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Le défi de l’engraissement des agneaux à l’herbe

En Moselle, Denis Untereiner a choisi d’optimiser ses parcelles de pâturage pour engraisser ses agneaux à l’herbe. C’était sans prendre en compte deux années de sécheresse.

A une heure de route, à l’est de Metz, dans le village de Veckersviller, Denis Untereiner élève 410 brebis. Il décide en 2000 de s’installer sur l’exploitation familiale, en plus de son travail de chef d’équipe en aciérie. Lors de son licenciement en 2010, il se consacre à plein temps à son élevage et s’intéresse de près à l’optimisation de ses parcelles. « J’ai toujours été un fervent défenseur du pâturage, argumente l’éleveur de 54 ans. Sur mon exploitation, ça serait un non-sens que de faucher et d’amener ensuite l’herbe en bergerie. » En effet, Denis Untereiner a la chance d’avoir 37 de ses 50 hectares de prairies naturelles qui sont d’un seul tenant, autour de sa bergerie. La disposition est donc idéale pour pratiquer le pâturage tournant dynamique, qu’il a mis en application depuis trois ans. « J’en avais entendu parler lors de la journée de l’herbe à Mirecourt et j’ai participé à une formation sur trois jours organisée par la chambre d’agriculture de la Moselle et Pature Sens ».

Optimiser l’herbe pour réduire les concentrés

L’objectif de Denis Untereiner est simple : diminuer le plus possible l’apport de concentrés. La totalité de ses parcelles sont dédiées au pâturage, mais il fauche une vingtaine d’hectares pour amener de l’herbe pendant l’hiver et lorsque l’herbe déborde sur les prairies de pâture. De plus, il souhaite limiter au maximum le temps passé par les brebis dans les bâtiments. En effet, il dispose seulement de tunnels et si ces structures lui conviennent parfaitement, il reconnaît néanmoins que ce n’est pas un environnement optimal pour la croissance des agneaux. Pour mettre en place le pâturage tournant, l’éleveur mosellan a divisé son parcellaire en 14 paddocks de 2,4 hectares et il a également réparti son troupeau en deux lots d’environ 150 brebis. Chaque lot reste trois jours sur chaque paddock, la rotation complète se fait donc en 21 jours. « Je ne me prends pas la tête à vérifier les hauteurs d’herbe, détaille l’éleveur. Le changement de paddock est systématique, tant pis s’il reste encore un peu d’herbe. » Néanmoins, si, avant la fin de la rotation complète, l’éleveur constate que la repousse est suffisante dans le premier paddock, c’est-à-dire que l’herbe dépasse de huit centimètres, il raccourcira le cycle et gardera les paddocks non pâturés pour la fauche. « Ce système me permet de constituer une réserve de foin en cas de coup dur par la suite. »

Avec la sécheresse, les agneaux sont forcés finis en bergerie

Et des coups durs, ces dernières années, Denis Untereiner en a vécu. Les sécheresses consécutives de deux dernières années lui ont causé du tort. « Avec la sécheresse, le pâturage tournant n’a pas pu exprimer tout son potentiel. Les années normales, les agneaux restaient dehors jusqu’en octobre, puis étaient complémentés en bergerie pour la finition. Avec la sécheresse, je dois rentrer les agneaux en août et les finir aux concentrés », se désole l’éleveur. En 2018, il a distribué en tout 80 kg de concentrés par agneau. Mécontent de ce résultat, il a changé de fournisseur et a réussi à baisser la consommation de 20 kg par agneau l’année suivante. Malgré cette difficulté liée essentiellement à la sécheresse, Denis Untereiner ne reviendrait pas en arrière quant au pâturage tournant. « Cette organisation du travail permet de surveiller les brebis au minimum tous les trois jours lors des changements de parcelle. Les paddocks sont déjà clôturés et ne changent pas d’une année sur l’autre, j’ai donc seulement l’électrificateur à changer de place », développe-t-il.

