Vie des sols : s’appuyer sur le collectif pour mieux comprendre son fonctionnement
Si l’intérêt de l’évaluation de la vie biologique du sol fait partie des défis de l’agriculture et de l’agroécologie, sa concrétisation en autonomie par les agriculteurs peut s’avérer complexe, d’où l’importance de se former et de s’entourer.
Si l’intérêt de l’évaluation de la vie biologique du sol fait partie des défis de l’agriculture et de l’agroécologie, sa concrétisation en autonomie par les agriculteurs peut s’avérer complexe, d’où l’importance de se former et de s’entourer.
L’interdépendance entre santé du sol et santé des plantes est désormais reconnue. Des démarches en faveur de la vie du sol à l’échelle de l’exploitation agricole se concrétisent souvent avec formation et partage de connaissances en groupe. C’est d’ailleurs tout l’intérêt que représentent les Réseaux d’expérimentation et de veille à l’innovation agricole (Reva), les groupes 30 000 (fermes), ou encore ceux dédiés à l’agriculture de conservation des sols.
Des sols spécifiques avec 86 % de sables
Bastien Bourge, polyculteur et éleveur de porcs et de volailles en Sarthe, est engagé depuis près de 10 ans dans l’évaluation de la vie biologique de ses sols. « Je m’y suis toujours intéressé, explique l’exploitant agricole. Nous avons ici des sols spécifiques, avec 86 % de sables, sensibles aux conditions météorologiques et qui ont tendance à se prendre en masse. La vie du sol y est donc peu abondante, d’où l’idée de la diversifier. En 2015, j’avais déjà suivi une formation pour apprendre à mieux connaître le sol, l’activité des vers de terre ou encore à utiliser des outils simples comme le test bêche. »
Avec neuf autres agriculteurs, Bastien Bourge a rejoint un groupe Reva entre 2018 et 2021 mobilisé autour d’un objectif : étudier la vie biologique des sols et l’intégrer comme facteur d’ajustement pour limiter le recours aux intrants. L’idée étant qu’un sol fertile est propice à une plante saine. Durant trois ans, le groupe a pu bénéficier d’une prise en charge financière des frais d’évaluation et de suivi de la vie des sols et de son évolution, dont les coûts s’élèvent à 150 voire 300 euros par analyse. « Les agriculteurs du groupe ont pu réaliser une série d’analyses sur la biomasse microbienne, ou encore la population de lombriciens, décrit Alexandre Hatet, conseiller à la chambre d’agriculture de la Sarthe qui a suivi le groupe. Des protocoles ont été menés autour de l'abondance et de la diversité des champignons et des bactéries, mais aussi des vers de terre. » Ces derniers sont quantifiés mais aussi qualifiés, ce qui suppose de savoir les identifier.
Vers de terre : la bêche plutôt que la moutarde
Pour cela, l’ancien protocole qui consistait à utiliser de la moutarde pour faire remonter les vers de terre à la surface du sol a fait place à un test bêche sur sols ressuyés de préférence. « L’objectif de cette opération est de classifier les vers de terre par type : épigés (à la surface du sol), endogés (entre 5 à 10 cm de profondeur) et anéciques (situés au plus profond), poursuit le conseiller. Si les trois catégories de vers de terre sont présentes dans le sol, cela reflète une bonne activité biologique. »
Les participants au groupe Reva ont également pu réaliser un test Levabag, en 2018. Le principe : enfouir dans le sol un petit sac en nylon contenant de la paille pendant quatre mois afin d’évaluer la dégradation de la matière organique. « L’intérêt de ce type d’analyses, dont le coût est d’une centaine d’euros par sachet, est d’obtenir des informations sur la dégradation de la matière organique et de les comparer dans le cadre d’un référentiel pour savoir où on se situe », précise Alexandre Hatet.
Observation de la dégradation des cannes de maïs
« Dans le même esprit, j’observe de temps en temps dans le sol la dégradation des cannes de maïs », complète Bastien Bourge. L’agriculteur sarthois s’efforce de réaliser régulièrement des tests bêches, ou profils culturaux, en mettant à profit les connaissances acquises pour tenter d’appréhender l’impact de certaines nouvelles pratiques. « Avant, nous épandions surtout du lisier issu de notre élevage de porcs, souligne l’agriculteur. Mais aujourd’hui, avec notre nouvel atelier d’engraissement sur paille, nous apportons aussi du fumier. » La diversification de la litière des porcs en engraissement passe également par du miscanthus et des plaquettes forestières, en plus de la paille de céréales.
Les analyses réalisées en 2018 et en 2021 par le biais de l’Observatoire français des sols vivants (OFSV) chez Bastien Bourge mettent en évidence une amélioration de la qualité biologique des sols. Les indicateurs pris en compte sont les suivants : la biomasse microbienne (quantité d’ADN microbien), le rapport champignons sur bactéries, l’abondance des vers de terre, et le niveau d’activité biologique des nématodes.