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Journée du 8 mars : quelle place pour les femmes en filières grandes cultures ?

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous avons recueilli les témoignages de quatre agricultrices, spécialisées en grandes cultures, Sophie Renaud, en Charente-Maritime, Corinne Obert, dans la Somme, Valérie Leguereau, installée dans le Loir-et-Cher, et Flavie Delattre, dans le Loiret.

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Quatre agricultrices céréalières : Corinne Obert, Valérie Leguereau, Flavie Delattre et Sophie Renaud.
© Action agricole picarde, V. Leguereau, F. Delattre et S. Renaud

D’après le recensement de 2020, les femmes représentent 25 % des chefs d’exploitations, soit 130 000 coexploitants ou associés, contre 8 % en 1970. La filière grandes cultures fait un peu moins bien avec seulement 15 % de femmes cheffes d’exploitation. Pour essayer de comprendre ce qui se cache derrière ce chiffre, nous avons échangé avec des agricultrices installées en grandes cultures.

Sophie Renaud : « J’ai appris à ne plus me préoccuper du regard des autres »

<em class="placeholder">Sophie Renaud, agricultrice en Charente-Maritime.</em>

Sophie Renaud est fière de son métier et aime en parler. D’abord installée sur quelques dizaines d’hectares pour se faire la main, elle a repris en janvier 2024, l’exploitation familiale comprenant 300 ha de grandes cultures et un petit atelier bovin viande en Charente-Maritime, ainsi que l’ETA créé par son père. Suivant ses traces, elle s’est engagée au syndicat départemental des Entrepreneurs des territoires et à la FDSEA. « Ce sont eux qui sont venus me chercher », aime-t-elle à souligner.

Que dire du métier de céréalier en tant que femme ? « Certaines tâches comme atteler un tracteur ou manipuler un bidon de 20 litres sont difficiles, mais c’est plus une question de corpulence que de genre », estime Sophie Renaud. « Il faut s’adapter, trouver des solutions et faire du renforcement musculaire aussi ! ». Conduire la moissonneuse, réaliser les traitements phytosanitaires, Sophie a progressivement appris à tout faire sur l’exploitation. La clé de la réussite est pour elle « la confiance en soi ». « En tant que femme, on se met des barrières, on ne se laisse pas le droit à l’erreur, on a toujours peur de mal faire car on se sent plus regardé. J’ai appris à ne plus me préoccuper du regard des autres ».

Elle admet des débuts difficiles car en plus du poids de la reprise de l’exploitation familiale, elle a subi la pression de certains qui pensaient pouvoir reprendre les terres… Néanmoins, en échangeant avec beaucoup de femmes agricultrices, elle a découvert que le milieu céréalier est « plus ouvert aux femmes » que d’autres filières agricoles et cela particulièrement dans son département de Charente-Maritime. « Je suis bien entourée par mes collègues céréaliers ». Devenue une véritable porte-parole du métier, très investie sur les réseaux sociaux, créatrice d’une marque de vêtements de travail « French Farmers », et Miss France agricole 2021, Sophie Renaud est farouchement convaincue que les femmes ont toute leur place en agriculture.

Corinne Obert : « La place des femmes dans l’agriculture a évolué positivement »

<em class="placeholder">Corinne Obert agricultrice Tincourt-Boucly</em>

Installée depuis 28 ans à Tincourt-Boucly, dans la Somme, Corinne Obert est une agricultrice passionnée qui s’investit sans compter pour défendre l’agriculture. Elle cultive 170 ha en polycutlure (blé, betterave, colza et lin fibre) et emploie un salarié à plein temps. « Le métier s’est beaucoup mécanisé et informatisé, observe l’agricultrice. C’est beaucoup moins physique qu’avant. » Issue d’une fratrie de quatre sœurs, elle a pris la suite de son père. « Je crois qu’à la naissance de chaque fille, il a pris un coup de bambou, s’amuse l’agricultrice. Mais finalement, il a vite compris que j’étais mordu et que je reprendrais l’exploitation. »

Elle a vu évoluer positivement la place des femmes depuis les années 1980. « Avant de m’installer, j’ai travaillé quelques années en tant que conseillère phyto chez un négociant en Beauce, et à l’époque il fallait vraiment que je prouve ma compétence avant d’être écoutée, constate-t-elle. Je trouve que cet aspect s’est amélioré. »

Corinne Obert est aussi une agricultrice engagée. Elle vient d’être élue pour un troisième mandat à la chambre d’agriculture de la Somme et elle est aussi administratrice de la coopérative Cérésia. « Depuis 2023, nous sommes désormais 2 femmes sur 32 au sein du conseil d’administration alors qu’avant il n’y en avait pas, se félicite-t-elle. On apporte un autre regard et l’ambiance est constructive grâce à la mixité. »

