« Nous descendons à 2 l/ha de bouillie avec la pulvérisation ciblée »
L’entreprise suisse de travaux agricoles Andrey Schafer utilise depuis 2021 le pulvérisateur Ara d’Ecorobotix, qui applique de façon ciblée la bouillie sur les adventices. Si les deux premières années ont été consacrées au traitement des rumex et chardons sur prairie, l’ETA prévoit désormais de valoriser cette machine en grandes cultures.
L’entreprise suisse de travaux agricoles Andrey Schafer utilise depuis 2021 le pulvérisateur Ara d’Ecorobotix, qui applique de façon ciblée la bouillie sur les adventices. Si les deux premières années ont été consacrées au traitement des rumex et chardons sur prairie, l’ETA prévoit désormais de valoriser cette machine en grandes cultures.
L’ETA Andrey Schafer, située en Suisse, à Saint-Sylvestre, à 15 km au sud-est de Fribourg, comptabilise en deux campagnes 2 800 hectares traités de manière ultralocalisée avec ses deux pulvérisateurs Ara d’Ecorobotix. Elle a fait partie en 2021 des deux premières entreprises helvétiques à s’être équipées de cet outil capable d’identifier les adventices au sein même de la culture et d’appliquer la bouillie sur leurs feuilles avec une précision chirurgicale. « Nous avons jusque-là uniquement réalisé des traitements de rumex et chardons sur prairie, car nous ne possédions que l’algorithme conçu pour lutter contre ces mauvaises herbes. La première année, les agriculteurs nous ont confié de petites surfaces pour tester l’efficacité de la machine et, comme nous avions un grand rayon d’action, nous avons parcouru beaucoup de kilomètres à travers le pays. Alors, pour satisfaire aux nombreuses demandes, nous avons dû nous organiser pour travailler jour et nuit, en raison du débit horaire limité lié à la largeur de travail de 6 mètres et à la vitesse maximale de 9 km/h », précise Benoît Boschung, cogérant de l’entreprise de travaux agricoles.
Des débits de chantier très variables
La prestation sur prairie est facturée 250 francs suisses par hectare (253 euros), produit phyto compris, mais le coût réel pour l’agriculteur est inférieur, car le gouvernement donne une aide de 100 francs par hectare, avec un plafond de 2 000 francs par an et par exploitation. Les quantités de bouillie appliquées varient de 2 à 75 l/ha selon l’infestation de la parcelle. « Dans certains cas, des champs ont été traités en localisé, alors qu’ils auraient mérité une pulvérisation en plein. » La première campagne, l’ETA réalisait en moyenne de 30 à 40 hectares par tranche de 24 heures, en tenant compte des trajets routiers. « Dans les parcelles bien rectangulaires, le débit est maximal, mais dans les alpages et les champs escarpés, nous passons jusqu’à 1 h 30 pour traiter un hectare. » Afin d’arrêter de travailler la nuit pour des raisons de nuisance et d’organisation, l’entreprise a investi en 2022 à nouveau 140 000 francs (142 000 euros) dans un second appareil Ara. Mais elle n’a pas été la seule à acquérir ce type de pulvérisateur, car une vingtaine d’unités a tourné l’an dernier sur le territoire helvétique. Par conséquent, l’ETA a vu son activité réduite à 800 hectares avec ses deux machines, contre 2 000 hectares en 2021 avec une seule.
Des craintes sur la prestation en maïs et betteraves
« Pour cette année, nous allons acheter les algorithmes pour intervenir dans le maïs et les betteraves, afin d’élargir le champ d’utilisation. Nous allons aussi prendre celui pour le gazon dans le but de louer nos machines à des sociétés intervenant sur les terrains de sport. » L’entrepreneur a aussi demandé à Ecorobotix de développer un algorithme pour appliquer le glyphosate sur toute la couverture végétale. L’objectif est de traiter les tours des parcelles sans risque de dérive sur les cultures voisines et en n’appliquant pas ce désherbant foliaire sur la terre nue et les taupinières. Si la prestation sur prairie est assez souple à planifier (voir encadré), Benoît Boschung craint que sur maïs et betteraves les conditions météo mettent parfois à mal l’organisation. « Dans ces cultures, les interventions avec l’Ara s’effectuant avec des produits systémiques, la pulvérisation demande d’intervenir à des stades précis de la plante et au bon moment dans la journée, afin de bénéficier de paramètres favorables tels qu’une hygrométrie élevée et une température minimale. Les fenêtres de tir sont donc réduites. » Comme l’appareil d’Ecorobotix est limité en largeur et en vitesse, son potentiel de travail n’est pas extensible. L’entrepreneur risque alors, certaines années, de reporter les chantiers et de ne pas réussir à satisfaire tous les clients.
