La filière des insectes-aliments fait face à de nombreux enjeux
Nourrir les volailles avec des produits d’insectes est prometteur d’un point de vue nutrition et santé, mais cette industrie naissante fait face à des défis d’ordre réglementaire, économique, environnemental et sanitaire.
Nourrir les volailles avec des produits d’insectes est prometteur d’un point de vue nutrition et santé, mais cette industrie naissante fait face à des défis d’ordre réglementaire, économique, environnemental et sanitaire.
Les insectes constituent une source potentielle de protéines et de matières grasses pour l’alimentation animale. Des découvertes récentes montrent que les insectes peuvent également être des sources de composés précieux (peptides antimicrobiens, chitine et acide laurique) capables d’exercer des effets positifs sur la santé animale. Néanmoins, pour que les produits d’insectes deviennent une composante incontournable de l’alimentation animale et non plus un marché de niche, de nombreux challenges doivent encore être relevés.
Source alimentaire naturelle des volailles
Étant donné le rôle naturel des insectes comme aliment pour de nombreuses espèces aviaires, leur utilisation vaut la peine d’être reconsidérée dans l’alimentation des volailles. Riches en protéines de haute qualité (entre 40 % à 82 % de la matière sèche selon l’espèce et le procédé de transformation), en acides gras et en acides aminés essentiels, les insectes sont des candidats intéressants pour la filière volaille, très demandeuse en protéines et acides aminés essentiels. Des découvertes récentes, mais encore trop peu exploitées, ont également montré que certains constituants, comme la chitine, l’acide laurique ou encore des peptides antimicrobiens exerçaient des effets bénéfiques sur le système immunitaire des animaux. De plus, l’utilisation de farines ou d’huile n’a pas de conséquence sur les performances de production. Le profil en acide gras des œufs ou des viandes de volailles est toutefois modifié. La teneur en acides gras saturés augmente au détriment des acides gras insaturés.
Baisser les coûts de production
Jusqu’à récemment, les possibilités d’utilisation des insectes dans l’alimentation animale (hors animaux de compagnie) étaient limitées aux larves vivantes (excepté chez les ruminants) et à l’huile d’insecte. La législation européenne est toutefois en train d’évoluer, avec depuis le 1er juillet 2017 l’autorisation des protéines d’insectes en aquaculture. Dès lors, les projets industriels d’élevage d’insectes se sont multipliés en France bien qu’ils se heurtent à certaines barrières techniques, économiques et réglementaires. En effet, la filière aura besoin de se développer considérablement pour obtenir des volumes de production plus importants et des prix plus compétitifs. Le passage à l’échelle industrielle abaissera les coûts de production, mais il nécessite aussi de résoudre des enjeux techniques comme la maîtrise de la reproduction, l’approvisionnement en matière première, la gestion de la consommation d’énergie et de la transformation des produits finis.
Nombreux verrous réglementaires à ouvrir
Assurer une qualité sanitaire, sensorielle et nutritionnelle sera également un des points clés de l’acceptabilité des consommateurs à acheter des produits issus d’animaux nourris avec des insectes. L’optimisation des performances zootechniques et de la qualité des insectes (nutritionnelle, sensorielle, sanitaire) se fera par la maîtrise et le contrôle de leurs substrats nourriciers, l’amélioration de la connaissance de leur biologie (habitats, stades de développement, habitudes alimentaires, conditions d’élevage optimales) et l’optimisation des process de transformation des insectes en farines (séchage, dégraissage, réduction de la chitine, ensilage…). Une plus grande attention devra également être accordée à l’utilisation d’insectes comme additifs alimentaires pour moduler et améliorer la santé et le bien-être des animaux. Encore peu exploité à ce jour, ce volet santé devrait permettre de répondre à des défis sociétaux tels que la réduction de l’usage des antibiotiques. La filière devra également lever des interrogations sur les bienfaits environnementaux réels ou supposés de l’élevage d’insectes s’inscrivant dans une économie circulaire par le recyclage de matières organiques. Enfin, et non pas des moindres, la filière reste confrontée à des blocages réglementaires : limitation des substrats servant d’aliments aux insectes et interdiction d’utiliser les protéines d’origine animale pour nourrir les animaux monogastriques. Ce dernier point pourrait être réglé prochainement si Bruxelles l’autorise.
Une filière en plein essor
L’élevage d’insectes destiné à l’alimentation animale et humaine connaît une très forte croissance. Elle est particulièrement liée aux entreprises productrices de la mouche soldat noire, dont le volume mondial a augmenté rapidement, passant de 7000-8000 tonnes en 2014-2015, à 14 000 tonnes en 2016. En Europe, plus de 6 000 tonnes de protéines d’insectes sont aujourd’hui produites annuellement, selon la Fédération européenne des entreprises d’insectes (Ipiff). D’ici 2030, près de trois millions de tonnes de protéines d’insectes pourraient être générées à l’échelle européenne, environ neuf millions de tonnes d’engrais issus des déjections, ainsi que 100 000 emplois directs ou indirects.
En savoir plus
Dans sa revue Tema du mois de septembre, l’Itavi publie un état des lieux des connaissances sur l’utilisation des insectes et ses produits dérivés d’insectes (larves vivantes, farines et huile/graisse) dans l’alimentation des volailles et des poissons. Disponible sur www.itavi.asso.fr.