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Alterner les insecticides contre les petits ténébrions en volaille évite les résistances

Des tests en laboratoire ont montré une résistance modérée à la cyfluthrine de populations bretonnes de ténébrions. Ces travaux aident à mieux cerner les mécanismes de résistance.

Les ténébrions ont été comparés à deux populations témoins a priori sensibles car n’ayant jamais été exposées à des insecticides. © P. Le Douarin
Les ténébrions ont été comparés à deux populations témoins a priori sensibles car n’ayant jamais été exposées à des insecticides.
© P. Le Douarin

L’UMR Ecobio de l’université de Rennes 1 a testé la résistance de onze populations de petits ténébrions issus de poulaillers bretons, en dindes et en poulets. On considère que les insectes sont résistants s’ils survivent à une dose normalement létale (voir encadré).

Quatre molécules ont ainsi été testées.

 - La cyfluthrine et la perméthrine appartiennent à la famille des pyréthrinoïdes, très utilisée en élevage comme l’a montré une enquête réalisée par l’Itavi dans le cadre du projet Teneblimit en 2018 (près de la moitié des élevages enquêtés).

- L’azaméthiphos et le pirimiphos-méthyl appartiennent à la famille des organophosphorés et sont beaucoup moins courants.

Lors des tests en laboratoire, quatre populations du terrain se sont avérées résistantes à la cyfluthrine. Une des populations a même résisté à plus de 500 fois la dose normalement létale. Aucune résistance n’a en revanche été observée vis-à-vis des autres molécules testées.

Il faut souligner que les tests ont été réalisés avec les molécules actives pures afin de pouvoir les comparer en s’affranchissant des impacts des adjuvants. Ceux-ci sont ajoutés aux préparations commerciales pour faciliter la pénétration des molécules dans l’insecte.

Même si le nombre de populations résistantes est au final modeste, l’UMR Ecobio et l’Itavi soulignent l’importance de changer régulièrement de molécule et de famille d’insecticide. Il faut aussi rester vigilant aux bonnes pratiques d’application pour lutter plus efficacement contre ce nuisible.

Retrouvez la vidéo conseil de l’Itavi sur les bonnes pratiques d’application des insecticides.

Attention au sous-dosage des produits

Deux types de pratiques favorisent la sélection de résistances : utiliser toujours la même molécule et sous doser l’insecticide. En agissant ainsi, on élimine les insectes les plus sensibles, tandis que les insectes restants sont de plus en plus résistants au fur et à mesure des applications, comme l’illustre le schéma ci-dessous.

 © Source : Itavi

Les insectes « bleus » et « jaunes » plus sensibles, sont éliminés dès la première application. Les insectes « verts », un peu plus résistants ne sont éliminés qu’à la troisième application. Les insectes « rouges » les plus résistants prennent progressivement la place des autres et se multiplient dans le poulailler de cycle en cycle. Il devient alors impossible de contrôler la population de ténébrions avec cet insecticide.

Une stratégie d’évitement des insectes

D’autres tests réalisés par l’université de Rennes ont exploré les mécanismes de résistance des ténébrions à la cyfluthrine.

Deux mécanismes de résistance aux produits chimiques sont impliqués : l’évitement comportemental consécutif à la détection olfactive ou gustative de l’insecticide et l’adaptation physiologique et/ou biochimique de l’insecte pour neutraliser puis éliminer plus facilement la molécule.

Les insectes sensibles utilisent le premier mécanisme d’évitement, contrairement aux résistants qui utilisent le mécanisme d’adaptation, comme l’ont confirmé des tests en laboratoire de résistance à la cyfluthrine.

Les insectes résistants n’ont pas manifesté de répulsion au contact de l’insecticide, sans doute parce qu’ils neutralisent cette molécule. En revanche, les adultes sensibles ont fui les zones traitées.

Étant donné que la cyfluthrine agit par contact, ce résultat confirme l’importance d’appliquer le produit avant que les insectes sensibles n’aient eu le temps de trouver un refuge, pour garantir son efficacité.

