Écophyto
Phytosanitaires et santé : un cocktail détonant
À mi-parcours du plan Écophyto 2018, la Chambre régionale d’agriculture, la Région et les services de l’État se sont associés pour un colloque « Phytosanitaires et santé » le 23 janvier. Les objectifs : faire le point sur les risques pour la santé et les actions menées en matière de prévention des risques et de réduction des phytosanitaires en Limousin.
Premier à intervenir, Jean-Marc Maynard, directeur de recherche à l’INRA a fait un rappel sur l’utilisation des phytosanitaires en France. Dans les années 70, l’évolution des produits phytos a été l’un des éléments qui a permis à l’agriculture de s’intensifier. De nouvelles pratiques culturales se sont développées : semis plus précoces, densités plus élevées, rotations plus courtes, avec à la clé certains problèmes (risques de verse, pucerons, adventices, etc.) et un besoin encore plus important en phytosanitaires pour les pallier. L’apparition des outils d’aide à la décision dans les années 1990 – 2000 a permis de rationnaliser les pratiques mais pas d’en réduire vraiment l’usage. Depuis 2008 et l’arrivée du plan Écophyto, des actions sont menées pour réduire la pression phytosanitaire. Des techniques alternatives existent, pourtant certaines ont du mal à être diffusées. En 2013, une étude sur les freins et les leviers à la diversification des cultures a été menée par l’INRA. Avec la conclusion suivante : « les systèmes actuels sont cohérents avec l’organisation des filières et des systèmes de diffusion d’information. Pour réduire les phytosanitaires, tous les acteurs doivent se mobiliser et pas seulement les agriculteurs ». Un argument qui peut faire pencher la balance est sans nul doute les effets des produits phytosanitaires sur la santé humaine. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a dirigé une expertise collective sur les effets des pesticides sur la santé. Une étude difficile à conduire du fait de l’interaction possible entre des substances, de la différence de vulnérabilité entre les personnes ou de l’absence de certaines données sur le territoire français. Malgré tout, le lien entre l’utilisation de produits phytosanitaires et certaines maladies apparaît étroit. C’est le cas pour certains cancers (prostate, lymphome non hodgkinien, myélome multiple) et des maladies neurologiques (Parkinson). Les phytosanitaires seraient aussi en cause dans certaines malformations, problèmes de développement neurologique et morts fœtales durant la grossesse. Un lien avéré est aussi établi entre l’exposition au dibromochloropropane et la fertilité. Celle-ci pourrait être également affectée par des substances aujourd’hui interdites : DDT, Lindane, etc. Pour d’autres pathologies, des liens sont suspectés : leucémies, mélanome, maladie de Hodgkin, cancer des testicules, Alzheimer. La reconnaissance de ces pathologies comme maladies professionnelles est aujourd’hui difficile même si des réseaux de surveillance existent (Phyt’attitude, études MSA, registre des cancers, etc.). Premier écueil, les visites médicales du travail ne concernent que les salariés et pas les chefs d’exploitations. Les effets aigus, facilement identifiables sont peu déclarés. Pour les effets chroniques qui apparaissent parfois plusieurs dizaines d’années après l’exposition, c’est pire. Le plus souvent, aucun historique des expositions n’existe. L’exposition à de multiples produits et l’influence d’autres facteurs tels que le tabac rendent le diagnostic parfois impossible. Pour les pathologies non répertoriées comme maladies professionnelles, les demandes de reconnaissance sont longues et complexes. En outre, le tableau des maladies professionnelles évolue très lentement. Le décret intégrant la maladie de Parkinson dans la liste est paru seulement en 2012… Dans la salle, nombre de médecins semblent inquiets, voire agacés : si certains dispositifs existent, si des études sont menées, les choses ne vont pas assez vite.
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La suite est à lire dans la Creuse agricole et rurale du 7 février 2014.