Variétés de blé : comment valoriser au mieux l’azote ?
On peut économiser plusieurs dizaines d’unités d’azote en choisissant des variétés qui le valorisent plus efficacement. Au sujet de l’azote, la recherche variétale se focalise toutefois sur la teneur en protéines. Éclairage.
On peut économiser plusieurs dizaines d’unités d’azote en choisissant des variétés qui le valorisent plus efficacement. Au sujet de l’azote, la recherche variétale se focalise toutefois sur la teneur en protéines. Éclairage.
Les prix des engrais azotés sont au plus haut et cela ne devrait pas s’arranger. Des économies d’azote sont possibles en adaptant les apports aux conditions pédoclimatiques et à la rotation culturale, tout en préservant qualité et rendement. Dans une certaine mesure, le choix variétal a aussi sa place dans ce raisonnement.
L’institut Arvalis caractérise les variétés de blé sur leurs besoins unitaires en azote à l’optimum de rendement. Chaque variété reçoit un « coefficient b » de nombre d’unités pour produire un quintal. Les blés sont ainsi classés en trois catégories selon leur coefficient, compris entre 2,8 et 3,2 unités. « Ce coefficient permet de calculer la dose totale d’azote à apporter sur blé tendre avec la méthode du bilan », explique Philippe du Cheyron, du pôle variétés, génétique et semences d’Arvalis.
Plus précisément, « les variétés à faible coefficient b valorisent mieux l’azote en rendement que celles à b élevé, affirme le spécialiste. Autrement dit, les variétés à b égal à 2,8 absorberont moins d’azote que celles à 3,2 pour obtenir un même rendement. » La différence entre les deux catégories de variété se joue à 0,4 unité par quintal. Pour un blé avec un objectif de 80 q/ha, elle serait de 32 unités d’azote soit au moins 60 euros de l’hectare au prix actuel des engrais azotés.
Peu de variation de besoin unitaire en azote pour des blés à 11,5 de protéine
Mais l’objectif de rendement s’accompagne généralement d’une exigence qualitative, notamment d’une teneur en protéines d’au moins 11,5 % pour la panification et l’export. En intégrant ce paramètre, le besoin unitaire est augmenté de 0,2 pour quasiment toutes les variétés classées à 2,8. « Globalement, les variétés avec un besoin de 2,8 sont souvent les plus faibles en protéines, remarque Philippe du Cheyron. Elles nécessitent donc un besoin complémentaire d’azote pour obtenir 11,5 % de protéine. » Finalement, pour toutes les variétés, le besoin unitaire varie peu si l’on vise cette teneur en protéines : de 3 à 3,2, à une exception près. Pour Philippe du Cheyron, « ce coefficient sert à calculer sa dose d’azote. L’information demeure secondaire pour le choix variétal ».
Reste la piste de variétés qui s’en tireraient mieux que d’autres en conditions limitantes en azote. Depuis 2013, le Geves a mis en place des essais spécifiques de réponse à l’azote conduits pendant les deux ans du processus d’inscription des variétés de blé tendre. « Ces essais représentent le quart de notre réseau d’expérimentation, présente Solène Barrais, responsable Vate blé tendre au Geves. Toutes les variétés sont testées à une dose d’azote calculée avec la méthode du bilan (dose X) comparée à une conduite avec 80 unités en moins (X-80). L’objectif est de mettre en évidence les variétés les plus tolérantes aux stress azotés, c’est-à-dire perdant le moins possible en rendement et en protéine en situation de carence. Le but est aussi d’identifier les variétés les plus efficientes à l’azote, valorisant le mieux chaque unité apportée. »
Une grande instabilité des comportements variétaux en situation limitante en azote
Les résultats figurent chaque année dans le document présentant les nouvelles variétés proposées à l’inscription, avec les écarts en rendements et teneurs en protéines des deux modalités X et X-80. Des variétés se comportent mieux que d’autres sur ces indicateurs. Malheureusement, « il y a une grande variabilité des résultats. Cela ne permet pas d’établir un classement clair des variétés sur l’efficience à l’azote, constate Solène Barrais. Les conditions pédoclimatiques pèsent beaucoup sur les performances, et il est difficile d’identifier la part de l’interaction entre la dose d’azote et la génétique de la variété. On observe toutefois des tendances. Par exemple, les variétés qui perdent le moins en rendement à X-80 sont celles dont la teneur en protéine diminue le plus. »
Les différences variétales apparaissent finalement ténues. « Nous restons en veille sur le sujet avec l’objectif à terme de mieux distinguer l’arrivée de nouvelles génétiques et mettre en avant le profil de variétés plus résilientes en conditions contraintes, comme les situations limitantes en azote, » signale Solène Barrais. Les résultats des essais azote sont présentés à titre informatif et ne sont pas pris en compte dans la note d’inscription de chaque variété.
