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Des charolaises Bleu Blanc Cœur dans les cantines toulousaines

Depuis une dizaine d’années, le Gaec E et C Gardes, situé à Lassouts en Aveyron, est engagé dans la démarche Bleu Blanc Cœur. Les éleveurs valorisent chaque année une quinzaine de vaches sous contrat pour alimenter la restauration collective de la ville de Toulouse.

« L’engraissement, c’est une tradition familiale. Mon père vendait déjà toutes ses vaches de réforme dans une boucherie », révèle Christophe Gardes, à la tête d’un troupeau de 65 mères charolaises avec son épouse Élodie, au pied des Monts d’Aubrac à Lassouts en Aveyron. Actuellement coprésident du syndicat charolais aveyronnais, Christophe a lancé avec son groupement, il y a dix ans, la marque Charolais Aveyron, comme support de valorisation de leurs produits. Dans la même dynamique, une douzaine d’éleveurs aveyronnais se sont engagés dans la démarche Bleu Blanc Cœur, pour approvisionner la restauration collective de la ville de Toulouse. Lorsqu’elle est au menu, c’est une tonne de viande bovine estampillée Bleu Blanc Cœur qui est servie le même jour sur les tables des établissements scolaires. Les élèves consomment ainsi une centaine de bovins par an. « Nos vaches sont achetées par le groupe coopératif Capel, basé dans le Lot. Elles sont ensuite abattues et revendues par l’entreprise Bigard à la cuisine centrale, explique Christophe. En fonction du classement de la carcasse, les femelles sont valorisées entre 5,80 et 6,10 euros, soit en moyenne 30 centimes du kilo de carcasse au-dessus du marché. »

Un rendement en viande autour de 65 %

Le Gaec produit en moyenne une quinzaine de charolaises engraissées par an. « Cinq vaches finissent à Toulouse, les autres sont réservées pour la même boucherie avec laquelle travaillait mon père », poursuit Christophe. Il s’agit essentiellement de vaches de réforme, qui ont au maximum entre 10 et 11 ans. Avec une mise à la reproduction précoce des génisses, celles qui sont vides viennent grossir l’effectif engraissé. « La vente à des bouchers permet un retour direct sur la qualité et la régularité de notre travail », affirme l’éleveur, dont le savoir-faire est reconnu par ses clients, qui parfois lui envoient des photos de sa viande sur l’étal. « La charolaise ne doit surtout pas s’engraisser trop vite. Certains bouchers se sont détournés de la race à cause d’une viande trop grasse en couverture et pas assez infiltrée, signe d’un engraissement trop rapide. » Au Gaec Gardes, il faut compter 150 jours d’engraissement pour une vache charolaise qui pèsera entre 520 et 550 kg carcasse, avec un rendement autour de 65 %, supérieur au standard de la race. « Pendant la période d’engraissement, mes vaches prennent en moyenne 220,50 kg, soit un gain moyen quotidien de 1,47 kg. Elles sont exclusivement à l’auge car, pour moi, une vache s’engraisse moins bien à l’herbe. »

Fort de ses compétences en matière d’engraissement, Christophe et Élodie ont développé depuis trois ans un atelier indépendant, hors sol, dans un bâtiment dédié. Il y engraisse des vaches salers, aubracs et parthenaises, directement achetées en ferme. « Les salers et les aubracs sont engraissées 180 jours avec la même ration que les charolaises, avec un objectif de 450 kg carcasse. Les parthenaises ont un temps de finition plus long, autour de 220 jours, et demandent un autre régime avec plus de protéines et de matières grasses, et moins de fibres. » Ces vaches sont vendues à des boucheries, en majorité sur les secteurs de Bordeaux et Paris.

La garantie d’un engraissement réussi

Même avant d’intégrer la démarche Bleu Blanc Cœur, le Gaec Gardes incorporait du lin dans ses rations d’engraissement. « Maintenant, nous en donnons même aux broutards, pour 5 % de la ration, précise l’éleveur, avant d’enchaîner : ce qui a motivé mon entrée en Bleu Blanc Cœur, c’est l’accompagnement de la filière afin d’améliorer la régularité, la finition, et l’infiltration du gras. » Au même moment, l’exploitation a investi dans une fabrique d’aliment, qui lui permet de créer sa propre formule. « Elle va au-delà des exigences du label », de l’avis de Franck Besset (1), fournisseur en aliments et conseiller en nutrition de l’élevage. « En Bleu Blanc Cœur, nous préconisons 100 jours d’engraissement, là aussi l’élevage Gardes va plus loin. »

Afin d’intégrer la démarche et d’y rester, chaque éleveur doit faire analyser sa viande une à deux fois par an, comme l’explique Franck Besset : « nous prélevons de la viande au niveau de la bavette de flanchet. Nous analysons par chromatographie gazeuse la composition de la matière grasse, soit l’ensemble des acides gras. Cette analyse coûte 120 euros à l’exploitant. Pour être conforme à la démarche, la viande analysée doit obligatoirement obéir aux valeurs cibles suivantes : un ratio oméga-6 sur oméga-3 inférieur à 5, un ratio d’acides gras saturés sur oméga-3 inférieur à 70, avec un idéal à 50 maximum, et pour finir, une teneur en oméga-3 supérieure à 0,9, avec une cible à 1,2. Cette mesure de résultat démontre l’impact direct de la ration sur la qualité nutritionnelle de la viande ». Ces analyses permettent aux éleveurs de se situer et de faire des ajustements si nécessaire.

« Ce qui a motivé mon entrée en Bleu Blanc Cœur, c’est l’accompagnement de la filière afin d’améliorer la régularité, la finition, et l’infiltration du gras », révèle Christophe Gardes.

