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Broutards : une campagne marquée par la baisse de l’offre et l’impact de la MHE

La maladie hémorragique épizootique, avec ses conséquences sur les règles de mouvement des animaux et la fermeture du marché algérien, a marqué la campagne des broutards. Les difficultés et les surcoûts persistent. L’offre limitée associée à une météo clémente à l’automne 2023 ont aidé à résoudre l’équation.

broutards blonde d'aquitaine
Dans la zone régulée, énormément d’analyses PCR sont faites et des périodes « tampon » sont organisées pour orienter les broutards selon leur statut.
© Réussir

Sur les premiers mois de 2024, les cours des broutards progressent encore, atteignant pour certaines catégories des niveaux inédits depuis ces cinq dernières années. 

« La restriction du volume d’offre continue d’être le facteur déterminant du marché. Sur l’année 2023, 132 000 veaux de race allaitante de moins sont nés », présentent Maximin Bonnet et Maxime Le Glaunec, économistes à l’Institut de l’Élevage (Idele). Concomitamment s’installe un léger développement de l’engraissement en France. « Le niveau de l’année 2023 se compare à celui de 2021, avec 1 000 têtes supplémentaires mises en place. » 

Ce mouvement resserre perceptiblement la concurrence entre les opérateurs (hors zones de montagne). Les acheteurs italiens et espagnols sont en effet eux aussi au rendez-vous.

Seulement 21 000 broutards exportés sur pays tiers en 2023

La campagne se caractérise pourtant par le très faible niveau des débouchés sur pays tiers, en absence de l’Algérie - marché qui demeure fermé en raison de la maladie hémorragique épizootique (MHE) depuis septembre 2023. « L’export sur pays tiers a concerné 50 000 broutards de moins qu’en 2022 », précisent les experts de l’Idele. 

La période est marquée par des difficultés d’organisation et des surcoûts très lourds pour la zone régulée de la MHE. Au cœur du périmètre épidémiologique, Pierre Bazet, directeur d’Elvea Pyrénées pour le marché à la criée de Rabastens-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), constate que le commerce a ralenti aussi brutalement qu'est arrivée la MHE. « Après réorganisation, avec de nouvelles contraintes sanitaires et des surcoûts pour les éleveurs, on a fini l’année avec 1 200 animaux de moins que l’année dernière. Cette situation se prolonge sur 2024 entrainant des pertes importantes pour le marché. » 

Même constat un peu plus loin dans la zone régulée : « les éleveurs se posent des questions sur l’évolution potentielle du nombre de cas de MHE quand la saison va avancer », explique pour le marché de gré à gré de Laissac (Aveyron) Jean-Louis Puel, éleveur et adjoint au maire.

Lire aussi | MHE : progression du nombre de foyers avec le printemps

MHE : Beaucoup d’analyses PCR à faire

Les exportateurs qui travaillent dans la zone régulée font part des énormes difficultés qu’ils traversent depuis la déclaration du premier cas de MHE en France. Énormément d’analyses sont faites et des périodes « tampon » sont organisées pour orienter les broutards selon leur statut. 

« Nous sommes obligés d’assumer entièrement le surcoût sanitaire de la mise en marché des broutards. Sur le premier trimestre 2024, nous le chiffrons à 141 000 euros au niveau du groupe », explique Christian Cazenaves, directeur d’Alliance occitane (groupe coopératif Lur Berri) qui exporte des broutards blonds d’Aquitaine en Italie, Espagne, Belgique, Tunisie et Maroc. En cette fin avril, 15 à 18 % des broutards testés sont positifs à la MHE (sur 500 à 600 animaux testés par semaine). « Heureusement qu’une partie d’entre eux peut être placée en repousse. Au bout de trois à quatre mois en général, ils ne sont plus positifs et on a davantage d’options pour leur exportation. »

Lire aussi | En bovins, de quels moyens disposent les éleveurs pour mieux gérer les culicoïdes, moucherons vecteurs de la MHE et de la FCO ?

La météo clémente de l’automne 2023 a été un élément clé pour la résolution de l’équation. « Les éleveurs ont pu lisser les sorties en faisant prendre une trentaine de kilos en moyenne aux broutards avec des rations économiques », analyse Hervé Chapelle, directeur de Bévimac Centre Sud, exportateur avec une forte composante aubrac. « Ramenée à la tête, la valorisation des broutards est supérieure cette année à celle de 2022. Nous entretenons en parallèle nos bonnes relations avec nos clients algériens. Face à leurs besoins en vif, deux bateaux de jeunes bovins engraissés en Italie ont été expédiés en début d’année. »

MHE : Le Nord et l’Est épargnés 

Au marché au cadran des Hérolles (Vienne), le commerce s’est organisé car éleveurs (à 90 % en race limousine) et acheteurs travaillent au sein de la zone régulée. « On ressent la tension du marché. Des acheteurs du sud viennent faire des achats de broutards », note Romain Deshais, vice-président du marché.


