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Paille et bougies dans les vignes, des solutions imparfaites contre le gel

Réchauffer l’atmosphère avec des bougies ou créer un nuage de fumée protecteur en brûlant de la paille sont des solutions ancestrales. Mais elles ont montré leurs limites cette année.

Entre 200 et 500 bougies par hectare sont nécessaires pour contrer efficacement la baisse des températures.
Entre 200 et 500 bougies par hectare sont nécessaires pour contrer efficacement la baisse des températures.
© Vergers de l'île

Les bougies font partie des solutions contre le gel qui sont largement déployées dans les vignobles. Elles permettent de gagner 2 à 3 °C sur la base de 500 bougies par hectare, selon les chiffres du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). Une densité pas vraiment suffisante lorsque les températures sont très basses, comme en témoigne Laurent Perraud, vigneron à Clisson, en Loire-Atlantique. Cette année, il a protégé une dizaine d’hectares à l’aide de bougies. Pour un résultat pas tout à fait satisfaisant.

Les bougies, une solution onéreuse et lourde

"Compte tenu du froid annoncé, j’avais installé 500 bougies par hectare afin de supporter des températures négatives de -4 à -5 °C, rapporte-t-il. Mais le 12 avril, après plusieurs nuits de gel déjà, non seulement la température est descendue très bas, mais il y avait beaucoup d’hygrométrie. Résultat, le gel a quand même affecté les parcelles protégées. » Pour lui, cela a clairement montré les limites des bougies. « Et surtout, le coût est très élevé, déplore-t-il. Il faut compter environ 4 000 euros par hectare, avec des prix de bougies qui risquent de s’envoler. Il faut également prendre en compte le temps d’allumage au cœur de la nuit, deux à trois personnes par hectare, même si j’ai la chance de pouvoir compter sur des bénévoles. »

 

Les vignes de Laurent Perraud ont gelé en 2021 malgré la lutte à l'aide de bougies.

Basile Pauthier, du Comité Champagne, confirme ses dires. « À un prix unitaire entre huit et dix euros, cela revient, hors main-d’œuvre, à 4 000 à 5 000 euros par hectare, estime-t-il. Mais en 2021, compte tenu du gel intense, il fallait augmenter la densité à 800 bougies par hectare pour dix heures de protection. Résultat, avec treize nuits de température négative dans le vignoble, le budget a dépassé dans de nombreuses situations les 65 000 euros par hectare ! »

À ce budget conséquent, « il faut ajouter une logistique lourde, avec l’installation avant le gel, l’allumage en pleine nuit et la nécessité d’éteindre parfois au petit matin pour réutiliser le reste de la bougie non consommée, commente Guillaume Delanoue, ingénieur à l’IFV en Val de Loire. Et parfois, après plusieurs nuits de gel, les vignerons se sont retrouvés à court de bougies et les vignes à la merci de la gelée ! »

L’impact environnemental des bougies est non négligeable, elles ne sont par exemple pas autorisées dans le cadre d’une certification Viticulture durable en Champagne (VDC). Afin de réduire cet impact, la société les Vergers de l’île située dans la Drôme développe des bougies 100 % d’origine naturelle (Stopgel verte) qui ont à la particularité d’émettre peu de fumée et sont également sans odeur. La société recommande 200 bougies par hectare pour une protection à -2 °C et 500 pour résister à -6 °C. Le prix de ces bougies est plus élevé que pour des traditionnelles, au-delà de 10 euros pièce.

Brûlage de paille, accessible mais d'une efficacité limitée

 

 
La fumée issue des feux de paille peut, lorsque c'est bien effectué, protéger des effets dévastateurs des rayons de soleil au petit matin.
La fumée issue des feux de paille peut, lorsque c'est bien effectué, protéger des effets dévastateurs des rayons de soleil au petit matin. © Château de Sales
Autre technique mise en œuvre par de nombreux vignerons à chaque épisode de gel, le brûlage de paille ou de foin. « Une technique ancestrale, selon Basile Pauthier, qui peut avoir un petit effet en situation de gelée blanche. » Le principe est de créer un voile opaque pour limiter le réchauffement trop rapide au lever du soleil (effet loupe qui peut alors brûler les bourgeons), mais aussi de favoriser le réchauffement au niveau du sol.

 

Pour mieux évaluer ce dispositif présentant un coût réduit, l’université de Bourgogne a mis en place en 2021 une expérimentation sur deux sites à Chablis. « Dans le contexte 2021 d’un gel sévère, concernant l’effet loupe, le dégel a été plus long, avec au final davantage de dégâts, remarque Benjamin Bois, maître de conférences à l’université de Bourgogne. En revanche, sur un autre site, un brûlage de paille une grande partie de la nuit (à partir de 23 h 00) a permis de réchauffer au niveau du sol et d’éviter la gelée. » Des résultats mitigés confirmés par Frédéric Laborde, directeur technique de Château de Sales à Pomerol en Gironde.

« Suite au gel de 2017, nous avons décidé de mettre en place une protection contre le gel avec le brûlage de bottes de foin, indique-t-il. C’était l’option la plus économique : 4 200 euros par intervention pour trente-quatre hectares, main-d’œuvre incluse. » Cette solution a été efficace en 2019. Elle a créé un écran de fumée protecteur qui a permis de protéger les vignes d’une gelée blanche. En revanche en 2021, le système a montré ses limites. « Avec une gelée noire et des températures qui sont descendues à -3,6 °C dans la nuit du 6 au 7 avril, ce système n’a pas suffi pour protéger nos vignes, déplore-t-il. Nous envisageons des solutions complémentaires comme des tours antigel pour les campagnes à venir. »

Sur le plan environnemental, le brûlage de paille est générateur de fumée et peut s’avérer problématique à proximité des villages et des villes. Les nombreux articles de presse relatant les plaintes de riverains en avril 2021 en sont l’illustration.

en bref

Bougies

Efficacité Très efficace contre les gelées blanches, efficace contre les gelées noires et advectives

Bilan carbone Entre 12,5 et 22,5 t CO2 eq/ha/an selon le combustible, d'après le guide 2019 Viticulture durable en Champagne

Coût 0,49 €/l (pour 50 hl/ha), selon l’estimation 2017 de la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire

Tous les articles de notre dossier Gel 2021 : les tops et les flops

 

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