Une ration en autogestion

Grâce à la fabrique d’aliments, les éleveurs maîtrisent sur le bout des doigts le contenu de chaque ration d’engraissement. « Cela nous permet de remplacer un ingrédient par un autre en fonction de nos stocks de matières premières et des prix. Chaque bol est enregistré, nous savons ainsi exactement ce qu’a coûté l’engraissement de chaque vache », indique Christophe. Ainsi, sur la période d’avril à début septembre 2023, pendant 150 jours, les charolaises à l’engraissement ont ingéré en moyenne 19,46 kg par jour, pour un coût journalier de 5,41 euros, soit un coût total de l’engraissement à 811,50 euros.

La fabrique d’aliments sert aussi à élaborer des rations différenciées pour les autres catégories d’animaux de l’élevage, qu’il s’agisse de complémenter les mères, avant et après le vêlage, les génisses de renouvellement, les broutards ou les reproducteurs mâles. Car le Gaec E et C Gardes possède plusieurs cordes à son arc. Les éleveurs sont aussi sélectionneurs depuis 1992. C’est une ferme familiale, où le père de Christophe produisait déjà des reproducteurs mâles en race charolaise, afin de satisfaire localement les nombreux éleveurs pratiquant du croisement aubrac charolais, traditionnel dans la production de broutards pour l’Italie. « Quand je me suis installé en 1993, tout le cheptel charolais était déjà inscrit au herd-book, évoque Christophe. Quatre ans après, j’avais spécialisé tout l’élevage. J’apprécie de travailler au quotidien avec cette vache calme et très performante au niveau croissance. »

Pour la reproduction, les éleveurs possèdent trois taureaux, plutôt conformés viande. Ils inséminent aussi avec un taureau plus typé élevage, détenu dans une copropriété de 15 éleveurs. « L’activité de sélection me permet de rencontrer du monde, et notre syndicat est plutôt dynamique. Nous organisons tous les ans un concours, reconnu par le national, regroupant les départements de l’Aveyron, du Cantal, de la Lozère et de la Haute-Loire. » Aujourd’hui, au moins la moitié des veaux mâles et femelles, nés sur la ferme, sont vendus pour la reproduction. Les autres génisses sont conservées pour le renouvellement et les mâles partent comme broutards à 9 mois, pesant 400 à 450 kg.

(1) Franck Besset est cogérant, avec Guy Hébrard, du Comptoir agricole de distribution aveyronnaise, fournisseur des matières premières composant la ration Bleu Blanc Cœur, spécialisé dans la démarche depuis 2 000.

Chiffres clés

65 vaches charolaises
73 ha classés en zone de montagne dont 20 de prairies temporaires, 46 de prairies naturelles à fortes pentes, 4 de maïs ensilé et 3 de céréales
15 vaches charolaises engraissées par an
150 jours d’engraissement

Jouer sur la diversité d’ingrédients et leur complémentarité

La fabrique d’aliments est composée d’un moulin et d’une mélangeuse alimentés par quatre cellules, contenant du blé produit sur l’exploitation, du coproduit de maïs, riche en protéines et lipides, des radicelles d’orge, qui augmentent l’appétence et apportent des levures, et un mélange de graine de lin extrudée, avec 30 % de son de blé, fortement concentré en oméga-3, en antioxydant et en mucilage pour le confort digestif. Dans le bol de la mélangeuse sont rajoutés de la paille, du foin de luzerne, ainsi que du tourteau de cameline, pour les omégas-3 et les vitamines A et E, et un mélange de luzerne déstructurée avec des cossettes de pulpe de betterave, offrant de la fibre et un bon équilibre en cellulose. De la vinasse d’acide lactique vient enrichir le mélange en azote soluble et joue un rôle de liant. Enfin, le bol est complété avec des apports en vitamines, oligoéléments, bêtacarotènes, ainsi que du calcaire marin (Lithotamne) pour rééquilibrer le pH. « Cette diversité de matières premières permet de proposer une large palette de nutriments et d’en optimiser les complémentarités. Cette multiplicité d’ingrédients agit fortement sur la santé animale, mais aussi sur la qualité gustative et nutritionnelle de la viande », affirme Franck Besset.

Les spécificités de la viande bovine Bleu Blanc Cœur

Le principe de la démarche Bleu Blanc Cœur est une corrélation directe entre l’alimentation des animaux et la santé humaine, mesurée par diverses études scientifiques et cliniques, sans oublier un impact environnemental positif.

Dans le domaine de la viande bovine, les analyses de composition de la matière grasse prouvent l’impact direct de l’alimentation Bleu Blanc Cœur, notamment sur la teneur en oméga-3. En outre, des programmes de recherche, en partenariat avec l’Inrae, tendent à montrer un effet sur la santé des animaux et sur le gain moyen quotidien. La production de viande Bleu Blanc Cœur est encadrée par un cahier des ressources que chaque adhérent doit appliquer. Les préconisations en termes de ration, de temps d’engraissement et de bien-être animal, garantissent une viande bien infiltrée, dont la qualité est reconnue par les professionnels du secteur.

La viande bovine produite en démarche Bleu Blanc Cœur représente 0,7 % du total des bovins abattus pour la viande, mais 8,7 % des bovins en démarche qualité (BBC, label rouge et bio), 12 % si on ajoute les bovins à la fois label rouge et Bleu Blanc Cœur.

Peu présente dans la grande distribution, la viande Bleu Blanc Cœur est essentiellement issue d’élevages en vente directe ou engagés dans de petites filières. La restauration collective, avec ses nouvelles exigences en termes de qualité nutritionnelle et environnementale, est un marché en plein essor.

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