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Viticulture : les besoins en eau devraient augmenter

Le réchauffement climatique devient de plus en plus prégnant sur le terrain, provoquant des épisodes de stress hydrique et d’échaudage. Qu’en sera-t-il demain ?

D'après les prévisions, les précipitations devraient devenir de plus en plus variables et imprévisibles sur le territoire français.
D'après les prévisions, les précipitations devraient devenir de plus en plus variables et imprévisibles sur le territoire français.
© J.-C. Gutner

Qui dit eau, dit climat. Si l’été 2022 a été le plus chaud jamais observé en France, les climatologues sont formels : le pire reste à venir. Les scenarii du Giec (Groupement intergouvernemental d’experts sur le changement climatique) prévoient, pour 2100, une hausse des températures moyennes pouvant aller de 3 à 5 °C sur le territoire français.

Ces tendances ont déjà des conséquences visibles sur la vigne, à commencer par l’augmentation du stress hydrique, dû à la hausse de l’évapotranspiration du végétal. De ce côté-là, « tout le monde est à la même enseigne », estime Marc Tardy, technicien en agrométéorologie chez Météo France.

En plus des tendances, des pics de chaleur

Outre l’augmentation des températures moyennes, les viticulteurs français font régulièrement face à des phénomènes de forte chaleur. On se souvient notamment des 46 °C survenus dans l’Hérault en 2019, qui avaient causé l’échaudage de 10 000 hectares de vigne. Bien que marquant par son intensité, cet épisode a été malheureusement suivi par de nombreux autres pics de chaleur ces dernières années dans le Sud-Ouest, dans le Gard ou encore en Val de Loire.

D’après les estimations, ces événements extrêmes devraient non seulement augmenter en fréquence, mais également en intensité.  « Aujourd’hui, les pics de chaleur atteignent les 40 °C dans les vignobles du sud-est de la France, mais ils pourraient approcher facilement les 50 °C d’ici à 2030 », estime Marc Tardy. Cependant, les vagues de chaleur étant des aléas climatiques, il est difficile de prévoir les régions qu’elles toucheront. « On peut projeter que Clermont-Ferrand subira des pics de chaleur plus intenses que la région méditerranéenne, comme ça a été le cas parfois ces dernières années », projette Nicolas Saurin, directeur de l’Inrae de Pech Rouge.

Des précipitations plus chaotiques

Du côté des précipitations aussi, les changements sont déjà à l’œuvre. Si les volumes annuels des pluies doivent sensiblement rester constants dans le temps, il en va différemment du point de vue de leur saisonnalité. « On observe une diminution des précipitations en été et au printemps, surtout dans le sud de la France, et des pluies plus fortes l’hiver dans les vignobles de Bourgogne, d’Alsace et de la Vallée de la Loire », pose Marc Tardy.

Ce phénomène de décalage des pluies est un enjeu sérieux pour certains vignobles du Sud qui ont déjà commencé à en subir les conséquences. Dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales par exemple, les vignerons ont connu en 2023 un épisode d’hiver sec. « On parle d’hiver sec lorsque les précipitations hivernales ne permettent pas de recharger les nappes et la réserve utile avant l’été », éclaire Nicolas Saurin. Résultat, sur certaines parcelles, les rameaux ne font que 20 cm de long et sont très fins, ce qui rendra la taille de cet hiver compliquée. Quelques domaines ont même envisagé le pire : « on s'est demandé s'il ne valait pas mieux pas sacrifier la vendange pour favoriser la réserve en eau de la vigne », alerte le chercheur de l’Inrae.

 

 
En 2019, une vague de chaleur survenue dans l'Hérault a causé l'échaudage de 10 000 hectares de vigne.
En 2019, une vague de chaleur survenue dans l'Hérault a causé l'échaudage de 10 000 hectares de vigne. © J.-C. Gutner

Pour ne rien arranger au tableau, cette forte variabilité dans l’occurrence des précipitations devrait continuer de se renforcer, et cela sur de plus longues échelles de temps. « Les précipitations sont de plus en plus glissantes sur l’année et même d’une année à l’autre », détaille Marc Tardy. Résultat, sur certains territoires comme les Pyrénées-Orientales, « les périodes de sécheresse durent de plus en plus longtemps, et elles pourraient ainsi atteindre des durées de plusieurs années très prochainement », estime l’agrométéorologue.

Les vignobles du Sud aux avant-gardes

Si l’augmentation des températures reste la principale menace pour l’ensemble des régions françaises, les conséquences du changement climatique sont inégales entre les régions viticoles.