Une sélection variétale active sur la protéine du grain
Chez les semenciers, la recherche de variétés adaptées à des conditions limitantes en azote ne fait pas partie des priorités des programmes de sélection. Les projets de recherche FSOV (1) en témoignent : ceux se rapportant à l’azote concernent surtout les teneurs en protéines du grain, et peu étudient l’impact de la quantité d’azote sur la production. Les variétés peuvent néanmoins être caractérisées après leur obtention.
« Nous testons nos variétés deux à trois ans avant leur mise en marché dans des conditions de bas niveau d’intrants avec objectif de rendement à 80 q/ha : zéro fongicide, 30 % en moins d’engrais azoté par rapport à des apports classiques et diminution de densité de semis, décrit Anne Tissot, directrice de la recherche chez Florimond-Desprez. Ce sont des essais en interne dont les résultats sur la réponse à l’azote ne sont pas mis à profit pour mettre en avant une variété plus qu’une autre. Ils servent plutôt à montrer la tolérance aux maladies pour valoriser des variétés en termes de CEPP [solutions alternatives sources de réduction d’emploi des phytos], informations importantes pour les coopératives et négoces. Mais nous réfléchissons à la manière d’aller plus loin sur la valorisation de ces résultats. »
Les entreprises semencières mènent en revanche une sélection variétale active sur les caractères liés à la protéine du grain : le GPD (Global Protein Deviation) et la teneur en protéines au sens strict. « Nous regardons toujours la teneur en protéines dès le début des programmes de sélection. L’obtention de variétés avec un bon taux est une des bases de la sélection variétale », explique Richard Summers, responsable sélection céréales et recherches à RAGT Semences.
Une protéine de moins en moins diluée dans le rendement
Le GPD et le taux de protéines sont d’ailleurs les seuls caractères en lien avec l’azote qui sont pris en compte dans la cotation des variétés lors de leur inscription au catalogue officiel. Le GPD traduit le niveau de dilution de la protéine dans le grain, qui tend à augmenter avec les rendements élevés. « Nous constatons une amélioration sur ce caractère, explique Solène Barrais. Les variétés nouvelles ont tendance à se décaler dans le bon sens avec, en conséquence, moins de dilution des protéines. » La progression de rendement qui caractérise les nouvelles inscriptions s’accompagne toujours d’une diminution de la teneur en protéines, mais de moins en moins forte en proportion.
Mais attention : des variétés efficientes à l’azote présentant de bons rendements et un bon GPD ne montrent pas forcément une teneur en protéines élevée. La variété Campesino affiche un GPD élevé de 6, mais une teneur en protéines très faible du fait de son très haut niveau de rendement.
« Pour le dépôt à l’inscription, nous retenons les variétés performantes sur la teneur en protéines et le GPD. » Chef produit céréales et protéagineux chez Florimond-Desprez, Jérôme Vansuyt met en avant les variétés comme Prestance, Providence, Winner et Celebrity « qui affichent des notes élevées en GPD (6 ou 7) tout en maintenant un bon taux de protéines du grain (note de 4). Pour les variétés les plus riches en protéines et dans les conditions favorables à cette richesse, on peut légèrement diminuer les apports azotés, mais pas au-delà de 20 unités. » Richard Summers cite de son côté quelques lignées récentes de RAGT à GPD élevé comme RGT Letsgo et RGT Pacteo. La sélection variétale porte ses fruits sur la protéine du grain.
EN CHIFFRES
Des besoins unitaires en azote par variété
Pour une teneur en protéines à 11,5 %, les besoins unitaires en azote (bq) par variété déterminés par Arvalis se situent entre 3 et 3,2 unités, à l’exception de Glasgow qui affiche un bq à 2,8
La grande majorité des variétés se situe à 3 de bq, dont les nouveautés Antibes, Arcachon, KWS Agrum, SU Hymperial, SY Admiration, Agenor, Junior, KWS Costum, LG Audace, Prestance, CS Spacium, SU Hytoni.
Plusieurs variétés sont classées à 3,2 de bq. Parmi les nouveautés : Hyacinth, RGT Volteo, Grekau, RGT Letsgo.