Accords commerciaux
Rejet du CETA : l'agriculture divisée
Le rejet du CETA par les sénateurs n'est pas pour plaire à tout le monde notamment aux filières viticoles et fromagères dont l'export vers le Canada représente des volumes importants.
Le rejet du CETA par les sénateurs n'est pas pour plaire à tout le monde notamment aux filières viticoles et fromagères dont l'export vers le Canada représente des volumes importants.
Au lendemain du rejet du CETA par les sénateurs, toutes les filières agricoles ne sont pas aussi enthousiastes à l'idée de ne plus commercer avec le Canada.
À la cave Desprat Saint-Verny, cette décision politique est d'ailleurs vécue comme un coup de tonnerre par Pierre Desprat qui ne mâche pas ses mots :
« cette décision répond à l'urgence d'une filière sans s'inquiéter d'en sacrifier une autre (...) la filière viticole n'a pas l'air d'être suffisamment en difficulté pour qu'on se préoccupe d'elle ».
La colère du directeur de la cave est légitime. L'export de vins vers le Canada représente annuellement plus de 100 000 bouteilles sur les 600 000 produites. « L'Impromptu, une AOC Côtes d'Auvergne, est leader des ventes de cuvées 100% Gamay au Canada. » La cave a gagné cette notoriété grâce à un travail de longue haleine « huit années ont été nécessaires pour faire notre place » précise Pierre Desprat qui ajoute : « sans compter les investissements financiers colossaux (...) plusieurs voyages par an, les dégustations... ». Désormais, la filière viticole navigue en plein brouillard ne sachant si elle doit poursuivre les négociations en cours ou tout stopper. « Nous sommes en pourparlers pour intégrer de nouvelles cuvées mais, si comme évoqué actuellement, les droits de douanes augmentent de 10% à cause de la suspension du CETA, nos volumes vont clairement décliner voire peut-être même disparaître. »
Quid du respect des appellations ?
Ce rejet est également une mauvaise nouvelle pour les filières fromagères. Au Sifam, le Syndicat Interprofessionnel de la fourme d’Ambert et du bleu d'Auvergne, l'export de fromages vers le Canada représente un plus de 10 tonnes par an. « Rien d'exceptionnel » tempère Aurélien Vorger, directeur du syndicat, mais suffisant toutefois pour assurer « un appel d'air ». Outre les droits de douane et « 15 ans de prospections nécessaires pour percer », c'est davantage la protection des appellations d'origines qui inquiète la filière. Le CETA dans sa composition actuelle, prolongeait outre-atlantique le protectionnisme territorial des AOP empêchant ainsi la fabrication de faux.
« Sans cet accord, nos produits pourront être copiés librement sans que nous n'ayons aucun recours possible. »
La solution serait alors la création d'une marque. Le Sifam en a créé une pour le commerce vers les États-Unis. « C'est très coûteux parce qu'il faut monter un dossier pour chaque pays. Je ne suis pas sûr que cela soit très rentable. »
Désormais, la filière viticole et fromagère sont suspendues au vote de l'Assemblée Nationale en mai prochain. Pierre Desprat et Aurélien Vorger disent « entendre les revendications des éleveurs bovins » mais espèrent tout de même un signal positif de la part des députés.
Il a dit...
David Chaize, responsable section bovine FNSEA63
Le rejet par les sénateurs français du CETA - l’accord commercial entre l’Union Européenne et le Canada-, est un très bon message en faveur de l'élevage bovin français. Cet accord n’impose aux imports canadiens aucune condition de réciprocité concernant les modalités de production. Alors que les méthodes de production canadiennes autorisent, par exemple, l’usage de farines animales dans l’alimentation des bovins ou encore d’antibiotiques comme facteurs de croissance, l’accord ne prévoit aucune restriction pour les produits destinés au marché communautaire, alors même que ces méthodes, et bien d’autres, sont depuis longtemps interdites en Europe. De plus, le CETA ouvre un contingent à droits de douane nuls de 65 000 tonnes de viandes bovines. Celui-ci s’applique de façon provisoire depuis 2017, et n’avait pas encore été soumis au vote des sénateurs. C’est désormais chose faite et les sénateurs français s'y opposent ! Ce vote est la preuve d’une prise de conscience politique sur l’urgence de la mise en œuvre systématique de mesures et clauses miroir qui garantissent la réciprocité des normes dans le cadre de tous échanges de produits agricoles.