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Fertilisation azotée : exploiter au mieux les engrais organiques pour économiser l’azote

Avec les prix actuels des engrais minéraux, maîtriser la valeur fertilisante des engrais organiques, adapter la période d’apport au type d’effluent et limiter la volatilisation sont des gages d’économie.

Un fumier de bovins épandu à raison de 100 à 200 kg par hectare d’azote total peut restituer 10 à 20 kg d’azote par hectare à la culture suivante.
Un fumier de bovins épandu à raison de 100 à 200 kg par hectare d’azote total peut restituer 10 à 20 kg d’azote par hectare à la culture suivante.
© J.-C. Gutner

Grâce à leur valeur fertilisante, les engrais de fermes et autres produits résiduaires organiques peuvent remplacer partiellement les engrais minéraux. Vu le prix de ces derniers, l’intérêt économique est réel, en particulier dans le cadre d’échanges pailles/fumiers. Mais encore faut-il adopter les bonnes pratiques pour les valoriser au mieux - et dans le cadre permis par la réglementation - car « il ne s’agit pas simplement de remplacer les engrais minéraux par des engrais organiques », prévient Francesca Degan, ingénieure spécialiste de la fertilisation chez Arvalis.

« Comparer l’apport des engrais minéraux à celui des engrais organiques, c’est comme comparer l’apport énergétique d’une perfusion en intraveineuse à celui d’un bon repas », illustre Sarah Singla, agronome et agricultrice à Canet de Salars (Aveyron), qui dispense de nombreuses formations sur le sujet.

Un effet fertilisant plus ou moins rapide selon les effluents

Selon les formes et la vitesse de minéralisation, certains produits résiduaires vont libérer 30 à 100 % de l’azote organique qu’ils contiennent dans les mois ou les semaines suivant l’apport. Il s’agit des lisiers, des fientes et des digestats de méthaniseurs non compostés. À l’inverse, les fumiers et composts ne libèrent rapidement que 10 à 40 % de l’azote organique apporté, mais peuvent en restituer l’année suivante dans des proportions qui dépendent de facteurs pédoclimatiques non maîtrisables, ce qui complique le pilotage de la fertilisation azotée. Un fumier de bovins épandu sur un maïs à raison de 100 à 200 kg/ha d’azote total peut restituer 10 à 20 kg d’azote par hectare à la culture suivante. « Ces produits jouent un rôle amplificateur de la fertilité des sols : en apportant des microorganismes, ils vont enrichir le sol d’un point de vue biologique, tant en quantité qu’en termes de diversité », souligne Sarah Singla.

Dans tous les cas, l’analyse de l’engrais de ferme est indispensable pour connaître précisément sa composition et la dynamique de minéralisation. La concentration d’azote mesurée devra être multipliée par un coefficient d’équivalence à l’engrais azoté minéral pour déterminer la valeur fertilisante du produit. La composition chimique des produits organiques variant considérablement d’une ferme, d’une saison et d’une région à l’autre, l’analyse, dans l’idéal, doit être renouvelée avant chaque épandage. La représentativité de l’analyse s’appuie sur une méthodologie similaire à l’analyse de reliquat sortie hiver : elle repose sur une douzaine de sous-échantillons prélevés à différents endroits du stockage, à 30 centimètres de profondeur, mélangés pour constituer l’échantillon à analyser.

Enfouir dans les 24 heures pour réduire les pertes d’azote ammoniacal

La finesse de l’analyse ne suffit toutefois pas à assurer un pilotage précis de la fertilisation azotée : la maîtrise du volume apporté et l’enfouissement des engrais de ferme très rapidement après leur épandage sont également requis. Les produits résiduaires organiques riches en azote ammoniacal sont bien plus exposés aux pertes par volatilisation que les engrais minéraux. La perte d’azote peut dépasser 40 % pendant les 5 heures qui suivent l’épandage, mais l’enfouissement dans les 24 heures réduit les pertes d’environ 65 %. Avec un enfouissement aussitôt après épandage, à l’aide d’un outil dédié ou grâce au travail du sol, les pertes sont même quasi nulles.

