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Maladies vectorielles émergentes : le point sur la MHE et la FCO en France et en Corrèze

Les évolutions rapides des zones régulées ces derniers jours montrent que les maladies vectorielles restent complexes à anticiper et gérer : Cela fait 18 ans que les 1ers sérotypes de FCO ont envahi la France et la meilleure parade reste la connaissance fine de ces maladies. Une observation régulière des animaux permettant des soins précoces, un travail de fond sur leur immunité passant notamment par l’alimentation (équilibre, complémentation minérale, oligo et vitamines !) et une vaccination ciblée.


Des maladies virales principalement transmises par des vecteurs


La MHE et la FCO sont provoquées par des virus de la famille des Orbivirus, identifiés par leur sérotype (32 pour la FCO, 8 pour la MHE). Ces maladies sont strictement animales, non transmissibles à l’homme et n’affectent pas les denrées alimentaires. Ces virus ne passent pas directement d’un animal à un autre mais par le biais d’insectes piqueurs, les culicoïdes, qui diffusent la maladie via leurs piqûres.
 

Occasionnellement, on observe aussi des contaminations par les aiguilles et par voie transplacentaire pour les sérotypes 3 et 8 de FCO. Les moucherons femelles piquent tous les 3 à 4 jours et contaminent les ruminants lors du repas de sang. La survie des culicoïdes (une vingtaine de jours en moyenne), leur activité (principalement du crépuscule à l’aube) et la dispersion des moucherons piqueurs dépendent des conditions météorologiques (température, hygrométrie, vent…) Les produits de désinsectisation utilisés classiquement chez les ruminants ont une efficacité moindre sur les culicoïdes et nécessitent des traitements tous les 7 à 10 jours.


Un historique de circulations successives et de mutations de souches depuis 18 ans


Après l’arrivée et la circulation en France de 2 sérotypes BTV8 (en provenance des Pays Bas) et BTV1 (en provenance de l’Espagne), d'août 2006 à 2010 et avec plus de 33 000 foyers cliniques dus au BTV-8 et près de 4 200 dus au BTV-1, la vaccination avait permis le recouvrement du statut indemne de la France le 14 décembre 2012 et donc une normalisation des échanges.
Un foyer de BTV8 dans l’Allier en septembre 2015 bloquant à nouveau tous ces marchés, la vaccination avait repris progressivement, étant obligatoire pour certaines transactions, avec des restrictions de doses en début 2016 puis une mise à disposition plus large et gratuite via les vétérinaires sanitaires jusqu’à mi 2017.
L’apparition d’un nouveau sérotype BTV4 en provenance de la Corse avait de nouveau désorganisé le marché à l’automne 2017. En 2023, la découverte de cas cliniques début août dans l’Aveyron a permis d’identifier un nouveau sérotype 8 de la FCO qui ne présentait aucun lien génétique avec le virus historique. Ce nouveau variant dont on ignore l’origine a poursuivi sa diffusion dans le sud de la France bien que la vaccination disponible contre le BTV 8 soit efficace contre cette nouvelle souche.
 

La France est aussi confrontée à une circulation de Maladie Hémorragique Épizootique (MHE), touchant principalement le sud-ouest du pays. La maladie présente en Amérique du Nord, en Australie, en Asie, en Afrique notamment dans le Maghreb et au Moyen orient est apparue la première fois en Europe continentale à la fin octobre 2022, probablement à la suite d’une dissémination de moucherons par le vent depuis la Tunisie. Le virus semble avoir circulé simultanément en Sardaigne, en Sicile et dans le sud de l’Espagne puis s’est propagé dans le reste de l’Espagne et au Portugal avant d’atteindre les Pyrénées en septembre 2023.
 

La MHE est biologiquement similaire à la Fièvre Catarrhale Ovine (FCO) mais elle affecte principalement les bovins, avec des symptômes proches de la FCO. Les ovins, les caprins et les camélidés peuvent être infectés sans développer de signes cliniques majeurs, et l’impact sur les cervidés européens reste incertain. Le virus est transmis par les mêmes moucherons piqueurs (culicoïdes), et un vaccin spécifique (sérotype 8 de la MHE) a été récemment mis au point par le laboratoire CEVA et a obtenu une ATU le 6 août 2024. La réglementation de l’UE classe la MHE en catégories D et E, ce qui implique des obligations de surveillance, de signalement et des restrictions de mouvements à l’échelle européenne pour les éleveurs, notamment une interdiction de mouvements d’animaux vers un autre État membre de l’Union Européenne pour tous les élevages situés dans un rayon de 150 km autour d’un foyer, sauf accord bilatéral moins-disant. Certaines destinations vers les pays tiers font également l’objet de restrictions. Cette gestion relève de la responsabilité de l’État et des négociations européennes ou internationales.
 