Côté pluies, les prévisions dessinent une limite Nord/Sud sur le territoire, au niveau de la Loire. Au Nord, les pluies annuelles devraient croître, et au Sud elles devraient diminuer. Mais attention : selon Nicolas Saurin, « il y a beaucoup d’incertitudes dans les modèles, surtout concernant les précipitations ».

Une chose est sûre cependant, les zones viticoles du sud du pays seront le plus fortement touchées, régions méditerranéenne et provençale en tête. À titre d’exemple, dans le Roussillon, « on atteindra 26 °C de température moyenne en été en 2050, contre 23,4 °C aujourd’hui », pose Jean-François Berthoumieu, directeur de l’Association climatologique de la moyenne Garonne et du Sud-Ouest (ACMG). Les sécheresses devraient y être de plus en plus intenses, avec un phénomène de cercle vicieux. « L’eau appelle l’eau, rappelle Jean-François Berthoumieu, donc quand les sols sont secs, il pleut moins. »

Du côté du Sud-Ouest, la dynamique est la même, causant notamment l’augmentation des taux d’alcool des vins. Cependant, la région a pour l’instant évité le pire, sans que l’on sache toutefois si cela va durer. « Les impacts de la sécheresse se mesurent sur le long terme, explique le directeur de l’ACMG, c’est une affaire à suivre. »

Dans le Nord, ça chauffe aussi

Les vignobles du nord de la France sont également concernés. Comme le prévoit Brieuc Ménager, conseiller viticole à la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher, « les températures en Centre Val de Loire seront équivalentes à celles du Bordelais en 2050, et à celles des Pyrénées-Orientales en 2100. En Alsace, en plus de l’augmentation des températures, c’est la diminution des quantités de neige sur les sommets des Vosges qui impactera l’eau disponible dans la région.

Ainsi, les répercussions sur la vigne devraient être les mêmes que dans le Sud, mais avec quelques décennies de décalage. Pour Brieuc Menager, il y a de quoi positiver : « Les vignobles du Nord ont davantage de recul pour pouvoir s’adapter ». Alors que des demandes d’irrigation commencent déjà à émaner des viticulteurs dans ces régions, Jean-François Berthoumieu estime que l’enjeu est plutôt de « miser sur la pluie qui, elle, continuera de tomber, peut-être même en plus grande quantité ».

Développement de nouveaux vignobles dans le Nord

Face à ces enjeux, la question du déplacement des vignobles vers le Nord émerge de plus en plus. Aujourd’hui, des vignes sont plantées en Bretagne, dans le Nord ou encore en Normandie, sans parler de l’Angleterre ou de la Belgique.

Pour Nicolas Saurin, dans cette dynamique, deux phénomènes sont à l’œuvre : « l’augmentation des températures dans les régions du Nord offre l’opportunité d’y implanter de la vigne. En revanche, ce qui pose la question du retrait des vignobles du Sud a davantage à voir avec la diminution de la ressource en eau », explique-t-il.

Face au manque d’eau dans les pays du « nouveau monde » comme le Chili ou l’Argentine, la vigne a rapidement migré vers des régions moins chaudes. Mais en France, c’est différent. « Ici, les filières sont implantées traditionnellement localement », pose le chercheur. De quoi relativiser la question. « Est-ce qu’on est prêt à abandonner tous les viticulteurs du Sud de la France ?, questionne Brieuc Ménager. C’est un choix politique, et cela semble peu probable. »

Déplacer les régions viticoles vers le Nord mènerait à la suppression de la viticulture dans les régions les plus sèches. Mais pour la remplacer par quoi ? Comme certains acteurs du secteur l’argumentent, la vigne consomme très peu d’eau : entre 500 et 1 000 m3 par hectare et par an, contre 3 000 m3 pour le maraîchage. Supprimer la vigne dans les régions en crise, au profit d’autres cultures reviendrait à irriguer davantage, ce qui semble contre-productif.

Mais, si on choisit de conserver les vignobles du sud, cela ne doit pas aller à l’encontre de la réduction de la consommation par le secteur. « Si la vigne est particulièrement adaptée au stress hydrique en comparaison avec d’autres cultures, c’est une raison supplémentaire pour faire en sorte qu’elle le soit encore mieux, en réduisant sa consommation en eau », conclut Marc Tardy. De quoi se pencher plus en détail sur les pistes agronomiques d’optimisation de la consommation en eau par la vigne.

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