L’épandage de fientes à l’automne avant colza est l’une des pratiques qui a fait ses preuves. « Le colza est une excellente pompe à nitrates et les apports réalisés à l’automne donnent de très bonnes réponses, en particulier pour faire face aux problèmes de vigueur et de sensibilité aux ravageurs », observe Sylvain Pons, ingénieur grandes cultures à la FDCeta de Charente-Maritime. « Et à l’automne, les sols sont portants avec une activité biologique plus élevée. La décomposition et l’utilisation des engrais de ferme seront donc plus efficaces », complète Sarah Singla.

Adapter la période d’apport au type d’engrais

De même, les cultures de printemps valorisent très bien les lisiers et fientes lorsqu’ils sont apportés au plus proche des semis. Les conditions de température et d’humidité sont propices à la minéralisation de l’engrais et les besoins azotés des plantes sont importants. C’est d’ailleurs sur les orges, les maïs et les betteraves que les engrais organiques sont les plus utilisés. Sur ces cultures, un apport au printemps de trois tonnes à l’hectare de fientes de poules (39,5 kg d’azote par tonne) a un effet équivalent à 47 kg d’azote par hectare.

Les fumiers, composts et autres matières organiques dont la teneur en azote ammoniacal est plus faible doivent être épandus plus tôt, dès le mois de mars, pour favoriser la mise à disposition de l’azote lorsque les plantes en auront besoin - sans garantie. « Au printemps, attention aux conditions d’épandage et au poids des machines. Les engins trop lourds, sur sol humides, risquent de compacter le sol en surface et en profondeur. Cela va contraindre l’absorption des éléments minéraux au niveau racinaire, indépendamment de la richesse en éléments fertilisants du sol », prévient Sarah Singla.

En revanche, l’apport de matière organique n’est pas bien adapté à la fertilisation du blé tendre. Les apports à l’automne sont proscrits par la directive Nitrates et n’ont pas d’intérêt agronomique. Avant le stade épi 1 cm, les besoins du blé sont faibles. Le risque de lessivage est important et, une fois la culture implantée, le faible écartement du blé limite les possibilités d’enfouissement, nécessaire pour empêcher une forte volatilisation. Une faiblesse qui rend l’engrais minéral incontournable en système conventionnel, malgré son prix actuel.

Une calculette web pour mesurer l’apport des produits organiques

La calculette en ligne « fertiliser avec un engrais organique » d’Arvalis, lancée en 2021, apporte un premier éclairage – précieux et gratuit – pour s’y retrouver. Cet outil permet d’obtenir rapidement la valeur amendante de 98 matières organiques et indique si le plan de fertilisation prévu est suffisant. Il calcule également les éventuels compléments à prévoir. Car selon la forme de l’engrais organique utilisé, les cultures et les dates d’apport, l’efficacité des engrais organiques ne sera pas la même. Les utilisateurs peuvent intégrer les valeurs amendantes obtenues par analyse pour affiner le calcul. L’outil tient compte de ces variables et indique si la période d’apport envisagée est judicieuse ou pas.

Bâcher pour conserver la valeur fertilisante

La valeur minérale des fumiers et lisiers est directement corrélée aux conditions de stockage. Fosse à lisier couverte, bâche pour protéger les tas de fumier, fumière couverte sur dalle bétonnée avec fosse de récupération des jus : « ces équipements sont précieux pour préserver la valeur fertilisante de nos engrais de ferme. Ils ne doivent pas être vus comme des aménagements contraignants et subis », rappelle Sarah Singla. À défaut, les engrais organiques laissés dehors, sous la pluie, sans fosse de récupération des jus, perdent leur valeur fertilisante en plus de générer des risques de pollution. Une large part des éléments minéraux qu’ils contiennent aura été lessivée.

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