Depuis son émergence en France, plusieurs milliers de foyers de MHE ont été recensés ; l’hiver 2023 avait permis l’installation d’une période d’inactivité vectorielle mais la circulation semble avoir repris depuis le 1er juin 2024 dans la zone d’émergence.


Un impact sanitaire majeur pour les ovins… et un impact commercial marqué pour les bovins


La FCO et la MHE étant des maladies à déclaration obligatoire, toute suspicion doit être signalée au vétérinaire sanitaire de l’exploitation. Pour la FCO, après une semaine d’incubation, les signes cliniques apparaissent : hyperthermie, difficultés de locomotion, ulcérations dans la bouche avec difficulté à s’abreuver et à manger, croûtes sur le mufle, jetage ou encore langue bleue (ovin), lésions sur les trayons… De nombreux animaux peuvent être malades (jusqu’à un tiers du troupeau en ovin et 10 % en bovin). De la mortalité chez les ovins et les bovins est également présente, y compris chez des adultes, les caprins semblant moins sensibles. La circulation du virus a également un impact majeur sur la reproduction, avec des animaux non gestants et la capacité pour la FCO 3 et 8 de passer la barrière placentaire, entraînant la naissance de nouveau-nés mal formés (hydranencéphalie, microcéphalie…).


En pratique, que sait-on des nouveaux sérotypes de FCO ?


Les retours des Pays Bas sur le sérotype 3 : ce sérotype avait été détecté le mardi 5 septembre 2023 aux Pays Bas et rapidement identifié (BTV-3 ; genre Orbivirus, famille des Reoviridea) sur la base du séquençage du génome entier, sérotype jamais détecté aux Pays Bas auparavant. Une mortalité élevée a été observée chez les bovins, les caprins et surtout les ovins. Dans le cadre d’une étude pilote sur la surveillance de la santé des petits ruminants, des analyses approfondies ont été réalisées sur la mortalité des ovins et des caprins en lien avec l’épidémie de BTV-3. Entre le 4 septembre et le 31 octobre 2023, plus de 37 000 moutons supplémentaires sont morts par rapport à la même période les années précédentes, sans distinction entre élevages professionnels ou de loisir. L’augmentation de la mortalité était plus prononcée chez les moutons adultes que chez les agneaux. Aucune surmortalité n’a été observée chez les chèvres au cours de cette période.
 

Les chiffres présentés, bien qu’incomplets, donnent une idée de l’impact de l’épizootie de BTV-3 sur la mortalité des ovins. Par exemple, dans les élevages ovins professionnels infectés par le BTV-3 depuis au moins six semaines, en moyenne 25 % des animaux sont morts. Par ailleurs, plus de 2 200 fermes bovines ont signalé des symptômes de FCO3 chez les bovins dont environ 1 000 élevages ont signalé des cas cliniques associés chez d’autres espèces animales (presque toujours des moutons). Sur l’ensemble des déclarations, 70 % provenaient d’exploitations laitières et d’élevage de jeunes bovins, 18 % de petites exploitations bovines. Par la suite, l’augmentation de la mortalité bovine diminue lentement, mais reste élevée tout au long de la période analysée (jusqu’à 10 semaines après la déclaration). Les Autorités néerlandaises ont annoncé qu’entre 8 et 10 % du cheptel ovin est mort entre septembre et décembre 2023


Les retours de la Belgique sur le sérotype 3


La Belgique qui a été touchée dans l’été nous confirme les signes cliniques suivants : abattement prononcé, fièvre, chute souvent importante de la production laitière, signes locaux habituels (écoulement nasal, hypersalivation, ulcères du mufle et de la bouche) ; également signalés des conjonctivites voire kératoconjonctivites (yeux blancs), des boiteries et le gonflement du bourrelet coronaire. Enfin, la Wallonie fait état d’une flambée d’avortements avec des lésions évocatrices comme l’hydrocéphalie. La mortalité a augmenté de façon marquée dans les provinces de Liège et au Luxembourg.