Les insectes résistants ont des niveaux d’activité des enzymes et d’expression des gènes de détoxification des molécules de la famille des pyréthrinoïdes plus importants que les sensibles. Cela ouvre des perspectives de développement pour des stratégies de lutte, qui pourraient s’inspirer de celles contre les ravageurs de cultures.

Tests de résistance de 11 populations de ténébrions

Les tests réalisés en laboratoire consistent à mettre les insectes en contact avec une molécule insecticide imprégnée sur du papier buvard. Ces insectes ont été comparés à deux populations témoins a priori sensibles car n’ayant jamais été exposées à des insecticides. Le nombre d’insectes morts est ensuite compté au bout de cinq jours. L’expérience est renouvelée avec différentes doses, jusqu’à obtenir celle pour laquelle au moins 50 % d’insectes sont morts (DL50). La population de ténébrions du terrain est considérée résistante si cette dose DL50 est au moins 10 fois supérieure à celle obtenue avec les populations sensibles témoins.

Des méthodes de biocontrôle complémentaires

Les interrogations autour des résistances aux insecticides et de leurs impacts sur la santé publique et l’environnement favorisent les recherches d’autres moyens de lutte.

Les méthodes de biocontrôle reposent sur différents mécanismes de prédation, de parasitisme, comportementaux (répulsion, agrégation) ou d’effets insecticides. Ils mobilisent des agents d’origine naturelle classés en quatre catégories : les micro-organismes (champignons, bactéries et virus), les macro-organismes (insectes, acariens et vers prédateurs), les molécules qui influencent le comportement de l’insecte et les autres substances d’origine naturelle qui ont des effets insecticides ou comportementaux.

Des méthodes à utiliser en association

L’utilisation du champignon B. bassiana, certaines huiles essentielles, les hormones juvéniles, la terre de diatomée, certaines espèces de vers prédateurs ou encore les phéromones d’agrégation semblent constituer les méthodes les plus prometteuses. Leur efficacité n’est cependant pas du même niveau que celle des insecticides chimiques. Il est plutôt conseillé de les utiliser en association ou en complément afin de réduire l’usage des produits de traitement. Les vers prédateurs, des insecticides aux huiles essentielles et de la terre de diatomée sont les seules méthodes commercialisées à l’heure actuelle. Le contrôle des populations de petit ténébrion nécessite une approche globale qui intègre des éléments de conception et d’entretien du poulailler, des pratiques visant à réduire les sources de nourriture, et des pratiques efficaces lors du vide sanitaire.

Des pièges pour suivre la dynamique des populations

 

 
Des pièges fabriqués à l’aide de tubes pvc et équipés de papier essuie-tout plié en accordéon sont également efficaces. © A. Puybasset
Le suivi de la population de ténébrions dans un poulailler est intéressant pour adapter le protocole de lutte. Un nombre d’adultes en augmentation est un signe que les mesures de lutte ne sont pas suffisantes. Des piégeages hebdomadaires ont été réalisés dans 6 poulaillers durant trois lots consécutifs. Lorsque le nombre d’adultes devient supérieur à celui obtenu à la fin d’un lot précédent, c’est le signe que la population est en expansion dans les poulaillers peu ou modérément infestés, ou qu’elle va se maintenir à un niveau élevé lors du lot suivant dans les poulaillers déjà fortement infestés. Les adultes pondent, permettant ainsi à la population de se reconstituer rapidement lors du cycle suivant. Le suivi de la dynamique de population de ténébrions sert aussi à pour évaluer l’efficacité du protocole en place et l’adapter au besoin. Les pratiques lors des vides sanitaires visent à supprimer le maximum d’insectes afin de « casser » le cycle. Ces suivis peuvent être réalisés avec des pièges du commerce. Des pièges fabriqués à l’aide de tubesPVC et équipés de papier essuie-tout plié en accordéon sont également efficaces.

 

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