Entreprise de travaux agricoles : sécuriser le transfert de matériel de l'exploitation vers l'ETA
La création d’une nouvelle structure en parallèle de l’activité agricole pour effectuer des travaux agricoles comporte des avantages mais aussi des risques, notamment en ce qui concerne le transfert du matériel de l'exploitation agricole vers l'ETA. Les aspects fiscaux et économiques doivent être anticipés pour éviter les déconvenues.
La création d’une nouvelle structure en parallèle de l’activité agricole pour effectuer des travaux agricoles comporte des avantages mais aussi des risques, notamment en ce qui concerne le transfert du matériel de l'exploitation agricole vers l'ETA. Les aspects fiscaux et économiques doivent être anticipés pour éviter les déconvenues.
La création d’une entreprise de travaux agricoles (ETA) en plus de son activité d’exploitant implique une certaine vigilance sur les aspects fiscaux et économiques lors du transfert de matériel de l'exploitation agricole vers l'ETA.
Respecter les critères d'exonération des plus-values
Parmi les avantages de créer une ETA figure en bonne place la possibilité de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les plus-values dégagées lors de la revente du matériel. La condition pour profiter de ce dispositif est de ne pas dépasser 350 000 euros de chiffre d’affaires sur la moyenne des deux derniers exercices (seuil à 450 000 € pour une exonération partielle). « Il faut être vigilant à ne pas dépasser ce seuil si finalement l’ETA réalise des prestations de service dans des proportions plus importantes qu’imaginées au départ », souligne Cyril Durand, conseiller de gestion au Cerfrance Alliance Centre.
Veiller à l’équilibre économique de l’ETA
Autre piège à éviter : la non prise en compte des conséquences liées au rachat de matériel par l’ETA. Cela crée mécaniquement des nouvelles annuités d’emprunts et de nouvelles charges d’amortissement. Quand bien même l’exploitant n’envisage pas de faire de la prestation de service pour autrui, il est important de veiller à l’équilibre financier de l’ETA.
Dans le cas d’une entreprise individuelle, si elle ne dégage pas suffisamment de résultat, les charges vont engendrer un déficit comptable. « La banque pourrait se montrer réticente à financer de nouveaux investissements », souligne Cyril Durand. Dans les faits, avec le statut d’entreprise individuelle, une forme de souplesse peut être admise si, en parallèle, l’exploitation se porte bien et qu’il y a une forme d’équilibre entre les deux structures.
La situation peut être beaucoup plus délicate dès lors où l’on passe en société commerciale comme une SARL ou une EURL, soumise à l’impôt sur le revenu. Sous ce statut, il est interdit que les pertes en capital social soient supérieures à la moitié des capitaux propres. Si c’est le cas, il est nécessaire de convoquer une assemblée générale extraordinaire pour décider ou non de la poursuite de l’activité. « Même si l’on poursuit l’activité, on sera mis dans le rouge par le greffe du tribunal de commerce et la banque ne financera plus les investissements », prévient Cyril Durand. Il faut donc bien réfléchir à son schéma en amont.
Anticiper le transfert du matériel
Il faut également anticiper le schéma dans lequel sera transmis le matériel. Première question à se poser : le matériel amené dans l’ETA provient-il d’une exploitation individuelle ou d’une société civile agricole ? Dans le cas d’une exploitation agricole individuelle, on peut constituer une ETA avec un apport de matériel en capital car le matériel appartient à l’agriculteur. Il est aussi possible d’apporter les emprunts en cours sur ce matériel. Si j’ai du matériel à apporter à hauteur de 500 000 euros et un encours bancaire à titre individuel de 200 000 euros, l’apport en capital s’élèvera au final à 300 000 euros.
En revanche, une société civile agricole (Gaec, EARL, SCEA) ne peut pas réaliser d’apport de matériel en capital dont elle est propriétaire. De société à société, le transfert de matériel fait obligatoirement l’objet d’une vente. L’apport se fait donc en numéraire pour l’agriculteur qui crée l’ETA. « Lors de la création de la société commerciale, une SARL par exemple, sans l’apport en capital lié au matériel, il faudra constituer un capital de départ suffisant en ayant en tête que la perte de capital social devra par la suite rester inférieure aux capitaux propres », avertit Cyril Durand.
Ne pas amortir trop vite
Le rachat du matériel de l’exploitation par l’ETA implique la création d’une nouvelle charge d’amortissement. Un point d’attention concerne la durée d’amortissement qui, si elle est trop rapide, peut entraîner un déficit comptable. Pour lui, il est préférable d’avoir une durée d’amortissement calée sur la durée d’utilisation réelle du bien. « Il est préférable d’avoir une cohérence entre le montant de la dépense qui est l’annuité d’emprunt et le montant de la charge qu’est l’amortissement, explique le conseiller. Le raisonnement économique doit se faire sur le temps long terme. »
Financer le rachat du matériel
Le rachat du matériel peut se faire via un prêt bancaire classique. L’intérêt est de générer un effet de levier pour financer un autre projet comme de la méthanisation, des panneaux photovoltaïques ou même une habitation… C’est un mode de refinancement qui n’exempte toutefois pas de rembourser les annuités d’emprunts qui pèsent sur l’ETA !
Pour les exploitations agricoles sous forme sociétaire, il est aussi possible d’opter pour un prêt intersociété avec l’ETA en mettant en place un échéancier de créances sur plusieurs années. « Chaque année, l’exploitation paye sa facture pour les prestations de travaux agricoles et l’ETA règle sa créance », résume Cyril Durand. Un point de vigilance concerne l’apurement de cette dette lors de la transmission de l’exploitation.