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Coopération/Nutrition animale
Alimentation animale : « La situation est compliquée mais, par nature, je suis optimiste », tempère David Saelens de LCA NA

Fraîchement élu président de La Coopération agricole Nutrition animale (LCA NA), David Saelens, également président du conseil de surveillance de Novial et vice-président de Noriap, répond nos questions. Il insiste sur la sécurité des salariés, la répercussion des hausses durables des prix des matières premières, la lutte contre la déforestation importée et l’absolue nécessité de reconquérir notre souveraineté alimentaire.

David Saelens, président du conseil de surveillance de Novial et vice-président de Noriap, remplace Jean-Luc Cade à la présidence de La Coopération agricole Nutrition animale.
© La Coopération agricole Nutrition animale

La Dépêche - Le Petit Meunier : quelles sont vos priorités ?

David Saelens : Impliqué depuis plusieurs années dans l’équipe, je m’inscris dans une logique de continuité des actions entreprises par mon prédécesseur Jean-Luc Cade qui assurait la présidence depuis 2006 et qui reste membre du bureau. Mon mandat doit servir à renforcer les interactions au sein des différentes filières, plus particulièrement au sein de la coopération agricole pour anticiper les évolutions. Ces synergies avec les différentes sections sont essentielles tant du point de vue de la durabilité que de l’économie et de la résilience de la production agricole.
La santé des salariés et, tout particulièrement la prévention des risques lors des livraisons en élevage me touche particulièrement. L’un des prestataires chauffeur de ma coopérative, Novial, a été tué l’an dernier lors d’une livraison en élevage par l’effondrement d’un silo. Nous devons accentuer notre travail des sensibilisations des éleveurs afin que de tels accidents ne puissent plus arriver.
Je vais également m’attacher à poursuivre la relation instaurée avec les autres syndicats de la nutrition animale française, tout particulièrement la collaboration efficiente avec le Snia car il existe une grande cohérence entre nos instances. C’est aussi vrai pour les dossiers que nous portons ensemble au niveau européen au sein de la Fefac.

 

La Dépêche - Le Petit Meunier : A propos d’Europe, qu’attendez-vous concrètement de la présidence français du conseil de l’UE ?

David Saelens : Tant pour les 6 prochains mois qu’à plus long terme, j’attends que la France s’empare des vrais sujets comme la lutte contre la déforestation importée, la réduction de l’empreinte carbone et la souveraineté alimentaire. Nous devons par exemple imaginer de vraies règles en imposant cette non-déforestation pour les produits importés. Nous contribuons collectivement en proposant de vrais outils opérationnels au sein de Duralim avec son observatoire, et au sein de la Fefac avec ses lignes directrices. Le niveau européen est le plus pertinent : la France importe entre 3 et 3,5 Mt de soja quand l’UE en achète 35 Mt. Nous avons besoin de faire évoluer l’ensemble de nos chaines d’approvisionnement sans distorsion de concurrence avec nos voisins, qu’il s’agisse de la Belgique, de l’Espagne ou de tout autre État Membre puisque nos produits circulent librement.

 

La Dépêche - Le Petit Meunier : Comment évolue la situation des approvisionnements?

David Saelens : La situation tendue est inédite et perdure. Si les prix élevés sont évidemment une très bonne chose pour les cultivateurs, la nutrition animale se trouve prise en étau entre l’envolée des cours tant de la protéine que de l’énergie et le manque de valorisation des produits de nos éleveurs. Notre rôle tampon nous a beaucoup coûté au second semestre 2021 et cela va se poursuivre voire peser encore plus durant le premier semestre 2022 sans que nous ne sachions quand l’horizon va s’éclaircir. Le soja ne redescend pas d’un niveau élevé vers 430€/t contre 350 à l’été 2020, l’énergie a augmenté de 27% entre décembre 2020 e décembre 2021. Sur des produits comme l’urée, la hausse est énorme : elle a doublé en octobre dernier pour passer de 250 à 500€/t et elle atteint 1200 €/t en ce début d’année. Sur certains produits comme le soja non OGM, la rupture n’est pas loin. Au total, s’approvisionner est un casse-tête quotidien pour les équipes.
Il faut absolument que ces hausses des prix soient répercutées jusqu’au consommateur car nos entreprises et les éleveurs ne peuvent pas être la variable d’ajustement. Les négociations sont en cours, laissons sa chance à Egalim 2 mais aujourd’hui cela semble compliqué.

 

La Dépêche - Le Petit Meunier : Quelles solutions imaginez-vous ?

David Saelens : La clé est certainement de relocaliser nos productions de protéines végétales et de conforter ainsi nos élevages dans nos territoires. Sortir du soja importé peut sembler vertueux mais ce n’est pas réaliste. Nous pouvons encore baisser probablement un peu les taux d’incorporation, mais nous avons besoin de protéines. Des cahiers des charges qui imposent des taux élevés de céréales exigent des protéines concentrées, les AOP laitières qui veulent limiter les quantités de concentrés distribués en élevage imposent de fait aussi des protéines très concentrées… Il nous faut donc expliquer aux filières ce qui est possible et ce qui est incohérent. Dans le même temps, même avec le réchauffement climatique, nous ne sommes pas prêt de voir beaucoup de soja cultivé au nord de Paris. Il faut donc des incitations pour que les agriculteurs produisent d’autres protéines végétales même si elles sont moins concentrées comme le pois ou les féveroles. Il faut également mieux valoriser nos ressources comme le colza. Et bien sur, indiquer aux consommateurs la provenance locale avec un étiquetage.

 

La Dépêche - Le Petit Meunier : Est-ce que ce concept de local est bien clair ?

David Saelens : Nous travaillons avec les filières, au sein de Duralim, pour définir ce qu’est une origine locale. C’est plus facile avec certaines matières premières comme les céréales qu’avec le son par exemple puisque les meuniers importent souvent un peu de blé de force pour ses qualités et que le son produit en France comporte donc souvent une partie, même minime, de son issu de blés importés. Nous avons donc besoin de nous entendre et de partager des règles communes par exemple avec des bilans massiques.

 

La Dépêche - Le Petit Meunier : Quel est le bilan 2021 pour la nutrition animale française ?

David Saelens : Nous sommes en train de finaliser les données, mais les fabrications 2021 des aliments pour animaux continuent à perdre du terrain, dans une érosion à long terme avec entre -1,2 et -1,5 % pour l’an passé. Le porc nous inquiète, nous entendons parler de décapitalisation voire d’arrêt possible de 10 à 15% des élevages sur la Bretagne en 2022. La filière œuf souffre aussi. C’est un vrai paradoxe : la production d’aliments Bio se tient bien mais de plus en plus d’œufs bio ou plein air sont déclassés en standard car les consommateurs s’en détournent pour une question de prix. Ce désintérêt économique du consommateur s’accentue depuis l’année dernière et le marché est engorgé. C’est d’ailleurs la même chose pour le lait bio.
Je suis toutefois optimiste pour notre métier et pour l’élevage. Je reste enthousiaste pour les défendre car nous avons une véritable éthique en France.

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