Éric Frétillère : « Le stockage de l’eau est une des solutions pour garder des exploitations nombreuses sur les territoires »
Éric Frétillère, président d’Irrigants de France, défend la solution d’un stockage de l’eau adapté à chaque territoire et le maintien des assouplissements prévus dans le projet de loi d’orientation agricole, pour préserver un tissu d’exploitations viables et diversifiées.
Éric Frétillère, président d’Irrigants de France, défend la solution d’un stockage de l’eau adapté à chaque territoire et le maintien des assouplissements prévus dans le projet de loi d’orientation agricole, pour préserver un tissu d’exploitations viables et diversifiées.
Le stockage de l’eau fait polémique en France, que répondez-vous ?
Si l’on veut continuer à produire notre alimentation, l’accès à l’eau via l’irrigation sera indispensable et le stockage de l'eau fait partie des solutions. Ce ne sera pas la seule, mais elle doit exister et se développer. Le changement climatique, qui se traduit par des étés chauds et secs, se caractérise aussi par des excès d’eau en hiver. Le stockage est un moyen de garder cette eau qui est souvent perdue.
Le stockage est à adapter aux conditions d’accès à l’eau dont on dispose dans chaque territoire (retenues collinaires en fond de vallon, réserves de substitution…). Il n’y a pas de modèle unique de stockage, même au sein d’un département. Les caractéristiques hydrogéologiques varient d’un secteur à l’autre, chaque projet se construit indépendamment. Il faudra nécessairement combiner le stockage de l’eau avec d’autres leviers, comme la réutilisation des eaux usées traitées, l’innovation variétale ou certaines pratiques agronomiques sur les exploitations.
Le projet de loi d’orientation agricole répondait-il à vos attentes concernant le stockage de l’eau ?
Le stockage de l’eau est un dossier sur lequel il est indispensable de continuer à travailler. Le PLOA (projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture), qui a été voté le 28 mai dernier à l’Assemblée nationale, contient des avancées importantes. Tout d’abord, en conférant à l’agriculture un caractère d’intérêt majeur, il reconnaît l’importance de la préserver et pour cela l’eau est indispensable. Il faut que l’agriculture soit remise au centre du jeu. Ensuite, le PLOA ouvre à une accélération du traitement en contentieux des projets de stockage d’eau pour les faire plus rapidement aboutir, ce qui est positif.
N'étant pas passé au Sénat le 24 juin du fait de la dissolution, il existe aujourd’hui une grande incertitude quant à l’avenir de ce projet de loi. Mon souhait le plus cher est que les travaux reprennent tels qu’ils étaient engagés, quel que soit le gouvernement qui se mettra en place, car le projet répondait en partie aux revendications agricoles du début d’année.
Si j’avais une idée à proposer au prochain gouvernement, ce serait celle de la création d’un secrétariat général à l’eau sous la tutelle du premier ministre, travaillant de concert avec les ministères de l’Agriculture, de l’Environnement, de l’Industrie et de la Santé. Il faut aussi s’inspirer de ce que font les autres pays, à l'image de l’Italie qui crée des ouvrages de stockage d’eau et des zones humides côte à côte, avec parfois du photovoltaïque pour répondre à plusieurs enjeux, biodiversité, agriculture, énergie…
Quels sont les risques si les projets de stockage d’eau n’aboutissent pas ?
Les exploitations qui irriguent ne sont souvent pas des structures de grande taille. Sur de nombreux territoires (ex-Poitou-Charentes notamment), l’irrigation est indispensable pour permettre aux exploitations de se maintenir car les rendements plafonnent en raison du faible potentiel des terres ou de conditions climatiques plus difficiles. L’irrigation permet aussi de se diversifier vers des productions à forte valeur ajoutée (semences, légumes…). Elle contribue donc à la transmission des exploitions et à l’installation. Si les projets de stockage d’eau ne se font pas, les exploitations risquent d’évoluer vers un agrandissement et une simplification des assolements pour rester viables. Cela veut dire des exploitations plus grandes, moins nombreuses et moins diversifiées, ce qui est exactement à l’inverse de ce qui est souhaité.
Que disent les partis politiques sur le stockage de l’eau ?
Outre les éléments figurant dans le PLOA, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, avait affiché en début d’année, sa volonté d’accélérer les constructions de réserves d’eau en présentant un fonds de 20 millions d’euros destiné à améliorer le stockage et l’efficacité de l’irrigation. Le gouvernement indiquait que les 100 projets déjà existants verraient leurs travaux finalisés. Lors de la campagne des législatives, le Nouveau Front Populaire a proposé dans son programme un moratoire sur les « mégabassines » et « des règles précises de partage de l’eau sur l’ensemble des activités ». Dans le projet général du Rassemblement National pour l’agriculture, il est écrit qu’il souhaite « faciliter le stockage de l’eau », avec « la création de réserves d’eau et la mise en place de systèmes d’irrigation adaptés aux enjeux environnementaux ».