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[Covid-19] Un marché du sucre européen tendu, mais sous la menace d’importations à bas prix

Avec des surfaces de betteraves en baisse, le bilan européen du sucre s’annonce tendu, mais la CGB appelle à instaurer des taxes à l’importation pour éviter un afflux massif de sucre à bas prix susceptible de mettre à mal le marché.

Face à un marché mondial du sucre déprimé, les prix européens pourraient susciter les convoitises des grands pays exportateurs.
© Pxhere

Jusqu’ici, ça tient… Alors que le contexte du Covid-19 met la pression sur les prix mondiaux du sucre, le prix spot du marché européen résiste. Les semis français de betteraves qui viennent de s’achever sont estimés à 424 000 hectares, soit un repli de 6,4 % sur un an. Deux facteurs se sont combinés pour empêcher le redressement de la surface tricolore : la fermeture de quatre usines dans l’Hexagone et la perte d’attractivité de la betterave face à d’autres cultures.

En Europe, le recul est moins marqué. Avec 1,5 million d’hectares, l’UE ne perdrait que 2 % de ses surfaces betteravières sur un an. « Si l’on prend en compte un rendement moyen cinq ans pour l’ensemble des pays, cela conduirait à une production européenne de sucre de 17,5 millions de tonnes, DOM inclus, soit une quasi-stabilité sur un an. Cela signifie que le bilan européen sera encore tendu, avec des stocks au plus bas », analyse Timothé Masson, en charge des marchés à la CGB.

Menace brésilienne sur le marché du sucre

Pas de quoi faire dévisser les prix européens, donc. Mais la situation est différente à l’échelle mondiale. La crise du Covid-19 devrait réduire le potentiel de hausse de la consommation de sucre sur la planète. Par ailleurs, l’effondrement des prix du bioéthanol risque de pousser le Brésil à accroître la part de canne à sucre transformée en sucre, au détriment de l’éthanol. Ce dernier avait englouti 65 % de la récolte l’an dernier, contre 35 % pour le sucre. La balance pourrait nettement se rééquilibrer, certains analystes tablant sur 45 % de la prochaine récolte dédiée au sucre. La production mondiale pourrait donc n’être que légèrement inférieure à la demande en 2020-2021, là où l’on s’attendait à un déficit très marqué il y a encore quelques semaines.

Empêcher des importations potentiellement « destructrices »

La menace pour les prix de la betterave européenne vient donc de l’extérieur. « Face à un marché mondial totalement déprimé, on dispose de bons fondamentaux en Europe, mais à condition de ne pas être envahi par du sucre à bas prix », alerte Timothé Masson. La CGB demande à Bruxelles la mise en œuvre de clauses de sauvegarde, prévues par les textes de l’Organisation commune de marché. Pour le syndicat des planteurs, il faut instaurer des droits d’importation suffisamment élevés pour les contingents qui permettent en période normale à des pays d’exporter vers l’UE avec des droits réduits ou nul. Ces contingents autorisent différents pays (dont le Brésil, l’Amérique centrale, l’Afrique du Sud…) d’accéder au marché européen à des conditions préférentielles pour un total de 1,6 million de tonnes de sucre. Et il faut aussi compter avec les pays dits ACP (pour Afrique, Caraïbes, Pacifique) et PMA (pays les moins avancés), qui disposent d’un accès libre au marché européen. Les importations en provenance des ACP/PMA ont représenté 1,1 Mt en 2018-2019 et sont prévues à 1,5 Mt en 2019-2020. « Il faut instaurer des taxes pour ces origines afin que ce sucre n’entre pas avec un prix destructeur », réclame la CGB.

Un impact baissier du marché à l’arrêt de l’éthanol ?

Surtout qu’un autre péril guette le marché du sucre européen. Le plongeon de la consommation d’essence liée au confinement, et la chute du prix du pétrole pourrait faire nettement reculer la demande en éthanol. Selon Sylvain Demoures, secrétaire général du Syndicat national des producteurs d'alcool agricole, « la consommation d’essence pourrait chuter d’environ 5 % en 2020, là où nous prévoyions il y a peu une hausse de 10 % ». De même, la dynamique constatée ces dernières années pour l’E85 devrait être mise entre parenthèses. De quoi ralentir considérablement la demande en éthanol. Cela pourrait alors se répercuter sur le marché du sucre, si le tas de betteraves européen était plus massivement orienté vers ce débouché en raison de la morosité du marché de l’éthanol.

 

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