Des jeunes qui se bougent
Les Jeunes agriculteurs de la Creuse se sont réunis en Assemblée générale le 4 avril dernier à l’auditorium du lycée d’Ahun.
Avant d’évoquer les projets pour 2019, les responsables ont fait le point sur les actions de 2018. Dans leur rapport d’activité vidéo, ils sont revenus sur les événements qui ont marqué cette campagne : le hashtag #jaimemesanimaux a eu un grand succès sur les réseaux sociaux, créant des émules jusqu’en Suisse et en Nouvelle-Calédonie. En juillet, l’Opération Sourire, sur l’aire des Monts de Guéret, a permis de rencontrer les consommateurs et 200 repas ont été servis lors du déjeuner raclette organisé avec Mont Lait en novembre. Du côté professionnel, Terre en Fête, la finale régionale de labour, a également amené beaucoup de spectateurs à Pigerolles, et le Festival des Limousines, à la Souterraine, a également été un grand succès. 950 burgers JA ont été servis en 2 heures le dimanche à Terre en Fête. Du côté syndical, plusieurs manifestations ont lieu dans l’année, notamment sur les thèmes du paiement des aides PAC, des États Généraux de l’Alimentation et de la sécheresse. Pour la sécheresse, une enveloppe de 12 millions d’euros a été obtenue du CNGRA. Cet hiver, enfin, a été marqué par la victoire de la liste JA+FDSEA (la plus jeune de France, avec une moyenne d’âge de 39 ans) aux élections chambre d’agriculture, avec plus de 67 %.
Pour 2019, JA 23 concocte de nouveaux événements d’envergure : l’Opération Sourire aura lieu le 27 juillet, toujours sur l’aire des Monts de Guéret, et Terre en Fête aura lieu à Villard les 17 et 18 août. Il ne sera pas possible pour JA 23 de participer au Festival des Limousines fin août, mais en novembre ils organiseront une opération de promotion de l’agriculture creusoise au Hall de l’agriculture de Pommeil à Guéret, dans l’esprit de ce qui a été fait pour la raclette en 2018.
Après une table ronde sur le thème de l’agribashing (voir ci-dessous), les responsables sont revenus sur leurs priorités syndicales : Michaël Magnier, président de Jeunes Agriculteurs 23 les a synthétisées en 3 points : sur le plan social, il constate, grâce à l’augmentation de la consommation de viande, que « les français ne sont pas dupes des nombreuses attaques contre l’élevage ». Seulement 2 % des consommateurs ne consomment pas du tout de produits animaux. L’année 2018 a été marquée par la sécheresse et 2019 semble partie pour être de la même veine « en pire, car les stocks d’eau n’ont pas été reconstitués cet hiver ». Il est nécessaire que la réglementation évolue pour faciliter forages, aménagements de cours d’eau pour l’abreuvement et irrigation. Le troisième point est financier : la question du revenu reste centrale, les conséquences des États généraux de l’Alimentation se ressentent un peu dans les rayons des grandes surfaces, mais quasiment pas dans les cours de ferme.
Dans ces circonstances, le renouvellement des générations, axe principal des actions JA, est très compromis : « comment voulez-vous que des jeunes veuillent s’installer, en sachant qu’ils seront attaqués, contraints par l’administration et sans revenus ? »
Une table ronde sur la communication en agriculture
Pour aborder le thème de l’agribashing, JA23 a invité 4 personnalités : Eric Donzé, chef de rédaction à La Montagne, pour représenter les médias, Jean-Pierre Rouchon représentait les consommateurs, Shayna Darak, administrateur JA Nouvelle-Aquitaine représentait la profession et Étienne Fourmont, éleveur laitier et vidéaste, apportait son point de vue sur la communication.
M. Rouchon, consommateur mais aussi ancien commercial dans la filière bovine, a rappelé que la méfiance envers l’agriculture (et non les agriculteurs) a ses origines dans les années 1990, notamment avec la crise de l’ESB. Le consommateur n’est pas formé à faire la différence entre une maladie transmissible et potentiellement mortelle, une maladie non transmissible et même une simple fraude comme de la viande de cheval dans des lasagnes. La plupart n’ont aucune intention d’approfondir l’information, donc par mesure de précaution, les consommateurs lambda classent tout problème lié à l’alimentation dans la case la plus grave à leurs yeux. Les consommateurs veulent des informations claires et faciles à appréhender.
M. Darak a rappelé qu’il existe différents niveaux dans l’agribashing, de l’abolitionnisme pur et simple à l’échelle mondiale à la simple critique. Il est possible de discuter, et même de travailler avec les plus modérés, comme WelFarm ou CIWF. Ce travail est déjà en cours au niveau syndical.
M. Donzé a largement expliqué les raisons qui font que la presse traditionnelle évoque ou non un sujet : « On ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure, les gens qui attirent l’intérêt des médias sont ceux qui arrivent à créer de l’événement, quel que soit le domaine. » Force est de constater qu’en effet, les opposants à l’élevage ont de l’imagination et parviennent, même en étant très peu nombreux, à utiliser de façon efficace les médias et les réseaux sociaux.
À propos de réseaux sociaux, Étienne Fourmont a confirmé cette importance du buzz : « Avec les réseaux sociaux, ce qui ne se voit pas n’existe pas ». Il recommande donc aux agriculteurs différents moyens de changer leur image. Se montrer dans les médias n’est plus suffisant et peu efficace face aux jeunes générations. Être actif sur les réseaux sociaux demande un bon mental : « Les attaques font mal, et on ne voit qu’elles, mais si on regarde avec un peu de recul on a finalement bien plus d’encouragements que de critiques. Il faut voir ses attaques plus comme des interrogations de gens qui n’y connaissent rien ». Être transparent en ouvrant les portes de son exploitation est la méthode la plus efficace, car la première personne à convaincre est son voisin (voir encadré).
En conclusion des débats, il a été admis que les agriculteurs doivent communiquer, particulièrement les plus jeunes, qui ont une meilleure maîtrise des réseaux sociaux. Dans cette démarche, il y a un écueil à éviter : l’agressivité. « Il faut rester calme et courtois, répondre simplement et honnêtement, et surtout, dire et montrer la vérité ». « Ne laissez pas les autres parler de VOTRE métier. »
Une carte pour ouvrir ses portes
Étienne Fourmont est installé en EARL dans la Sarthe, il mène 75 vaches laitières avec 2 robots de traites. Il représente la 5e génération de la ferme familiale, avec son père qui travaille encore avec lui.
Arrivé sur Twitter en 2015, il a pu y constater rapidement « les conneries qui peuvent s’y raconter ». À force de répondre factuellement par de longs messages laborieux, il a fini par créer une chaîne sur Youtube¹, où il raconte son quotidien, d’une façon très pédagogique. Il lui arrive de répondre aussi à certaines attaques, comme dernièrement celle de Nagui, qui a affirmé que l’élevage pollue plus que les transports.
« Au début c’était difficile, nous n’étions pas nombreux sur les réseaux pour défendre l’agriculture, je m’en prenais plein la tête, mais au fur et à mesure, notre présence s’est bien développée, et en 2018 nous avons été le réseau le plus influent sur Twitter »
Dernièrement, il a créé une carte sur internet, où les agriculteurs peuvent s’inscrire pour expliquer leur engagement en matière de bien-être animal : www.bienetre-elevage.fr. Il vient d’y ajouter une option afin de chaque agriculteur inscrit puisse indiquer s’il ouvre ses portes aux visiteurs.
1. Etienne, agri youtubeurre : https://www.youtube.com/channel/UCcmBUG56igRMAK1mVPbOuaw