Agrivoltaïsme : de premiers résultats agronomiques et zootechniques prometteurs
Si certains atouts de l’agrivoltaïsme comme la protection des ressources fourragères et des animaux face au réchauffement climatique sont prônés, qu’en est-il vraiment ? Des essais pour répondre aux sollicitations croissantes en ovins ont d’ores et déjà été réalisés, d’autres voient le jour en bovins.
Si certains atouts de l’agrivoltaïsme comme la protection des ressources fourragères et des animaux face au réchauffement climatique sont prônés, qu’en est-il vraiment ? Des essais pour répondre aux sollicitations croissantes en ovins ont d’ores et déjà été réalisés, d’autres voient le jour en bovins.
En Saône-et-Loire, une pousse de l’herbe mieux répartie sur l’année est mise en exergue grâce aux panneaux
En septembre 2021, une expérimentation en ovins sur prairies permanentes a été lancée au pôle régional ovin de Charolles avec la société Valeco, sur une petite unité. Des tables fixes ont été installées. Elles mesurent 1,1 mètre en point bas et 15 mètres de long. Deux espacements sont testés, l’un de 2,5 mètres et l’autre de 4 mètres. L’objectif : évaluer une potentielle différence du comportement de l’herbe en fonction de l’écartement des panneaux.
« On a suivi la pousse de l’herbe, l’évolution de la flore, de la densité et de la valeur alimentaire de l’herbe et comparé avec une zone témoin. Les données météo ont également été mises en relation. La première année de travaux confirme ce que l’on pensait », observe Laurent Solas, de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. À savoir, les panneaux offrent un effet protecteur par rapport à la chaleur/sécheresse et au froid/gel. Des sondes, posées en décembre 2021, relèvent l’écart de température et d’hygrométrie pour mieux mesurer ce microclimat. La pousse de l’herbe est par ailleurs mieux répartie sur l’année. Au printemps, un phénomène d’atténuation de la pousse est constaté. À l’inverse, l’herbe pousse plus longtemps sur les périodes chaudes et froides.
« Un bémol est à noter sur notre installation concernant la répartition de l’eau. Elle est moindre sous nos panneaux en mode portrait, impactant la pousse de l’herbe à cet endroit. Par ailleurs, la pousse de l’herbe est différente sous les panneaux puisque le manque de lumière contraint l’herbe à monter et s’étioler. Les feuilles sont moins larges et plus hautes. La diminution de la photosynthèse réduit la teneur en sucres solubles et la valeur alimentaire (- 0,1 UF) de l’herbe au printemps. Par contre, cette dernière se maintient plus longtemps l’été sous les panneaux. Les légumineuses disparaissent sous les panneaux et pourtant, la valeur azotée est supérieure à celle de la partie témoin et entre les panneaux. On ne se l’explique par pour l’instant mais on va se pencher sur la question l’année prochaine. »
Au final, la production d’herbe annuelle a été évaluée à deux tiers par rapport à une surface sans panneau. « Mais avec une adaptation du pâturage et une meilleure répartition de l’eau, la production devrait être meilleure. D’où l’importance du choix de l’implantation de la technologie. Par ailleurs, la hauteur supérieure des panneaux dans certains projets, en particulier en bovins, devrait favoriser la teneur en sucres. »
Dans la Nièvre, les panneaux confortent le maintien des performances animales
Le premier suivi date du printemps 2021 sur une centrale déjà en fonctionnement depuis 2018 et exploitée par un éleveur ovin. Ce travail, réalisé en partenariat avec l’entreprise installatrice Photosol, visait à mesurer la pousse de l’herbe, la performance des agneaux et à les comparer avec un lot témoin. L’essai a été conduit sur une parcelle de huit hectares couverte en panneaux et composée d’un mélange multiespèce semé en 2019. Les premiers résultats font état d’un gain de poids des agneaux pâturant sous les panneaux (+ 3 kg de poids vif entre la mise à l’herbe et le sevrage). L’état corporel de 31 brebis, qui sont restées de début avril 2022 à début janvier 2023 sur les huit hectares sans apport de fourrage, a également été noté. D’une note moyenne de 2 au sevrage, début août, celle-ci atteint 3,3 (1) début janvier, à un peu plus d’un mois de l’agnelage. Les performances animales sont maintenues malgré des terres à potentiel limité. « Les animaux utilisent clairement les panneaux comme abri. L’été, on a mis en évidence leur effet bénéfique contre la chaleur (la température relevée en dessous est inférieure d’environ 4 °C à celle constatée en zone témoin, aux heures les plus chaudes de la journée. Si en début de pâturage il y a peu de refus sous les panneaux, les brebis finissent par consommer cette herbe en arrière-saison. Le bruit des ondulateurs n’a pas l’air de déranger les brebis qui se couchent à côté. Aucun problème n’a par ailleurs été constaté par l’éleveur côté reproduction mais un suivi est prévu pour l’année en cours », expose Christophe Rainon de la chambre d’agriculture de la Nièvre (2). Sur ce type d’installation, les éléments en format paysage avec des espaces entre chaque permettent à la pluie de passer et l’écartement de 3,70 mètres entre tables permet le passage des outils.
