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Cinq pistes pour réduire les émissions gazeuses du lisier

L’acidification du lisier stocké réduit les émissions gazeuses et augmente l’azote disponible pour les cultures. Mais elle pose des questions de sécurité et de coûts. Les retours d’expérience récents à l’étranger mettent en évidence des pistes pour réduire ces contraintes.

L’acidification des effluents déplace l’équilibre entre ammoniac et ions ammonium en solution vers les ions ammonium, réduisant ainsi les émissions d’ammoniac.

Lire aussi [VIDEO] Les danois réduisent les émissions d’ammoniac grâce à l’acidification du lisier des porcs

De plus en plus, cette technique est aussi étudiée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’acide sulfurique concentré à 96 % est le plus couramment utilisé en Europe du Nord puisqu’il présente le meilleur rapport coûts bénéfices. De grosses quantités sont cependant nécessaires pendant les plusieurs mois de stockage. De plus, pour des raisons de sécurité, le système d’acidification doit être entièrement automatisé. Pour cette raison, le coût de ce dispositif est particulièrement onéreux, d’autant plus qu’il est généralement mis en place à la construction d’un nouveau bâtiment d’engraissement. Les Chambres d’agriculture de Bretagne ont recensé pour vous cinq alternatives testées dans des pays étrangers pour acidifier les lisiers à des coûts réduits et en toute sécurité.

1-Acidifier dans des préfosses

Acidifier le lisier des préfosses d’un bâtiment d’engraissement allemand existant a permis de réduire de 39 % les émissions d’ammoniac (NH3) et de 67 % celles de méthane (CH4).

 

 
Cinq pistes pour réduire les émissions gazeuses du lisier

Le lisier est pompé hors du bâtiment vers une cuve de mélange où il est acidifié, avant d’être renvoyé vers la préfosse. Pour les éleveurs stockant leur lisier en préfosses profondes, ce système a l’avantage de ne pas nécessiter la construction d’une fosse de stockage supplémentaire contrairement au système d’acidification au bâtiment danois traditionnel. Cependant, 17,1 kilos d’acide sulfurique à 96 % par m3 de lisier ont été consommés pour réduire le pH de 7,2 à 5,5 et le maintenir pendant toute la durée d’engraissement, contre 5 à 8 kg d’acide par m3 de lisier pour le système d’acidification au bâtiment danois.

 

 
Cinq pistes pour réduire les émissions gazeuses du lisier

Par ailleurs, en moyenne trois acidifications par semaine sont nécessaires sur la période d’engraissement, avec une augmentation de la fréquence et donc de la consommation énergétique en fin de bande. Des précautions sont à prendre lors de l’acidification : un délai de dix minutes pour vérifier que le pH du lisier dans la cuve de mélange est bien stabilisé à 5,5 pour éviter la formation de mousse dans les préfosses par la suite. Le dégagement d’hydroxyde sulfuré du lisier acidifié diminue lorsque la fréquence d’acidification augmente. C’est pourquoi il est important d’acidifier régulièrement pour rester en dessous des seuils de sécurité. Le coût de ce dispositif n’est pas connu.

2-Refroidir le lisier

Baisser la température du lisier stocké diminue la quantité d’acide à ajouter pour réduire les émissions de méthane (CH4) et conserver son pouvoir méthanogène. Pour réduire de 70 % les émissions de CH4 d’un lisier stocké pendant 43 jours, 1,6 kilo d’acide sulfurique par tonne de lisier a été nécessaire à 35 °C contre seulement 0,5 kilo d’acide sulfurique par tonne de lisier stocké à 25 °C d’après un essai expérimental coréen. Le potentiel méthanogène en fin de stockage est passé de 21 % à 33 %. Les réductions de gaz à effet de serre associées passent de 33,6 à 41,9 kilos équivalents CO2 par tonne de lisier.

3- Une à trois vidanges de fosse par an

Une étude danoise a montré que le meilleur rapport coût/bénéfice annuel pour diminuer les émissions de méthane (CH4) au stockage en baissant le pH consiste à ajouter 2,1 kilos d’acide sulfurique par tonne de lisier pendant 63 jours de stockage pour une à trois vidanges. Le pH du lisier a été abaissé à 6,5, les émissions de NH3 ont été diminuées de 33 % et les émissions de CH4 de 70 %. Les émissions de CH4 étant plus affectées par l’ajout d’acide sulfurique que celles de NH3, de moindres quantités d’acide sont nécessaires pour baisser les émissions de gaz à effet de serre au stockage. Au-delà de trois vidanges par an, la quantité optimale d’acide à ajouter passe à 3,2 kilos par tonne de lisier, afin de compenser les coûts supplémentaires de transport de l’acide et de brassage.

4-La biofiltration en complément de l’acidification

L’acidification combinée à de la biofiltration diminue les émissions gazeuses au séchage solaire du lisier sous serre en Espagne. Le lisier séché obtenu répondait à la norme européenne « fertilisant organique ». De l’acide sulfurique a été ajouté pour baisser le pH du lisier à 4,7 avant séchage. Après 16 jours de séchage, le lisier séché a perdu 87 % de masse de départ. Le taux d’ammoniac en sortie de biofiltre était inférieur au niveau de détection (moins de 0,35 mg/m3 d’air). Sous le climat méditerranéen, le séchage solaire n’est économiquement pas viable en hiver, faisable en automne et son efficacité augmente clairement au printemps avec des conditions d’irradiations solaires élevées.

5-Une bio acidification avec de la biomasse

Un lisier bio acidifié à l’aide de jus brun fermenté issu de l’extraction protéique des biomasses végétales vertes fraîches a permis de maintenir le pH d’un lisier stocké pendant 98 jours à 20 °C à 4,7. Ce traitement a permis de baisser les émissions de méthane (CH4) de manière identique à des lisiers ayant préalablement été acidifiés à un pH 5,5 avec de l’acide sulfurique avant d’être bio acidifiés. L’enjeu de la bio acidification est d’ajouter la juste quantité d’acides organiques pour baisser le NH3 sans augmenter le CH4 et de CO2 à cause de l’ajout de carbone exogène. Au cours de cette fermentation microbienne anaérobie, la matière organique de l’effluent est dégradée en acides organiques. Le process peut être induit par l’ajout de substrats organiques qui seront facilement dégradés par les micro-organismes du lisier. Un des principaux acides organiques produit est l’acide lactique qui permet de baisser le pH du lisier à 4,5. Les bactéries homofermentaires doivent prédominer sur les bactéries hétérofermentaires pour éviter d’obtenir d’autres acides organiques appelés acides gras volatils et responsables de forts dégagements d’odeurs. L’ajout de jus brun fermenté à hauteur de 50 % du volume dans le lisier a suffi pour produire de l’acide lactique tout au long de l’essai. Pour ce faire, le pH du lisier peut être ajusté par l’ajout de sources de carbone labiles ou d’acides. Tout comme l’acidification à l’acide sulfurique, la bio acidification permet de limiter les émissions d’ammoniac et de méthane tout en récupérant les nutriments des produits bio acidifiés pour les utiliser comme des fertilisants ou pour produire de l’énergie renouvelable par la méthanisation. Ce co-substrat a l’avantage d’être riche en sucres et d’avoir un pH bas, tout en ayant une faible valeur économique, c’est pourquoi il est principalement utilisé comme co-substrat en méthanisation.

Anne Sophie Langlois, anne-sophie.langlois@bretagne.chambagri.fr

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