Et de l’Aveyron sur le sérotype 8 nouveau variant


Plusieurs cas cliniques de Fièvre Catarrhale Ovine-sérotype 8 (FCO – 8) sont apparus chez des bovins et des ovins début août 2023 dans le sud du Massif central. Initialement localisée à quelques communes, la maladie s’est propagée en quelques semaines. Le sérotype 8 de la Fièvre Catarrhale Ovine (BTV-8) avait été détecté pour la première fois en France en 2006 (BTV8- France 2006) et était depuis régulièrement identifié mais sans impact majeur le plus souvent. Contrairement à l’ancienne souche (BTV8-France 2006), la nouvelle souche (BTV8-France 2023) qui circule depuis août 2023 semble induire des signes cliniques dans de nombreux élevages d’après les remontées du terrain.


Les analyses menées par le laboratoire de référence (Anses Maisons-Alfort) ont pu montrer que cette souche était différente de celle qui circulait depuis 2006 en Europe. Les résultats de l’enquête menée début octobre 2023 par le GDS de l’Aveyron permettent d’appréhender son impact sanitaire. En moyenne, en élevage bovin, on observe 10% d’animaux malades (6% en ovin) ; la mortalité reste faible en bovin (0 à 5%) mais peut être plus marquée en ovin (0 à 31%). Les animaux en mauvais état corporel ou parasités sont souvent plus impactés.


Quelles recommandations en gestion des cas cliniques ?


D’une façon générale, il convient de surveiller les animaux matin et soir: état général, comportement alimentaire/hydratation, production ; il faut contacter son vétérinaire et soigner les signes cliniques dès leur apparition (fièvre, aphtes, défaut d’hydratation, plaies). Une prise en charge dans les premières heures est essentielle pour limiter l’impact sanitaire ; il est recommandé de limiter et sécuriser les mouvements depuis une zone atteinte pour éviter l’accélération de la propagation de la maladie et désinsectiser les véhicules de transports suivant la zone ; enfin, pour préserver les animaux de l’impact des culicoïdes, il peut être conseillé de les rentrer en bâtiment ou de les rassembler sur des parcelles portantes et très peu humides à proximité pour les surveiller…


Quelles recommandations en prévention des cas cliniques ?


GDS France et la SNGTV ont diffusé largement des fiches techniques explicitant les modalités de prévention recommandées ; la vaccination a fait la preuve de son efficacité contre ce nouveau variant.


Et concrètement, que fait le GDS19 ?


Au-delà de la diffusion régulière et condensée des informations sanitaires sur ces maladies (Près de 50 notes d’info ou actus en 6 mois), votre GDS a mis en place un certain nombre d’actions très concrètes : 
- Participation à des enquêtes terrain sur l’impact clinique de ces maladies
- Tiers payant pour les dépistages MHE afin de baisser les coûts d’analyse (Pour plus de 120 000 € sur 6 mois avec des délais de règlement des éleveurs à 5 ou 6 mois…)
- Financement exceptionnel des pertes liées à la circulation du nouveau variant de FCO8 en 2023 pour près de 60 000 €
- Financement exceptionnel de la recherche PCR FCO et MHE sur les avortements dépistés dans le cadre des kits avortements régionaux.
- Diffusion de messages d’alerte par secteur dès la confirmation PCR d’un foyer pour inciter le voisinage à la vigilance.
- Tableaux de synthèse des vaccins disponibles, établissement de cartographie départementale de la circulation virale sur la base des PCR enregistrées.


Bien que ces maladies soient réglementées et relèvent essentiellement d’un pilotage et d’un éventuel accompagnement par l’état, ce qui est le cas actuellement pour la FCO3 et pour la MHE, les GDS s’organisent pour soutenir autant que possible les éleveurs confrontés à ces émergences. Le FMSE a ouvert parallèlement récemment une possibilité d’indemnisation pour les foyers confirmés de FCO8 en 2023 et travaille sur l’indemnisation des autres pathologies évoquées. Ces dossiers seront instruits par les GDS qui vous informeront dans les meilleurs délais.

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