Sale temps dans les vignes du Cantal
Malgré une récolte qui s’annonce amputée de plus de moitié en raison du gel mais surtout du mildiou, Sébastien Lavaurs, viticulteur à Montmurat, s’estime bien moins malchanceux de ses confrères.
Malgré une récolte qui s’annonce amputée de plus de moitié en raison du gel mais surtout du mildiou, Sébastien Lavaurs, viticulteur à Montmurat, s’estime bien moins malchanceux de ses confrères.
Ce samedi, c’est une parcelle de souvignier gris, un cépage blanc allemand, qui ouvrira le bal des
vendanges au Domaine des orchidées(1) à Montmurat, où Sébastien Lavaurs cultive depuis 2016 trois hectares de vignes en agriculture biologique. Un bal dans une ambiance pas franchement à la fête au terme d’une saison viticole qui, ici, comme dans la majorité des vignobles tricolores, a vu s’accumuler les pépins. Si les ceps de Sébastien ont miraculeusement échappé au violent orage de grêle qui, en juillet, a déchiqueté les feuilles et grappes de ses voisins aveyronnais, le gel ne l’a, cette année encore, pas épargné.
Mildiou voyou
Des gelées tardives, début avril, cinq jours durant, qui ont brûlé les feuilles et bourgeons naissants sur une parcelle entière, et causé ailleurs un stress à la vigne. Résultat : un problème de floraison et des baies minuscules, amputant de 10 à 20 % la production sur certaines parcelles. Mais c’est surtout le combo humidité et chaleur sous le brouillard quotidien de la mi-juillet qui a terni l’espoir d’un millésime prolifique. Des conditions idéales au développement du mildiou, l’ennemi public numéro un des vignerons, talonné par l’oïdium (pourriture blanche) et son cousin le black-rot (pourriture noire).
Sur les parcelles de merlot sensibles, les dégâts sont bien visibles, les grappes réduites à l’état de squelette brun par le champignon malgré les traitements répétés au cuivre, au souffre - seuls produits autorisés en bio -, complétés de tisanes et décoctions de plantes (notamment de prêle pour l’humidité) associées à du... petit lait, aux propriétés antioxydantes. “Ça limite l’impact...” et les pertes qui devraient tout de même avoisiner les 50 à
60 %. “Au grand maximum, je pense récolter entre 40 et 50 hectolitres, contre 100-120 en estimation basse une année normale”, explique Sébastien Lavaurs, qui s’estime malgré tout chanceux au vu des déboires de ses confrères.
Certes, il lui reste un peu de stocks de 2022, sa meilleure année à ce jour, mais il va falloir composer avec une cuvée - et donc un chiffre d’affaires - 2024 drastiquement réduits. Ce n’est pas encore cette année que le viticulteur pourra se dégager un salaire, investir dans de nouvelles cuves... D’autant que le secteur est le parent pauvre des politiques agricoles et dispositifs de soutien. En 2021, frappé par le gel, le Domaine des orchidées n’a bénéficié que de maigres subsides. “Mais je n’ai pas choisi de faire ce métier pour toucher des aides”, affiche Sébastien Lavaurs, dont la motivation reste alimentée par sa passion du travail de la vigne en biodynamie et du vin en chais.
Pas question donc de verser dans la fatalisme ni le défaitisme : le viticulteur a pris les devants et programmé de surgreffer l’an prochain l’une de ses parcelles de merlot avec du souvignier gris, un cépage plus résistant au mildiou comme en témoignent la densité et la vigueur des ceps et grappes sur les côteaux de Montmurat. “Même si c’est du boulot pour favoriser le développement du bourgeon greffé, l’intérêt du surgreffage, c’est qu’on ne perd qu’une année de production contrairement à de l’arrachage suivi d’une replantation”, explique l’agriculteur.
Rareté et variété des cépages
Et si la greffe prend, au sens propre et figuré, d’autres parcelles, notamment une parcelle carencée, pourraient suivre le même chemin. 2025 verra aussi l’arrivée à maturité d’un quatrième hectare de vigne, planté en 2019 avec des cépages, peu connus dans nos contrées, qui vont venir élargir et enrichir la gamme du Domaine : le solaris, vigoureux, rustique, choisi pour sa résistance au mildiou et à l’oïdium, du romorantin, un cépage rare venu du Loir-et-Cher, alliant rusticité et qualités œnologiques, ou encore le chenin, un autre blanc, fertile, précoce et résistant. “Ce sont des cépages que j’affectionne non seulement pour leur résistance et leurs qualités gustatives mais aussi parce qu’ils sont assez atypiques, c’est ce que je recherche, proposer des vins différents, singuliers”, confie Sébastien Lavaurs, qui élève par ailleurs du cabernet franc, du cabernet sauvignon, un peu de merlot et le plus discret tannat.
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(1) Qui doit son nom à la zone Natura 2000 au nord-ouest de la Garenne de Montmurat où est située l’exploitation, une zone qui affiche une grande diversité d’orchidées.
Vins natures pour Terre... Happy
Le Domaine des orchidées est labellisé en agriculture biologique et produit des vins naturels, sans recours aux pesticides, herbicides, engrais de synthèse, et sans intrant dans le process de vinification. “Je travaille en biodynamie, en suivant les cycles lunaires, avec le minimum d’interventions sur le sol, j’évite de passer le tracteur, je tonds entre les rangs et j’utilise un matériel spécifique pour désherber sous le rang, cela demande beaucoup plus de surveillance”, décrit le vigneron autodidacte, qui a repris une parcelle de vigne de son beau-père à son installation, d’abord en pluriactivité, avant d’implanter d’autres parcelles sur ces sols argilo-calcaires du Sud-Châtaigneraie. Le seul ajout qu’il s’autorise en cave à dose homéopatique est l’apport de sulfite, uniquement si la cuvée le nécessite. Le vigneron propose des rouges et blancs - qui font partie du “Comté Tolosan” aux noms poétiques ou plus ludiques : “Prélude”, “Terre-Happy”, “Angelo Picolo”, “Le vin qui fait danser les vaches” pour les rouges, “Le Cantalou nouveau” (primeur), “Le produit d’anges heureux” (blanc).
Consommation en berne
“Ce sont des vins (entre 12 et 14° d’alcool) qui ont une identité fidèle au territoire, de la profondeur, beaucoup de structure, avec un côté fruité qui ressort”, décrit le viticulteur, dont plus de la moitié des bouteilles sont commercialisées auprès de cavistes partout en France, des magasins spécialisés bio et épiceries fines, des restaurateurs et via la vente directe sur place. Une singularité dont il espère qu’elle lui permettra de résister à la morosité des ventes et au recul de la consommation de vin qui se confirment depuis deux ans tant sur les salons que dans les commandes.