Flavie Delattre : « On trouve toujours des collègues hommes qui viennent nous soutenir »

<em class="placeholder">Flavie Delattre  agricultrice  dans le Loiret</em>

Flavie Delattre, est installée depuis 4 ans à Férolles dans le Loiret sur une exploitation de 150 ha en grandes cultures, asperges blanches et miscanthus. Elle a fait le choix de diversifier la structure familiale avec ces deux dernières cultures à forte valeur ajoutée, qu'elle commercialise en direct, pour sécuriser son revenu mais aussi pour créer de l’emploi et répondre à des besoins locaux. « En tant que femme, j’aime travailler à plusieurs en mutualisant les compétences ». L’agricultrice, qui est aussi administratrice chez Axéréal et présidente de Vegepolys Valley, ne voit pas de différence entre homme et femme en agriculture. « On ne peut pas être bon partout et chacun a ses compétences et ses appétences. On a tous besoin de se former régulièrement dans ce métier ». Et quand la force physique manque pour certaines tâches, « on trouve toujours des solutions », comme mettre par exemple en place un transpalette pour éviter de soulever de trop grosses charges.

Sur la question particulière de la présence des femmes sur les exploitations céréalières, elle souligne le fait qu’elles sont souvent présentes mais dans l’ombre, sur les tâches administratives. Pour elle, « les femmes ont leur place dans le paysage agricole », et il ne faut pas qu’elles aient peur d’y aller. Si dans certains cas, il peut être difficile d’être accepté au début en tant que femme, « il faut apprendre à passer outre » et au final on trouve toujours « des collègues hommes qui viennent nous soutenir ! »

Valérie Leguereau : « Il faut parfois clarifier les choses dès le départ pour s’affirmer en tant que cheffe d’exploitation »

<em class="placeholder">Journée du 8 mars : quelle place pour les femmes en filières grandes cultures ?</em>

Valérie Leguereau est fille d’agriculteur mais elle n’a pas eu l’occasion de s’installer sur la ferme familiale. « J’ai travaillé 10 ans en tant que conseillère comptable agricole et je me suis rendu compte que j’avais envie de passer de l’autre côté de la rampe », explique-t-elle. C’est à Villemardy, dans le Loir-et-Cher, qu’elle a eu l’opportunité en 2010 de reprendre l’exploitation d’un voisin de la ferme familiale de son mari. Elle a repris une centaine d’hectares de céréales et deux poulaillers de volailles de chair. « Mon cédant, qui ne me connaissait pas, m’a totalement fait confiance, il m’a aussi beaucoup accompagnée, évoque-t-elle. C’est mon mentor en agriculture. » En 2016, lors du départ à la retraite de son beau-père, elle et son conjoint décident de rapprocher les deux structures au sein d’une même exploitation (EARL) qui fait désormais 450 ha. Elle gère principalement les poulaillers et la partie administrative et son conjoint s’occupe des terres. Toutefois, l’assolement et les grandes décisions sont toujours pris à deux. « Il a été clair dès le début que la gestion de l’exploitation et les décisions se feraient à 50/50 », explique-t-elle.

Elle prend avec humour l’attitude de certains commerciaux ou transporteurs qui veulent parler au « patron » quand ils arrivent sur l’exploitation ou omettent de lui serrer la main en présence de son conjoint. « Je ne me gêne pas pour les remettre à leur place et en général, les choses se passent très bien ensuite », confie celle qui a aussi conscience du regard que peuvent porter certains voisins sur la place des femmes à la tête d’une exploitation agricole, mais assure prendre ça avec « beaucoup de recul ». « Il faut parfois clarifier les choses dès le départ pour s’affirmer en tant que cheffe d’exploitation », précise l’agricultrice.

Elle est aussi investie en dehors de la ferme puisque la jeune femme est administratrice et membre du bureau d’Axereal. « Nous sommes trois femmes sur 24, c’est un chiffre qui peut paraître faible mais c’est plutôt pas mal pour une structure d’une telle taille », assure Valérie Leguereau. Elle apprécie aussi la présence de plusieurs jeunes avec qui elle peut partager les mêmes problématiques : « La jeune génération, hommes comme femmes, nous avons des aspirations communes, des choses aussi simples qu’avoir besoin d’aller chercher ses enfants au judo. » Valérie Leguereau songe malgré tout sérieusement à se rendre en cotte de travail et en bottes au prochain conseil de région pour éviter la question fatale : « Mais dans quel service d’Axereal travaillez-vous ? » !

Marie-Christine Bidault et Virginie Charpenet

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