40 % de désherbant en moins en betteraves
La coopérative Tereos a testé le pulvérisateur Ara d’Ecorobotix au désherbage de betteraves sur sa ferme expérimentale de Chevrières dans l’Oise. L’essai, réalisé en 2021 dans une parcelle de 16 hectares, a montré que le premier passage en pulvérisation ciblée n’est possible qu’à partir du stade 2-4 feuilles, afin que les caméras puissent différencier précisément la culture des adventices. Il en résulte qu’un ou deux passages seront à réaliser en plein, selon les années, avec un pulvérisateur standard avant d’intervenir à deux reprises avec l’appareil Ara. « En considérant que le traitement très ciblé sur les adventices permet jusqu’à 90-95 % d’économie de produit, en fonction du salissement de la parcelle, nous estimons pouvoir réduire d’environ 40 % la quantité de désherbant sur l’ensemble de l’itinéraire de désherbage », précise Francis Bazelaire, chargé du développement agronomique chez Tereos. Utilisé à 5 km/h, le pulvérisateur de précision d’Ecorobotix, d’une largeur de 6 mètres, est capable de traiter jusqu’à 3 ha/h, indépendamment des conditions de vent et de luminosité. Il faut environ 200 hectares de betteraves pour le rentabiliser, selon la coopérative.
Un travail de qualité en conditions venteuses
Entièrement caréné, le pulvérisateur Ara d’Ecorobotix présente une architecture lui permettant de travailler par tous temps.
De conception unique, l’Ara se compose de trois unités de deux mètres de large dotées chacune d’un grand capot créant l’obscurité au-dessus de la culture pour optimiser la détection des mauvaises herbes par les caméras. Chaque module dispose d’une rampe de pulvérisation comptant 52 buses à jet plat espacées de 4 cm, qui pulvérisent une surface de 6 x 6 cm et doivent évoluer à 15 cm au-dessus de la cible. « Le carénage protège bien les buses et garantit en toutes conditions une parfaite pulvérisation de la bouillie sur les adventices. Il permet d’intervenir par temps venteux, ce qui est important dans notre région, remarque Benoît Boschung, cogérant de l’entreprise de travaux agricoles. Selon moi, ce système est nettement plus précis que les dispositifs de pulvérisation ciblée embarqués sur la rampe des appareils de grandes cultures. Avec ces pulvérisateurs, un petit coup de vent et la buse non protégée, située à 30 ou 50 cm de la culture, projette la bouillie à côté de la mauvaise herbe. Le risque est alors de facturer une prestation en laissant un champ comportant des adventices non traitées. »
Une conception à peaufiner
Sur le plan technique, l’entrepreneur a rencontré quelques soucis de fiabilité relatifs à l’architecture du pulvérisateur Ara. « La machine manque de mécanismes de suspension, car, en avançant entre 7 et 9 km/h dans les champs chaotiques, le châssis et les supports des roues de jauge souffrent. Il faudrait selon moi des pneus plus gros qui absorberaient mieux les irrégularités du sol. » Pour l’entrepreneur, l’idéal serait qu’Ecorobotix sorte un modèle de 12 mètres de large, qui permettrait de gagner en débit de chantier tout en roulant moins vite.
Maxi 75 litres de bouillie préparée
Les buses du pulvérisateur Ara d’Ecorobotix sont alimentées par une cuve de 75 litres montée sur le relevage avant, associée à une réserve d’eau claire de 500 litres. « Nous préparons à chaque fois 75 litres de bouillie, sauf en fin de chantier. Pour la dernière parcelle, nous réalisons le tour, afin d’évaluer grâce au GPS la surface restante et préparons une quantité approximative en fonction de la dose moyenne sur la journée », explique Benoît Boschung, cogérant de l’ETA Andrey Schafer. Cette approche empirique évite de terminer avec un trop gros excédent de produit. Elle expose aussi au risque de manquer d’un peu de bouillie si la présence de mauvaises herbes est supérieure à la moyenne. Pour les parcelles les plus infestées, l’entrepreneur aimerait pouvoir préparer la bouillie dans la cuve de 500 litres, mais ceci n’est pas possible. Par ailleurs, dans les fortes pentes, la réserve d’eau claire s’avère parfois handicapante, car elle déstabilise le tracteur. Dans ce cas, le chauffeur est obligé de la vider pour regagner du poids sur les roues arrière. Le pulvérisateur Ara ne pèse que 1 600 kg et n’exerce au travail aucun report de charge sur le tracteur.
Les prairies plus souples à traiter
Le traitement ciblé des rumex et des chardons dans les prairies ne revêt pas un caractère aussi incontournable en termes de date d’intervention que la destruction des mauvaises herbes au bon stade dans les cultures sarclées comme le maïs ou les betteraves. « Si nous n’avons pas le temps d’intervenir après la première fauche, nous pouvons reporter l’opération après la seconde », indique Benoît Boschung, cogérant de l’ETA Andrey Schafer. L’entrepreneur constate que le meilleur moment pour détruire les adventices dans les prairies se situe environ deux à trois semaines après la récolte de l’herbe. « Pour que le produit phyto agisse bien, les mauvaises herbes doivent être suffisamment développées. Plus leurs feuilles sont grandes, plus elles absorbent de bouillie et plus la réussite du traitement est assurée. Il ne faut donc pas avoir peur de rouler dans de l’herbe bien poussée. »