Comment valoriser au mieux l’azote des digestats de méthanisation ?
Le digestat issu des unités de méthanisation contient de l’azote sous des formes assimilables plus ou moins rapidement par les plantes. Analyse de cette ressource en azote pour les cultures.
Le digestat issu des unités de méthanisation contient de l’azote sous des formes assimilables plus ou moins rapidement par les plantes. Analyse de cette ressource en azote pour les cultures.
Les prix des engrais minéraux azotés flambent. Avec le développement de la méthanisation, les digestats peuvent être un recours. « Leur composition en azote, en matière organique et autres éléments varie fortement selon ce qui est apporté au méthaniseur, informe Adeline Haumont, de l’association Aile (1). Les digestats composés avec du lisier de porc et des graisses d’industrie agroalimentaire sont riches en azote rapidement assimilable (de l’ordre de 6 unités par tonne, avec 60-70 % d’azote ammoniacal) et contiennent peu de matière organique. S’il y a beaucoup de végétaux et fumier pailleux riches en carbone en entrée de méthaniseur, le produit sera moins « efficace » en termes d’alimentation azotée d’une culture, avec de l’ordre de 3 à 4 unités par tonne d’azote, dont moins de 50 % sous forme ammoniacale. »
Analyses régulières nécessaires de son digestat
Selon que l’on apporte du digestat sous forme brute, solide ou liquide avec séparation de phase, la proportion d’azote rapidement disponible diffère pour une même quantité totale. « Elle sera de moins de 30 % dans un digestat solide, entre 50 et 80 % dans les digestats bruts ou liquides, présente Sabine Houot, directrice de recherche à Inrae. Le carbone humifié (matière organique) montrera des proportions inverses. En résumé, un digestat liquide aura un effet fertilisant élevé en azote, supérieur à tous les autres produits résiduaires organiques (PRO). En revanche, il aura un effet amendant négligeable comparé à un digestat solide, à l’action amendante forte, proche d’un fumier. » La grande variabilité de composition des digestats nécessite des analyses régulières pour bien quantifier les différents éléments.
Les formes d’azote du digestat et leur niveau de disponibilité déterminent le coefficient d’équivalence en engrais minéral efficace (Keq). Ce dernier dépend de l’azote minéral présent dans le digestat lors de l’épandage et l’azote organique minéralisable dans l’année, et tient compte des pertes liées à la volatilisation et à la lixiviation. Il est donc lié à la culture, à la période d’apport, et aux conditions pédoclimatiques (2). Compris entre 0 et 1, le Keq indique le rapport entre la quantité d’azote apportée par un engrais minéral de synthèse (type ammonitrate) et la quantité d’azote total apportée par le digestat (ou le PRO) permettant la même absorption d’azote par la culture.
Une bonne valorisation sur colza au semis et céréales en sortie d’hiver
En Lorraine, le groupe régional d’expertise nitrates a évalué le Keq du digestat (brut) à 0,5 sur colza en été-automne, contre 0,15 pour un fumier de bovin. « Le colza valorise très bien l’azote disponible à l’automne à condition de l’épandre dans des conditions limitant les fuites vers l’eau et l’air », explique Adeline Haumont. Sur maïs, le Keq est optimal au plus près de l’implantation (0,6). En blé, il est plus élevé en sortie d’hiver ou printemps (0,4) qu’à l’automne (0,2). « On a moins de risques de perte d’azote par volatilisation en sortie d’hiver avec des températures faibles, mais l’épandage peut être difficile avec une tonne à lisier sur des sols fragiles. Il peut être réalisé sans tonne, avec ombilic et rampe d’aspersion par exemple », précise la spécialiste.
Dans la région Centre, les chambres d’agriculture ont piloté trois essais en 2020-2021 pour évaluer l’impact d’une fertilisation à base de digestat sur une production végétale. « Le digestat a été appliqué sur méteil. Sur cette première année d’essais, nous avons constaté un gain d’1,8 t/ha de matière sèche en moyenne sur les parcelles ayant reçu du digestat à l’automne (50 unités d’azote) et un complément d’engrais minéraux au printemps, comparé à une modalité avec seulement des apports d’engrais de synthèse, pour un même objectif de rendement, présente Vincent Moulin, conseiller à la FDGeda du Cher. L’utilisation du digestat a été bénéfique dans le contexte climatique de l’année passée. » Ces essais seront poursuivis pour déterminer les conditions de valorisation optimale du digestat en limitant les pertes d’azote en fonction de différents scénarii agroclimatiques.
L’épandage de digestat est soumis à la directive Nitrates. Dans les zones vulnérables, il entre dans la catégorie des « fertilisants azotés de type II », à C/N bas contenant de l’azote organique et une proportion d’azote minéral variable. Son application est interdite sur certaines périodes et son utilisation est conditionnée à l’enregistrement des pratiques au travers du plan prévisionnel de fumure et du cahier ad hoc. Il est soumis à plan d’épandage mais peut sortir des contraintes inhérentes à ce plan sous certaines conditions avec un cahier des charges spécifique (DigAgri).