Biodiversité, aires protégées : pourquoi le Cantal doit accélérer ?
Alors que se déroule la Cop 16 sur la biodiversité en Colombie, la stratégie française Biodiversité 2030 se décline dans le Cantal avec des objectifs ambitieux.
Alors que se déroule la Cop 16 sur la biodiversité en Colombie, la stratégie française Biodiversité 2030 se décline dans le Cantal avec des objectifs ambitieux.
C’est un paradoxe auquel peu de bons élèves sont confrontés : porter sur leurs épaules la responsabilité de toute une classe voire de leur établissement en termes de résultats et devoir faire beaucoup mieux que tous leurs petits camarades réunis. Pourtant, c’est bien aujourd’hui ce qu’on demande au Cantal, territoire écologiquement préservé s’il en est. La dernière démonstration est venue mercredi 23 octobre des premières Assistes territoriales des oiseaux organisées par la préfecture et la DDT (direction départementale des territoires), de concert avec la LPO(1) Auvergne-Rhône-Alpes, lauréate du Fonds vert pour conduire cette démarche.
30 % du territoire d’ici 2030
Dans son propos introductif, le secrétaire général de la préfecture, Hervé Demay, a expliqué que l’objectif, in fine, de ces Assises est de contribuer à mettre un coup d’accélérateur collectif à la préservation de la biodiversité par la mise en place d’un réseau d’aires protégées supplémentaires, représentatives de la diversité des écosystèmes du territoire, conformément à la stratégie nationale Biodiversité 2030. Cette dernière affiche l’ambition de protéger au moins 30 % du territoire tricolore, dont un tiers (soit 10 % donc) sous protection dite forte (en 2021, seuls 1,8 % de ces espaces l’étaient). Bonne nouvelle, 36 % du territoire d’Auvergne-Rhône-Alpes est intégré en aire protégée (qu’il s’agisse d’un parc naturel régional, de sites Natura 2000..) mais seulement 3 % sous protection forte (cœur de parc national, réserve naturelle nationale ou régionale, réserve biologique de l’ONF, arrêté de protection de biotope). Un ratio qui tombe à 0,05 % dans le Cantal sachant que ces zones à protection forte font l’objet d’un cadre réglementaire précis en lien avec les enjeux des habitats et/ou des espèces qu’ils abritent. Passer à 10 % nécessiterait de classer 58 000 ha en zone protégée forte.
“Il nous appartient donc de construire une réponse collective et de concertation pour faire face à l’urgence et préserver la biodiversité”, a exhorté le secrétaire général. Bien conscient des réactions épidermiques que de nouveaux zonages réglementaires(2) pourraient susciter, il a pris de nombreuses précautions oratoires, répétant qu’une telle démarche ne pouvait se faire que dans le cadre d’une approche concertée, co-construite et avec l’adhésion des citoyens, des collectivités locales, entreprises agricoles, associations,... “L’objectif est de concilier les enjeux et les usages afin d’avancer efficacement dans la mise en place de sites sous protection forte dans le département”, a néanmoins ajouté Hervé Demay.
Quinze sites potentiels
Pour autant, le travail d’identification est déjà bien engagé depuis l’an dernier par la LPO Aura, qui a œuvré selon une méthode en entonnoir s’appuyant en premier lieu sur le presque million d’observations d’oiseaux réalisées depuis dix ans par les bénévoles et citoyens cantaliens dans le cadre d’un observatoire participatif. Seules ont été retenues les espèces à enjeux de conservation, en déclin, inscrites dans la directive européenne Habitat, et indicatrices des quatre grands milieux représentatifs dans le Cantal : milieux forestiers, milieux ouverts, zones humides et zones rupestres. Le territoire départemental a ensuite été quadrillé en mailles de 5 km sur 5, et pour chacune de ces mailles, a été calculée la richesse patrimoniale. Seules les mailles à la plus forte richesse ont été sélectionnées, couvrant cependant 40 % du territoire. Au final, soumis à des experts de l’avifaune mais aussi à des groupes de travail territoriaux associant les communautés de communes, associations environnementales, parcs naturels régionaux, représentants des forestiers et chasseurs, etc., il n’est resté que 15 sites au regard de la seule protection des oiseaux. C’est sur la base de ces 15 sites potentiels, auxquels pourraient donc s’ajouter des territoires au titre d’autres espèces animales et végétales, que va se poursuivre, dans les mois à venir et jusque début 2026, la phase de conciliation-concertation.
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(1) Ligue de protection des oiseaux.
(2) On recense dans le Cantal des sites Natura 2000, des Espaces naturels sensibles, des arrêtés de biotopes, des zones vulnérables, des prairies sensibles, etc.