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Marchés agricoles
Maintien de prix élevés des grains post juillet 2021 ?

Stratégie Grains estime qu’il faudra plusieurs bonnes récoltes pour reconstituer les stocks mondiaux de grains, surtout en maïs. Le bilan en blé tendre devrait se détendre l'an prochain en revanche, selon l'analyste. Cyclope table sur une hausse des prix des matières premières en 2021, mais ne prévoit pas de super-cycle haussier des prix des grains, comme sur la période 2007-2012.

© Peggy_Marco-Pixabay

Le cabinet d'analyse Stratégie Grains s'attend à un possible maintien à un haut niveau des prix des grains à long terme, soit après juillet 2021. Ceci en raison de bilans en céréales fourragères jugés comme tendus, pour les campagnes commerciales 2020/2021 mais aussi 2021/2022. De son côté, le cercle Cyclope, association présidée par l'économiste Philippe Chalmin, estime, dans un rapport publié le 20 janvier (faisant le bilan de l'année 2020 et donnant des prévisions pour 2021), une hausse de 19 points de son indicateur global synthétisant l'évolution de la moyenne des prix d'une quarantaine de matières premières, dont les grains. Dans le détail, il s'attend à un prix moyen en blé à Chicago pour 2021 à 6 dollars par boisseau ($/bu), contre 5,5 $/bu en 2020, et à 11 $/bu en soja, contre 9,53 $/bu en 2020.

Agritel alertait, le 14 janvier, sur un possible maintien à long terme du haut niveau de prix des grains. « Les stocks mondiaux de grains de début de campagne 2021/2022 ne devraient pas être très élevés. Afin de faire baisser la tension sur les marchés et revenir à une situation similaire de lourdeur du marché d’il y a trois à quatre ans, il faudrait accumuler plusieurs bonnes récoltes dans le monde », analysait Sébastien Poncelet, directeur Développement au sein du cabinet d'analyse.

Moisson chinoise de maïs à seulement 216 Mt en 2020

Le principal moteur de la demande mondiale en grains est, rappelons-le, la Chine. « La Chine est devenue le "maillot jaune" du marché des matières premières dans le monde et le restera en 2021, qu'il s'agisse des importations de métaux, d'énergie ou de matières premières agricoles », confirme Cyclope. Ceci afin de reconstituer son cheptel porcin et de sécuriser ses approvisionnements en période de crise sanitaire. Andrée Defois, dirigeante du cabinet d’analyse Stratégie Grains, précise que la récolte chinoise de maïs a été mauvaise en 2020, estimée à « 216 Mt en 2020/2021, contre 225 Mt l’an dernier ». Ceci pour plusieurs raisons : excès d’humidité, attaques de chenilles légionnaires et un « switch » de surface de maïs vers le soja en 2020, ce dernier étant plus attractif au moment des semis, rappelle l’experte.

Ratio mondial stock sur consommation en blé à 36 % en 2021/2022 ...

Le bilan mondial en blé tendre est attendu comme confortable pour 2021/2022 par Stratégie Grains. « La production russe baisserait, passant de 86 Mt en 2020/2021 à 80 Mt en 2021/2022. Mais nous tablons sur un rebond des récoltes en Europe, aux Etats-Unis, en Argentine… Le ratio stock mondial/consommation mondiale en blé tendre est attendu à 36 % pour 2021/2022, contre 35 % en 2020/2021 », argue Andrée Defois.

...et à 21,2 % en maïs

En revanche, les marchés des céréales fourragères, de l’orge et du maïs donc, resteront tendus. « Nous tablons, en maïs, sur un ratio stock mondial/consommation mondiale à 21,2 % pour 2021/2022. Il faudrait remonter à 25 % pour être dans une situation confortable », alerte l’analyste. Elle précise qu’en 2016/2017, année d’abondance en offre de grains dans le monde, ce ratio s’élevait à 31,4 %.

Ainsi, les prix du blé tendre pourraient reculer quelque peu en 2021/2022 mais rester à un niveau relativement élevé, compte tenu de la tension sur le marché des céréales fourragères, selon Stratégie Grains, rejoignant à peu près la vision d’Agritel. Sans verser dans l’alarmisme, « le scénario voyant l’apparition d’émeutes de la faim (comme en 2007-2008) ne peut être exclu, au vu des hauts niveaux de prix », signale Andrée Defois. « Les pays les plus pauvres qui risquent de connaître de nouvelles tensions (…), ceux qui ne manquent de rien devraient s’en préoccuper », alertait Sébastien Poncelet, le 14 janvier. De son côté, malgré une possible hausse des prix des grains en 2021, Cyclope ne prévoit pas pour le moment  – et contrairement à Goldman Sachs, indique l'association dans son rapport – de super-cycle haussier des cours des céréales comparable à celui de la crise financière 2007-2012. Le rapport estime qu'il est trop tôt pour se faire une idée, et que les productions peuvent rebondir dans le monde.

Et si la Chine consommait moins de grains en 2021/2022 ?