Le pâturage tournant enrichit le sol sans augmenter le parasitisme

Le pâturage tournant améliore la qualité herbagère des parcelles et la repousse, avec un apport régulier de matière organique par les animaux, tout en évitant le surpâturage et en homogénéisant l’utilisation de l’herbe. Enfin, la croissance des agneaux jusqu’au sevrage est satisfaisante. « Au niveau du parasitisme, je n’ai pas noté de différences entre mes anciennes pratiques (chaque lot tournait sur trois ou quatre paddocks selon le niveau de l’herbe) et maintenant, détaille Denis Untereiner. Je réalise des coprologies sur les agneaux tous les mois et sur les brebis lors de la sortie à l’herbe. J’évite la prophylaxie et je favorise les traitements plus précis afin de limiter au maximum le recours à la chimie. » L’éleveur envisage d’ailleurs de passer en bio car ses pratiques sont déjà très proches. Il se pose néanmoins la question des débouchés commerciaux et de la valorisation que cela lui apporterait.

Étaler les agnelages pour désencombrer les bâtiments

Les brebis, des Suffolk croisées Texel, sont mises à la lutte en octobre pour un agnelage au début du printemps. Les 90 agnelles sont mises plus tard à la reproduction pour un agnelage décalé en avril. Cela permet d’étaler les ventes d’agneaux et d’alléger le chargement des bergeries puisque les bâtiments en tunnel ne peuvent accueillir au maximum que 320 brebis. Les agneaux sont vendus par lot tous les 15 jours à la coopérative Cobevim aux alentours de 50 kg pour les mâles et 40-45 kg pour les femelles. Les agneaux sont abattus à Vitré (Bretagne), à Bellac (Haute-Vienne) ou encore à Sisteron (Hautes-Alpes).

Le plein d’idées pour économiser

Denis Untereiner est soucieux de l’empreinte écologique de son exploitation. Or écologie rime souvent avec économie. « J’essaye de limiter au maximum le recours à la mécanisation, ce qui fait que je n’utilise pas plus de 1 500 litres de fioul par an. » Il partage d’ailleurs le matériel avec un voisin éleveur de vaches allaitantes. « J’ai placé un abreuvoir dans chaque paddock, alimenté par le puits de l’exploitation. Cela me fait donc moins de travail et je n’ai pas utilisé mon tracteur pour déplacer la tonne à eau. » Sa bergerie est équipée du système de distribution Ovimax, mis au point par Denis Untereiner lui-même. Il a déposé un brevet et commercialisé son concept pendant cinq ans mais la crise de la FCO l’a contraint à arrêter. Ovimax est un chariot surélevé monté sur rails en bâtiment qui permet la distribution des concentrés, de la paille et du foin. « Toutes les pièces sont modulables et adaptables à chaque situation d’élevage et le chariot est fait pour être manipulé avec la fourche du tracteur », explique l’inventeur du système. L’ensemble est rehaussable à mesure que la hauteur de fumier monte et peut se replier pour faciliter le curage.

Des bâches respirantes plutôt qu’un hangar à fourrage

Enfin, plutôt que de faire construire un hangar à fourrage coûteux, Denis Untereiner a opté pour des bâches de stockage de 25 mètres de long de fabrication allemande, imperméables à l’eau mais par à l’air. L’éleveur a pris le soin de déposer ses bottes de fourrage sur un support en palettes afin de faciliter la circulation de l’air par-dessous. Ses bâches durent environ cinq ans et ne sont pas en plastique. « Je n’ai pas à payer une assurance pour cela », s’enthousiasme Denis Untereiner.

CHIFFRES CLES :

1 UTH
410 brebis dont 90 agnelles
13 béliers
50 hectares de prairie naturelle
8 brebis/ha soit 1,2 UGB/ha SPF
180 % de prolificité maximale sur les multipares

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