Pourquoi s’intéresser aux parcours des volailles sous signes de qualité (label, bio), des poules plein air et des palmipèdes gras ?
Isabelle Bouvarel - « Les parcours ont bien d’autres bénéfices que celui de la production de viande ou d’œufs en lien avec une réglementation et un cahier des charges d’élevage. En fait, nous parlons de 'services' car ces bénéfices ne sont pas tous mesurés en termes de production. Un service est une contribution positive matérielle (produire du bois, des fruits, du miel…) ou immatérielle (paysage esthétique…) à destination de l’éleveur, du consommateur ou de la société. Souvent, les éleveurs n’en ont pas conscience, d’où notre projet de les sensibiliser. En volailles label, cette notion de service est souvent implicite et repose sur l’expérience de l’aménagement paysager des parcours. Elle est moins connue chez d’autres éleveurs, notamment ceux qui se lancent dans l’œuf plein air. Il est donc nécessaire de les sensibiliser. Le parcours est la vitrine de l’élevage sur lequel on s’attend à voir les oiseaux dans de bonnes conditions, avec de l’herbe et des arbres sur tout le parcours. »
Comment allez-vous faire passer le message ?
I. B. - « Deux étapes sont envisagées. D’abord celle de la prise en conscience par une observation de son propre parcours et de ses animaux. Puis celle de mesures plus fines pour les éleveurs ou aménageurs plus aguerris. Nous sommes en train de construire un jeu de plateau, pour visualiser tous les services rendus et apprendre à les mettre en œuvre. L’idée est qu’on retient toujours mieux en s’amusant. Ce jeu va être bientôt testé auprès d’éleveurs et de techniciens. »
Quelles sont les techniques d’analyse des parcours envisagées ?
I. B. - « Cinq catégories de services ont été définies par des groupes d’éleveurs et de techniciens : la production de ressources et de valeur (revenu ou patrimoine), la qualité de vie de l’éleveur (fierté du métier, conditions de travail), les interactions avec les citoyens-consommateurs (bien-être animal, visitabilité, vente à la ferme…), l’intégration dans le territoire (emploi, identité locale, esthétique) et la qualité environnementale (recyclage de l’azote et du phosphore, stockage carbone, biodiversité…). Des indicateurs d’évaluation ont été ensuite définis par catégorie et testés dans des élevages expérimentaux plein air de l’Inra et de lycées agricoles. Les indicateurs sont en cours de testage dans différentes régions et sur différentes productions. L’idée est d’aboutir à une méthode rapide à apprendre et à appliquer soi-même, comme nous l’avons fait avec Ebène pour le bien-être animal. Les critères seront différents entre des éleveurs 'en sensibilisation' et des éleveurs 'experts'. Cette approche permettra de se situer et voir ses marges de progrès. On pourra difficilement comparer tel ou tel parcours car le contexte pédoclimatique change selon le lieu. Il ne faut surtout pas chercher à standardiser les parcours et les services. »
Allez-vous aussi expliquer la problématique des parcours aux citoyens ?
I. B. - « II est prévu de faire une table ronde avec des représentants d’ONG, de la distribution alimentaire et de l’administration pour expliquer notre démarche et comprendre ce qu’ils attendent des parcours et quelles sont leurs attentes. »
Est-ce qu’il serait possible de valoriser ces services, voire de les monétiser ?
I. B. - « Nous n’en sommes pas encore là et la question est complexe. Pour initier la réflexion, un travail est engagé avec l’Association pôle environnement Sud aquitain. À Pau, l’Apesa travaille sur l’appropriation et la création de valeur sociétales dans le cadre de la transition écologique. »
« Ne pas standardiser le parcours idéal »