Dans le Cher par contre, département traversé par la limite de la zone régulée, les opérateurs jonglent. « Depuis quelques semaines, on propose aux éleveurs comme service de réaliser au marché la prise de sang pour la PCR après la vente. Cela permet de mieux cibler quels sont les animaux à tester et de bénéficier d’un court délai pour le résultat », explique Jérôme Chartron, responsable des ventes au cadran de Châteaumeillant.

Martial Tardivon, chef des ventes de Sicafome, marché au cadran de Moulins-Engilbert (Nièvre), mesure la chance qu’a tout le territoire Nord et Est d’être jusqu’à présent épargné par la MHE. « Les échanges ont été flottants pendant quelques semaines à l’automne mais depuis décembre, ils sont fluides et les tarifs montent. » Sur les trois premières semaines d’avril, pour le broutard charolais de 430 à 450 kg, le tarif moyen sur ce marché au kilo vif est passé de 3,30 euros en 2022, à 3,59 euros en 2023 et 3,82 euros en 2024 (sur 1 700 animaux).

Les exportations de broutards se contractent de 12 % entre 2019 et 2023

Sur l’année 2023, l’Italie a importé 822 000 têtes soit 43 000 de moins qu’en 2022 (-6 %). L’Espagne a fortement progressé par rapport à 2022 avec 110 000 têtes soit +26 %, tirée par la demande en animaux lourds, mais en restant en dessous des niveaux de 2020 et 2021.

Source : GEB-Idele d’après Douanes françaises

 

Michel Fénéon, directeur administratif et financier d’Eurofeder : « Les cours des broutards resteront élevés »

« L’arrivée de la MHE en France en septembre dernier a été un coup dur. Près de 17 000 broutards étaient prêts pour l’Algérie et ont dû être réorientés vers d’autres circuits commerciaux. Des baisses significatives de cours ont été subies sur toutes les races et toutes les catégories de broutards. Mais après une période de flou, les cours sont vite repartis à des niveaux élevés. Les répercussions auraient pu être bien pires sans l’effet de la décapitalisation, qui a limité l’ampleur du déséquilibre entre offre et demande.

Les cours ne reviendront plus aux niveaux qu’on connaissait il y a trois ou quatre ans du fait de la rareté de l’offre : ils resteront élevés. On peut se poser la question de la cohérence de ce niveau de prix des broutards par rapport au marché des jeunes bovins. Celui-ci se présente sous un jour légèrement baissier sur les dernières semaines d’avril. On s’attend aussi à l’impact du fait que la filière aval française est en voie de restructuration.

L’exportation des broutards reste un élément important du revenu des éleveurs français. L’Italie n’a déclaré aucun cas de MHE à ce jour et les acheteurs italiens sont prêts à mettre le prix pour se fournir en broutards français. La part de viande importée dans la consommation intérieure a augmenté dans ce pays. Les Italiens sont toujours friands de femelles, et cela commence aussi à venir en Espagne. Le marché espagnol a beaucoup évolué cette année pour réduire la durée d’engraissement des animaux, en réponse à la sécheresse de 2022. Ce client cherche maintenant des animaux de qualité et de prix équivalents à l’Italie. Du côté des pays tiers, nous attendons depuis plusieurs mois le retour de l’administration algérienne sur les propositions françaises de certificat sanitaire pour la MHE. En l’absence des Français, ce pays a importé de la viande brésilienne, ainsi que des jeunes bovins vifs engraissés en Italie (qui ont tendance à être plus chers que les français) et aussi un peu dans les Pays de l’Est. 

Au global, la MHE a augmenté les frais de mise en marché, et il est de plus en plus compliqué pour les opérateurs commerciaux de tenir cette organisation. Un vaccin contre la MHE est annoncé pour l’automne, mais les éleveurs voudront-ils se lancer tout de suite ? Nous avons également le risque que la FCO 3 arrive par le nord-est de la France car le sérotype est déjà présent en Belgique et aux Pays Bas. Force est de constater qu’aujourd’hui, la loi de santé animale n’est pas adaptée pour la gestion des maladies vectorielles et une plus grande fluidité des flux commerciaux. »

 

Lire aussi | Dossier : Les solutions de la filière bovine espagnole face à la crise

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