Foncier agricole : le contrôle des Safer étendu à toutes les cessions de parts sociales
Le Sénat a adopté le 7 décembre les conclusions de la commission parlementaire sur la proposition de loi initiée par le député Sempastous. Celle-ci vise à restreindre l’agrandissement « excessif » des exploitations agricoles. Tous les transferts de parts sociales, même partiels, seront bientôt soumis à autorisation.
Le Sénat a adopté le 7 décembre les conclusions de la commission parlementaire sur la proposition de loi initiée par le député Sempastous. Celle-ci vise à restreindre l’agrandissement « excessif » des exploitations agricoles. Tous les transferts de parts sociales, même partiels, seront bientôt soumis à autorisation.
Fini les rachats de parts sociales de sociétés pour s’agrandir en toute discrétion. Après un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, la loi régulant l’accès au foncier agricole, dite « loi Sempastous », est en passe d’être adoptée par le Sénat. Une loi qui renforce nettement les prérogatives des SAFER. Ces sociétés anonymes « d’intérêt public » vont en effet disposer d’un droit de regard sur l’ensemble des transactions de terres, sous quelque forme que ce soit. Jusqu’à présent, seuls les transferts intégraux de parts sociales étaient examinés par la SAFER et pour y échapper, de nombreuses transactions étaient effectuées via des transferts partiels de parts sociales.
Principales mesures de cette loi : l’instauration d’un nouveau contrôle, en plus du contrôle des structures actuel et du contrôle des SAFER. Cette nouvelle instance examinera tous les dossiers de cessions dès lors qu’ils dépasseront un seuil plancher d’agrandissement de 1,5 à 3 fois la SAU régionale moyenne, fixé localement. Objectif : éviter les agrandissements « excessifs ».
La maille de contrôle est très fine : le seuil plancher intègre toutes les surfaces détenues ou cultivées par le repreneur, en son nom propre ou via une société, qu’elle soit agricole ou non. Les holdings agricoles et les SCI familiales devront obtenir l’accord de la commission avant de céder des parts sociales. Au-delà de l’acquisition de parts sociales, la loi considère comme un agrandissement sujet à examen toute modification du capital social d’une société et toute modification « aboutissant à transférer le contrôle d’une société ». Par exemple en Île-de-France, ou la SAU régionale moyenne est de 131 ha, le seuil plancher de 1,5 sera atteint dès les 200 hectares.
« En prenant en compte toutes les surfaces de terres détenues directement ou indirectement par les porteurs de projet, le législateur met sur un pied d’égalité la propriété et l’exploitation du foncier, explique Christophe Gourgues, notaire à St Pierre-du-Mont (Landes) et président du réseau Ruranot, groupement de notaires experts en droit agricole. La totalité des surfaces agricoles détenues en indivision, et non exploitées soi-même, par exemple après une succession, seront comptabilisées dans leur totalité ».
Pour négocier l’agrandissement, les porteurs de projet pourront proposer des « mesures compensatoires » : par exemple en proposant de céder ou louer une partie de leurs terres – les plus excentrées de l’exploitation, via l’intermédiaire de la SAFER.
La nouvelle loi prévoit quatre exceptions à ce nouveau contrôle, notamment pour les enfants (au 4e degré de parenté inclus) et les associés actionnaires. Dans le cas d’une reprise par les associés actionnaires, le cessionnaire devra toutefois être l’exploitant effectif des terres et l’acquéreur conservera les terres pendant au moins neuf ans.
Risque de blocage des transactions, selon des juristes
La nouvelle loi autorise désormais le préfet à suspendre une demande d’autorisation d’exploiter jusqu’à 8 mois, le temps de permettre à un autre candidat à la reprise de se manifester, et de lui attribuer l’autorisation.
La FNSEA, LES JA et les Chambres d’agriculture, à l’initiative du texte, se sont félicitées de ce texte, remerciant les parlementaires pour « leur esprit constructif ». « La profession agricole voit dans l’aboutissement de cette loi une étape importante dans la lutte pour l’accès au foncier pour les jeunes. » L’initiative ne fait toutefois pas l’unanimité. La Confédération Paysanne a rappelé que cette loi « ne réglera aucunement la difficulté d’accès au foncier, déjà très importante, pour les porteuses et porteurs de projet agricoles et notamment les non issus du milieu agricole ».
De nombreux juristes et experts du droit rural s’interrogent aussi sur l’efficacité réelle du dispositif pour assurer le renouvellement des générations. Ils pointent par ailleurs du doigt le risque de blocage des transactions. « Le risque principal de cette loi est de paralyser les projets, soulève Christophe Gourgues. Sous prétexte d’un objectif de souveraineté alimentaire et d’installation, auquel on ne peut être que favorable, on va rigidifier le marché et paralyser l’évolution de l’agriculture. » Les transferts partiels de parts sociales représentent à eux seuls près du quart des ventes globales de terres en France.
Pour apaiser les craintes des professionnels, les parlementaires ont prévu une évaluation « de l’impact et de la justesse du dispositif de contrôle ainsi créé » dans trois ans. En attendant, la loi s’appliquera à toutes les ventes signées après le 01/11/2022, sauf pour les promesses de vente formalisées avant cette date. Elle sera adoptée le 13 décembre à l’Assemblée nationale.