Jachères : faut-il les remettre en culture ?
Les mesures de simplification de la PAC ont entraîné la suppression de l’obligation de mise en jachère d'une partie des terres. Potentiel agronomique, localisation, contribution à l’écorégime… Quels sont les critères à prendre en compte si on envisage une remise en culture ?
Les mesures de simplification de la PAC ont entraîné la suppression de l’obligation de mise en jachère d'une partie des terres. Potentiel agronomique, localisation, contribution à l’écorégime… Quels sont les critères à prendre en compte si on envisage une remise en culture ?
Sur certaines exploitations, les terres en jachère sont situées depuis des années sur des parcelles à faible potentiel ou éloignées du siège. Dans d’autres, elles ont été positionnées, par obligation, sur des terres arables de bonne qualité.
Les règles de décisions pour une éventuelle remise en culture ne seront donc pas les mêmes partout. Dans des départements des zones intermédiaires comme la Dordogne, « les jachères sont souvent situées sur des parcelles difficilement exploitables, pentues, de petite taille, éloignées ou soumises à des dégâts de gibiers récurrents », explique Philippe Brousse, conseiller à la chambre départementale d’agriculture. Ces caractéristiques ne sont pas forcément présentes dans toutes les régions.
L’intérêt agronomique prime
La première question à se poser est celle du potentiel agronomique des terres en jachère. « Nous conseillerons à nos exploitants de la Champagne crayeuse de remettre en culture leurs parcelles fertiles et remembrées, qui ont été déclarées par obligation en jachère en 2023 pour aller chercher les 4 % d’IAE (infrastructures agroécologiques) », révèle Marc-Antoine Volhuer, conseiller de gestion à Cerfrance Champagne Nord Est île de France. Aujourd’hui, sur ces terres, il y a « un intérêt économique à cultiver des céréales ou des betteraves, surtout aux prix actuels de ces dernières », précise-t-il.
À l’inverse, ce ne sera pas le cas, sur « les jachères historiques », présentes depuis des années sur les exploitations des secteurs plus extensifs, comme dans le sud de l’Aube. « Une remise en culture impliquera des désherbages supplémentaires et des besoins en azote plus importants de l’ordre de 30 unités par hectare, car la dégradation de la matière sèche va consommer de l’azote », avance Quentin Duc, conseiller agronomie à la chambre d’agriculture de la Dordogne. En outre, si ces parcelles à faible intérêt agronomique sont en plus éloignées ou de petites tailles, les frais en carburant et le temps de travail supplémentaire risquent d’être rédhibitoires. Florence Labrousse, chargée de mission PAC à la chambre d’agriculture de la Dordogne, pense que remettre en prairies temporaires certaines jachères serait une « solution envisageable » sur les exploitations en polyculture-élevage. L’intérêt serait double : des récoltes possibles au lieu d’un simple broyage et un coefficient équivalent à celui des jachères pour l’écorégime.
La question de l’écorégime n’est pas à négliger
« Ai-je besoin des jachères pour toucher l’écorégime ? ». La question est valable que l’on ait choisi la voie des pratiques ou celle des IAE. Concernant la première voie, tout est question de nombre de points. Si la jachère était jusqu’à présent indispensable pour accéder au niveau 1 ou 2 de son écorégime, une remise en culture implique un raisonnement sur le choix de la famille de culture pour atteindre le même niveau. Entre la marge dégagée par la culture sur quelques hectares et le fait d’accéder à l’écorégime sur l’ensemble de l’exploitation, un calcul est à faire. Le montant du niveau de base de l’écorégime s’élève en 2024 à 49,31 euros par hectare (€/ha) et celui du niveau supérieur à 67,30 €/ha.
Dans l’Aube, Marc-Antoine Volhuer indique que les exploitations choisissent majoritairement l’écorégime par la voie des pratiques et qu’ils sont suffisamment diversifiés pour ne pas avoir besoin de jachère pour gagner des points. Pour les exploitations qui choisissent l’écorégime par la voie des IAE, celle-ci nécessite toujours d’avoir 7 % ou 10 % d’IAE ou de jachère sur la SAU. Il y a là aussi un calcul à faire pour évaluer la nécessité ou non de préserver tout ou partie de ses jachères pour atteindre le pourcentage requis. De manière générale, Marc-Antoine Volhuer conseille de maintenir de la jachère sur des bandes enherbées en bordure de parcelles en bio, de bois, de chemins et de tiers pour « s’acheter une tranquillité ».
La mise en jachère plus forcément nécessaire
Les mesures de simplification de la PAC adoptées le 24 avril 2024 par le Parlement européen ont eu des conséquences sur l’obligation de mise en jachère, dont la BCAE 8 constituait le cadre réglementaire. Il fallait respecter une part minimale de 4 % d’IAE, c’est-à-dire d’éléments favorables à la biodiversité, sur sa surface en terres arables, comme des éléments topographiques (haies, bandes enherbées, arbres isolés…), de la jachère, ou des cultures dérobées ou fixatrices d’azote cultivées sans utilisation de produits phytosanitaires. Pour atteindre les 4 %, les déclarants PAC choisissaient souvent la solution la plus simple, à savoir la jachère. Les mesures de simplification ont, dès la campagne 2024, mis fin à cette obligation de respecter une part minimale de 4 % d’IAE, donc par conséquent à l’obligation de mettre des terres en jachère.
Néanmoins, cette modification relative à la BCAE 8 n’a entraîné aucun changement sur les règles à respecter pour bénéficier de l’écorégime par la voie des IAE. Celle-ci nécessite toujours d’avoir 7 % ou 10 % d’IAE ou de jachère sur la SAU. Les agriculteurs ayant choisi cette voie ont souvent besoin de mettre des terres en jachère pour atteindre ces pourcentages. Elles permettent d’obtenir un grand nombre de points : 2 si elles concernent 5 à 30 % de la surface en terres arables, 3 points pour 30 à 50 % de la surface et 4 points au-delà.