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L’agriculture sur le devant de la scène corrézienne

Du 22 au 25 août 2024, l’actualité aura été chargée pour la Chambre d’agriculture de la Corrèze. Trois événements majeurs se suivent, se complètent et s’entrecroisent. On vous explique de quoi il retourne.



Le président de la Chambre de l’agriculture Daniel Couderc et le directeur de cette même Chambre, François Trignol, ont profité du Festival de l’élevage de Brive pour organiser un séminaire et répondre à une demande du ministère de l’Agriculture. Lourd programme en vérité. Mais gageons que la trentaine de présidents et directeurs de diverses Chambres d’agriculture de l’Arc Atlantique, en séminaire organisé par la chambre de la Corrèze, auront été heureux de pouvoir découvrir notre agriculture corrézienne à travers un tel évènement. Mais avant cela, vendredi, ils ont eu la possibilité d’assister et de participer au premier débat citoyen de l’hexagone sur les quatorze voulus par les instances gouvernementales. Ce débat était ouvert à tous et en présence de Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture de France ainsi que de Luc Servant, président de la Chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine.


Le débat a été animé autour de deux thèmes d’actualité : l’évolution de l’élevage bovin viande en Corrèze en premier lieu, la consommation de viande et le comportement des consommateurs dans un second temps. Dans la continuité, l’après-midi, s’est tenu une conférence sur l’avenir socio-économique et l’environnement de la production de viande, des exploitations et des éleveurs de demain.
 

Débat citoyen du matin


Le président de la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, Luc Servant, ouvre la matinée. Puis les premiers intervenants, Philippe Grandcoing, historien et Jean-Louis Peyraud, docteur ingénieur agronome montent sur scène pour initier le débat. Des extraits d’un documentaire de l’INA sur la situation difficile des petits exploitants à Davignac en Corrèze en 1974 sont projetés.


À partir de 1950, les petites exploitations disparaissent, la race limousine évolue. On cherche à améliorer la sélection par les mères avec comme critères le poids, la robe, la silhouette. Les cheptels très féminisés permettent l’augmentation des jeunes veaux de boucherie. On élève les troupeaux en plein air, en créant des grandes prairies. On encourage à plus de production. L’évolution est à la viande moins grasse grâce à des carcasses plus lourdes : en 50 ans on a gagné près de 100 kg.


En Nouvelle-Aquitaine, et surtout dans le Limousin, ce sont de grands troupeaux qui permettent des prairies permanentes et le développement de la biodiversité. La réussite des éleveurs limousins est une histoire d’hommes fiers qui connaissent très bien leur animal et ont un savoir-faire empirique. Les intervenants expliquent qu’en raison de l’abolition des quotas laitiers en 2015, l’agriculture européenne affronte la concurrence. La production commence à augmenter mais le prix d’achat aux agriculteurs baisse. Le marché devient saturé en Europe contrairement à l’Afrique, aux États-Unis et à la Chine. Le marché des volailles et du porc augmente. « Peut-être faut-il une meilleure collaboration collective des activités au sein des territoires pour mieux concilier l’offre et la demande » conclut Jean-Louis Peyraud. « Mais cela ne peut se faire sans volonté politique » !


Pour le second débat, Jean-Pierre Poulain, sociologue, et Geneviève Cazes-Valette, professeur en marketing, expliquent que jusque dans les années 1980, chacun avait encore une proximité, un lien familial avec l’agriculture. Il y a un clivage entre les urbains et les ruraux. On ne supporte plus d’avoir sous les yeux l’animal qui va devenir nourriture. La mort de l’animal nous renvoie à notre propre mort. Les cimetières étaient au centre du village, on mourrait à la maison ; pour les bêtes les abattoirs étaient nombreux, le boucher tuait dans son arrière-cour…
 

Maintenant les consommateurs pratiquent de plus en plus la sarcophagie : on préfère manger de la chair qu’un animal. Certaines bêtes, comme les chevaux, sont devenus des « amis », des animaux de compagnie, alors qu’avant ils étaient un outil. Et puis les éleveurs sont attaqués par le lobby de « la viande rouge, mauvaise pour la santé », par la substitution de la viande de bœuf par celle de la viande blanche. Se pose également le problème du prix de la viande : les bêtes ne sont probablement pas achetées à leur juste prix aux éleveurs et la viande est vendue très cher aux consommateurs.
 