Une expérimentation va voir le jour pour Feder en bovins viande
« La politique sur l’agrivoltaïsme a émergé à la coopérative par l’intermédiaire des ovins. Puis, plus récemment, nous avons reçu des demandes d’adhérents bovins. On a donc souhaité s’investir sur le sujet qui représente une opportunité pour le secteur mais pas sans fondement agricole. On veut des panneaux sans conflit d’usage avec l’élevage et qui lui assure de la valeur ajoutée », présente Christophe Fouilland, de l’union de coopératives bovines et ovines Feder. Ainsi, un projet agrivoltaïque va se concrétiser dans la Nièvre en bovins viande avec plusieurs entreprises partenaires. Des panneaux verticaux Est Ouest, espacés de 9 mètres seront installés d’ici 2026 sur 15 hectares de pâtures, conduits en pâturage tournant. Les parcelles les moins riches de l’exploitation ont été sélectionnées. « On souhaite mesurer la pousse de l’herbe, le comportement des animaux, leur croissance et l’impact sur le bien-être. »
Des haies solaires pour les vaches de l’herbipôle Inrae de Laqueille
En septembre 2022, neuf haies photovoltaïques (1) ont été implantées sur une parcelle de 0,9 hectare, à l’Inrae de Laqueille, dans le Puy-de-Dôme, pour une puissance de près de 100 mégawatts heure. L’expérimentation initiée par Engie Green a pour enjeu d’évaluer les effets de cette technologie sur l’écosystème et de modéliser la production d’électricité renouvelable en comparaison avec une zone témoin. « Nous analyserons les éventuelles conséquences sur les sols et les cultures, le microclimat aérien et souterrain, le comportement et le bien-être des animaux, la biodiversité, le stockage carbone… », note Catherine Cochard de l’herbipôle. Deux types d’écartement seront testés (12 mètres et 18 mètres). « Ces panneaux verticaux fixés sur pieux métalliques sont bifaciaux et ainsi orientés plein Ouest et Est. Les normes d’ancrage ont été calculées pour résister aux frottements des bêtes et aux vents. Les tests devraient le confirmer. Tout a été étudié pour éviter les blessures des animaux », présente Aline Chapulliot d’Engie Green. Dès avril, un lot de génisses occupera la parcelle puis la catégorie changera chaque année.Le tassement du sol sera également mesuré à l’état initial, à l’installation et dans le temps pour évaluer un potentiel impact des engins de chantier à la mise en place et au démantèlement. Le projet d’une durée de cinq ans testera en effet cette dernière étape en fin de parcours.
« En parallèle, l’effet brise-vent des haies solaires a été modélisé. La vitesse des vents dominants est divisée par deux sur plus de 95 % de la surface du champ et les risques de vents violents supérieurs à 80 km/h sont divisés par plus de 50. Ces informations nous laissent supposer que les animaux profiteront de cet avantage et que l’effet sur la végétation sera visible », reprend Aline Chapulliot.
Un pôle national en construction à l’Inrae
L’Inrae travaille depuis 18 mois sur la création d’un pôle national recherche, innovation et enseignements sur l’agriphotovoltaïsme dont l’objectif est de trouver les conditions de synergies pour optimiser la production agricole et d’électricité en fonction du système de cultures et du contexte pédoclimatique. « Pour répondre à toutes les questions qui découlent de cette problématique, des sections thématiques ont été mises en place. Elles vont des sciences des matériaux à l’étude du microclimat en passant par la production agricole… On collabore avec une vingtaine d’unités Inrae et de nombreux partenaires publics et privés », présente Stéphanie Mahieu, chargée de mission au pôle national. La démarche du pôle consiste à passer par une approche combinant modélisation et expérimentation. Une dizaine de projets bovins laitiers et allaitants sont en cours de coconstruction.