techniques), celui-ci va toucher une prime à la tonne produite ». Panzani verse aux organismes stockeurs une prime de 20 euros la tonne, charge à eux ensuite d’en reverser une partie aux producteurs. Clément Roux révèle que la coopérative ne met pas de limite aux nombres de contrats : « Les producteurs sont libres de s’engager à la hauteur qu’ils souhaitent, car Panzani est en demande. » Albert Mathieu, président-directeur général du groupe Panzani confirme, en indiquant que « 65 % du tonnage de blés durs achetés sur la récolte 2023 a été produit sous charte BRF », et que les objectifs sont de poursuivre dans cette voie.
Une qualité française recherchée à l’international
Les autres transformateurs français, que sont les groupes Lustucru, Tipiak, Aster Développement (Alpina Savoie et pâtes Grand' Mère) et l’entreprise Valfleuri, ont tous mis en place une filière amont d’approvisionnement en blé dur 100 % française pour leurs productions de pâtes ou couscous. Mais la qualité du blé dur français intéresse aussi au-delà des frontières. La production française qui s’est chiffrée à 1,27 million de tonnes en 2023, est ainsi exportée à près de 70 %.
Côté Ouest-Océan, la coopérative Cavac travaille depuis près de 15 ans, avec le fabricant italien de pâtes Barilla, qui s’approvisionne auprès de ses adhérents du sud Vendée. Alors qu’il se fournit traditionnellement en blé dur via des achats spots, il n’y a qu’avec la Cavac que Barilla propose un contrat pluriannuel, en France. Chaque année, ce sont entre 25 000 et 30 000 tonnes de blé dur qui approvisionnent le groupe italien, soit un quart de la production de blé dur de la coopérative, qui indique que la qualité est un critère majeur du cahier des charges imposé par l’industriel, avec un taux de protéines fixé à 15 %.
Pourquoi les surfaces ont été divisées par deux en moins de 15 ans ?
Le blé dur, présent sur quatre bassins de production (Sud-Est, Sud-Ouest, Centre-Val de Loire et Ouest-Océan), occupait en 2023 une surface de 235 000 hectares. Elle était de 505 000 hectares en 2010. Frédéric Gond explique cette baisse par les caractéristiques de la culture et de la filière. Côté biologie, c’est une céréale très sensible à certains ravageurs, mais aussi aux aléas météorologiques et notamment à l’humidité en fin de cycle, avec des risques de maladies fongiques et de germination sur pied. C’est rédhibitoire pour un débouché en alimentation humaine et le changement climatique ne facilite pas les choses. Côté transformation, les attentes des industriels sont beaucoup plus fortes que pour d’autres cultures, notamment sur les taux de protéines, qui doivent être élevés pour satisfaire les process pastiers. Cela implique pour les producteurs de réaliser des apports d’azote importants (ce qui peut s’avérer coûteux certaines années) et positionnés à des périodes clés du développement de la culture (il faut donc bien maîtriser l’itinéraire technique). Enfin, à l’insécurité commerciale qui règne sur la filière, s’ajoute une recherche variétale qui s’est érodée au fil des années, créant un décalage de compétitivité par rapport aux cultures bénéficiant d’efforts importants. Il ne reste plus que deux semenciers travaillant sur le blé dur en France (contre 10 il y a 10 ans), avec un très faible nombre de nouvelles variétés mises sur le marché (4 à 5 variétés font 95 % des surfaces).