Heureusement, les Français sont, en Europe, le peuple qui passe le plus de temps à table, il faudrait leur parler recettes et gourmandise. « Il faut arrêter de penser produit mais plutôt travailler main dans la main avec la cuisinière » affirme Jean-Pierre Poulain.


Un après-midi tout aussi studieux


La conférence a débuté par l’intervention de M. Jean Boutin de l’association la Biennale européenne d’histoire locale. À l’occasion du centenaire des Chambres d’agriculture, Il a fait un portrait de Joseph Faure et surtout de ses actions en direction de l’organisation et de la mutualisation de l’agriculture française.
 

L’intervenant suivant, Christian Huygues, directeur scientifique agriculture de l’Inrae, a ensuite fait un exposé très documenté sur la décarbonation en élevage. D’après L’Inrae le problème ne doit pas rester, bien évidemment, que corrézien.
Au fur et à mesure de la diminution de la population agricole, à partir des années soixante, de l’agrandissement des exploitations et de fait de l’augmentation des dépenses énergétiques, la production de CO2 et aussi d’azote a aussi forcément augmenté. La modernisation a été incontournable afin de pouvoir garder une production nécessaire aux besoins de la population. 
On note une très nette brutalité dans les changements entre 2015 et 2022 en ce qui concerne les limites planétaires. Ces limites, qui sont les seuils à l'échelle mondiale à ne pas dépasser pour que l'humanité puisse vivre dans un écosystème sûr, sont au nombre de neuf. Toujours d’après l’institut, cinq de ces limites sont directement liées à l’agriculture qui pourrait à elle seule régler les problèmes liés à l’environnement. M. Huygues donne pour exemple la production excessive d’azote de l’ordre de 50 kg par hectare alors que la limite doit rester en deçà de 11 kg par hectare. « Le monde agricole a déjà porté des transitions majeures, dit-il, et il doit décider de revenir dans les limites planétaires ». Et il ajoute que « des solutions sont possibles et diverses options se présentent comme de manger moins et mieux, une meilleure utilisation de l’azote dans des territoires autonomes et des couplages animal/végétal/humain à repenser, une autre vision de l’élevage avec des animaux plus légers et plus jeunes. Il faut recentrer la totalité des transformations au plus près des territoires et peut-être subventionner les prairies ».


Cette énorme pression que met l’Inrae sur le monde agricole est tout de même temporisé par Sébastien Windsor, président des Chambre d’agriculture France. « Il est évident qu’il va falloir revoir les modèles d’exploitations ainsi qu’avoir une vraie réflexion sur leur taille. Mais la transition a un coût qui ne peut pas être porté seulement par les agriculteurs ; nous ne pouvons pas produire quelque chose qui ne sera pas consommé et la question est bien de savoir si nous devons ou pas maintenir l’élevage ». Pour Sébastien Windsor la réponse est positive mais « le monde agricole n’y arrivera pas tout seul et doit pouvoir compter sur le soutien de tous et des politiques, surtout locaux. »


Sébastien Windsor et Pascal Coste, président du Département, le souhaitent d’une même voix : « Les agriculteurs doivent être respectés pour leur travail afin de retrouver confiance en eux et donner envie aux jeunes de prendre la relève car il ne faut pas oublier que la population agricole est vieillissante. » Pour Pascal Coste, « l’élevage est vertueux s’il est bien géré ». Quant au directeur adjoint de la Draaf Nouvelle-Aquitaine, qui a clos le débat, il a assuré que toutes les questions évoquées ce jour font partie des réflexions autour du PLOA… À suivre !

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