Quelques éléments potentiels de pression sur les prix sont à signaler sur 2020/2021 et 2021/2022. Tout d’abord, en 2021/2022, bien qu'elle reste élevée, il est possible que la demande en grains de la Chine soit moins intense qu’en 2020/2021, signale Stratégie Grains. Le pays aura en effet reconstitué une bonne partie de son cheptel porcin. Et la récolte chinoise de maïs devrait rebondir. Sachant que la production des Etats-Unis remonterait également. Notons que Cyclope alerte sur le fait qu’il faut s’attendre à des emblavements record de soja aux Etats-Unis, au vu des prix rémunérateurs.

L'attitude de l'Inde à suivre

Le comportement de l’Inde sera également à surveiller, indique Andrée Defois. L’experte rappelle que les prix du blé sur le marché intérieur, subventionnés, sont supérieurs aux cours mondiaux. Néanmoins, « avec un prix mondial du blé à 300 $/t, cela peut devenir intéressant pour les producteurs indiens de se tourner vers l’exportation », prévient-elle.

Et quid de la politique russe d’exportation ? La mise en place d’un quota d’exportations de grains et de taxes entre février et juin 2021 réduit bien entendu l’offre mondiale disponible en blé tendre, mais aussi en orge et en maïs, et a justifié la récente hausse des prix. Toutefois, le gouvernement russe réfléchit à la poursuite d’un système de taxation sur les exportations de grains après le 1er juillet 2021.

Si un système de taxation sur les exportations russes se poursuivait sur la campagne 2021/2022, le cabinet d’étude SovEcon a alerté sur le fait que cela pourrait avoir un effet baissier sur les cours en 2020/2021 : les producteurs russes pourraient être tentés d’exporter leurs récoltes dès maintenant, alors que les prix sont hauts, afin de couvrir leurs besoins de trésorerie, et se montrer plus patients lors de la campagne 2021/2022.

La Covid-19 : effet plutôt baissier sur les marchés des grains

Ensuite, la Covid-19 a un effet plutôt baissier sur les cours, pénalisant la demande internationale, selon Stratégie Grains. « La consommation des fabricants d’aliments pour animaux et de l’éthanolerie aurait été plus élevée sans la crise sanitaire », explique Andrée Defois.

En effet, la consommation mondiale d’énergie et d’aliments dans la restauration (de viande, notamment) a été affectée par la pandémie. « Il est vrai que des importateurs ont accéléré leurs achats durant l’été, afin de sécuriser des réserves en période de crise sanitaire. Mais ce n’est plus vrai aujourd’hui, et des importateurs se montrent, même, moins actifs que d’habitude. Aujourd’hui, les importateurs achètent en fonction de leurs besoins, et non, afin de faire gonfler leurs stocks », souligne Andrée Defois.

La Turquie devrait, par exemple, faire passer ses importations de blé tendre de 10,4 Mt à 7,4 Mt entre 2019/2020 et 2020/2021, compte tenu d’une meilleure récolte, l’année 2019/2020 ayant été exceptionnellement mauvaise. Ensuite, le haut niveau des prix incite des importateurs à faire attention, comme l’Algérie ou l’Egypte. L’Algérie, qui a pour habitude d’acheter par coup de 500 000 t à 600 000 t par appel d’offres, n’a acheté que 300 000 t le 30 décembre et à de nouveau acquis 390 000 t le 20 janvier.

De son côté, l’Egypte a annulé un appel d’offres, ayant reçu trop peu de proposition et les prix ayant été jugés comme trop élevés, rappelle Stratégie Grains.

Hausse des récoltes attendues en maïs dans le monde en 2021/2022... mais insuffisant pour reconstituer des stocks confortables

Mais malgré tout cela, « la hausse des productions de maïs aux Etats-Unis, en Chine…ne devrait pas suffire à reconstituer des stocks suffisamment élevés en graines fourragères (maïs et orge, principalement), sachant que la consommation du secteur de l’éthanolerie devrait rebondir, dans l’hypothèse où la situation sanitaire planétaire s’améliore l’an prochain et les prochaines années », prévient Andrée Defois.

Susceptible de perturber la production agricole dans plusieurs régions du globe, le phénomène météorologique La Niña devra être surveillé de près, ajoute Cyclope.

La consommation de l’alimentation animale pourrait elle aussi rebondir avec l’amélioration de la situation sanitaire, mais de manière moins marquée, selon Stratégie Grains. Ce dernier table sur une hausse de la production mondiale entre 2020/2021 et 2021/2022 de maïs de plus de 40 Mt, mais la consommation devrait elle aussi grimper, de 20 Mt environ. « La hausse des prix attendue en maïs devrait inciter la nutrition animale à se tourner davantage vers le blé tendre, dont la consommation mondiale est attendue en hausse de 10 Mt entre 2020/2021 et 2021/2022 », soutient Andrée Defois.

Stratégie Grains rappelle que le marché de l’orge resterait lui aussi tendu, limitant les possibilités de substitutions. « Les stocks mondiaux devraient rester bas entre 2020/2021 et 2021/2022. La Chine aura encore des besoins et continuera de se détourner de l’Australie pour se fournir auprès de la France, de l’Ukraine, du Canada…, ce qui continuera de limiter les stocks de ces pays », détaille Andrée Defois.

Enfin, la situation macroéconomique actuelle est jugée plutôt porteuse pour la demande planétaire en grains par Stratégie Grains. « Les taux d’intérêt sont bas, le dollar aussi par rapport aux autres monnaies, incitant les investisseurs à acheter des grains », déclare Andrée Defois.

 

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