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Excès d’eau : quelles conséquences possibles pour les sols agricoles ?

L’intense pluviométrie et les interventions en mauvaises conditions n’ont pas épargné les sols cette année. Tour d’horizon des conséquences possibles et des correctifs à apporter, notamment dans les situations de sols fragiles.

Parcelle de blé tendre touchée par l'érosion et coulées de boues dans la Somme début février 2024
Phénomène de coulée de boue provoqué par les fortes pluies dans une parcelle en pente dans la Somme début février 2024.
© Resoil

Entre l’automne 2023 et le printemps 2024, aucune région n’a été épargnée par les excès de précipitations. Les agriculteurs ont parfois été contraints d’intervenir dans des parcelles insuffisamment ressuyées avec des conséquences plus ou moins graves sur les structures de sols. « Dans toutes les zones de production de grandes cultures, les remontées de terrain font état de structures de sols dégradées par les pluies continuelles des derniers mois », rapporte Laura Affriat, agronome dans le secteur Sud-Est chez Agroleague.

Les fortes pluviométries provoquent différents effets délétères sur les sols. À commencer par des tassements plus ou moins profonds. « Ce phénomène peut être provoqué par les quantités importantes de masses d’eau qui sont tombées ainsi que les passages d’outils dans de mauvaises conditions », avance Yohann Vrain, ingénieur agronome et cofondateur de Resoil, entreprise spécialisée dans le financement de projets bas carbone en agriculture.

Des sols inégaux face aux intempéries

Constat très fort cette année : les différents types de sols n’ont pas eu la même réponse face aux excès d’eau. Les sols constitués de limons battants hydromorphes sont les plus sensibles à l’érosion et au tassement. En cause, la finesse de leur structure qui souffre d’un « effet plâtre » en surface et d’une érosion des éléments structurants du sol lorsqu’ils sont battus par les pluies. Les sols plus équilibrés, de type argilo-calcaire ou limono-argileux, ont une meilleure capacité naturelle à se restructurer. « Dans les sols plus argileux, les interventions dans des conditions mal ressuyées ont pu néanmoins provoquer des effets de lissage du sol à cause des outils de préparation », constate Patricia Huet, conseillère agronomique à la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir.

La réponse des sols aux intempéries a aussi différé en fonction des pratiques de travail du sol. L’année montre l’intérêt des techniques culturales simplifiées (TCS) et du semis direct. « Contrairement au labour qui crée une porosité mécanique, les techniques simplifiées créent une porosité biologique plus efficace », avance Laura Affriat. « Les sols ressuient plus vite en surface dans ce type de système, mais à l’automne 2023, les conditions étaient telles dans certains secteurs que des agriculteurs ont été contraints de ressortir la charrue pour garantir l’implantation des cultures », note toutefois Yohann Vrain.

Soigner le complexe argilo-humique

Les fortes pluies ont aussi provoqué des phénomènes de lixiviation dans les parcelles en pente. « C’est difficile à mesurer mais les intempéries entraînent par endroits des pertes d’éléments essentiels à la structure des sols avec des risques pour leur fertilité et leur activité biologique », avance Laura Affriat. Les conséquences s’observent sur l’équilibre du complexe argilo-humique. L’agronome s’inquiète notamment de la perte d’éléments neutralisants tels que les carbonates (calcium et magnésium) qui permettent d’équilibrer le pH du sol. Cela entraîne également un lessivage des nitrates dans les premiers horizons du sol. « Il existe un test simple pour évaluer la présence de calcium dans le sol qui consiste à prendre des échantillons de terre à des profondeurs différentes et à les arroser avec de l’acide chlorhydrique, présente l’agronome. S’il y a une bonne effervescence, cela prouve que l’équilibre du sol est bon. »

En cas de carence, il faudra apporter des complémentations en calcium et en magnésium pour préserver les rendements de la culture suivante. Ces éléments favorisent la floculation des argiles (formation d’agrégats), qui va permettre d’améliorer le caractère hydrophile du sol. « C’est un pilier de la fertilité des sols, assure Yohann Vrain. L’humus doit se lier à l’argile afin de créer des microporosités. » Ce qui sera positif en cas d’excès d’eau en favorisant l’infiltration mais aussi en cas de sécheresse en augmentant la réserve utile du sol.

Autre risque provoqué par les excès d’eau : l’accumulation d’argile à 10 ou 15 centimètres de profondeur créant une hydromorphie de surface. « Ce genre de situation empêche la pénétration de l’eau et bloque le bon développement du système racinaire des plantes », explique Yohann Vrain. Il ajoute que les asphyxies de surface peuvent favoriser la levée de dormance des vulpins. Ce qui pourrait expliquer en partie les fortes infestations constatées cette année.

Certaines parcelles de grandes cultures en pente ont également pu subir de l’érosion hydraulique. « C’est un phénomène très dommageable car cela emporte le premier horizon du sol à travers des coulées de boues », note Yohann Vrain.

Des actions correctives à mettre en place si nécessaire

Les experts du sol sont unanimes : toute intervention pour corriger un éventuel problème de structure de sol ne peut se faire sans une évaluation préalable au moyen d’un test bêche ou même d’un profil 3D avec un télescopique. Si un problème est détecté, il est possible d’intervenir mécaniquement avec un décompacteur ou, dans l’idéal, un élément fissurateur en fonction de son équipement, environ 5 centimètres en dessous de la zone de sol tassée.

En outre, l’appui des couverts est incontournable dans une stratégie d’amélioration de l’état de ses sols. « Il booste l’activité biologique du sol et participe à la stabilisation de sa structure », assure Laura Affriat.

Un an de pluie en six mois !

D’après les données de Météo France, le cumul national moyen de pluies s’élève à 750 millimètres entre octobre 2023 et fin avril 2024, soit un excédent de plus de 18 % par rapport aux normes (1). Autre chiffre marquant, entre début mars et fin mai, la pluviométrie en France a été 45 % supérieure aux normes de saison. Il s’agit de la deuxième période la plus pluvieuse dans notre pays depuis le début des relevés il y a 65 ans. Le déficit d’ensoleillement du printemps est lui aussi très important : -11 % en moyenne sur tout le territoire et jusqu’à -30 % dans le centre et le Nord-Est du pays.

(1) Moyenne 1990-2020.

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