Marketing
Marketing - L'étiquette, un petit bout de papier de grande importance
L’étiquette est un élément de marketing essentiel à ne pas négliger. Bien qu’en matière d’investissement et d’innovation dans ce domaine, les vignerons français se montrent frileux.
L’étiquette est un élément de marketing essentiel à ne pas négliger. Bien qu’en matière d’investissement et d’innovation dans ce domaine, les vignerons français se montrent frileux.
originales et contemporaines.
Ce petit bout de papier, cet objet ordinaire que l’on nomme étiquette n’en est pas moins l’un des premiers critères de choix pour le consommateur, en quête d’une (plus ou moins) bonne bouteille de vin, indique Franck Celhay, enseignant chercheur à Groupe Sup de Co Montpellier. “ Le consommateur entre dans le magasin avec une idée du prix qu’il souhaite mettre et dans cette fourchette de prix, le deuxième critère de choix sera l’étiquette. ” Selon une étude menée pour le compte du groupe Barat par la Wine intelligence, le simple relifting d’une étiquette peut faire améliorer les intentions d’achat de 10 % et a contrario, et dans les mêmes proportions, jouer le rôle de repoussoir. Les choses seraient doucement en train de changer, mais jusqu’à présent, les vignerons français n’avaient guère pris conscience de l’importance que revêt l’étiquette, poursuit Franck Celhay. “ Tous les soins sont apportés au travail de la vigne et du vin et puis après, on ne se préoccupe pas de ce qu’il y a autour. Sauf que l’on peut faire un bon vin et une belle étiquette. Car si celle-ci a un impact évident au moment du choix, elle joue également un rôle au moment de la consommation, l’aspect visuel du produit impacte le plaisir pris lors de la dégustation donc la satisfaction et la fidélisation du consommateur. Ce qui est avant tout l’objectif du marketing. Mais là encore, en ce domaine, le secteur du vin n’en a pas totalement mesuré les enjeux. ” Arnaud Daphy, directeur associé de l’agence de conseil en marketing Triptiq, ne cache pas son étonnement, lui aussi, quant au peu d’investissement que mettent les vignerons sur leur budget étiquette, soit, dans la plupart des cas, quelques centaines d’euros. “ Alors que l’étiquette est le point de contact principal entre le vendeur est l’acheteur, celui par lequel doit transpirer l’ADN de la marque, notion qui s’étend jusqu’au nom du domaine. ”
Faciliter la mémorisation
Reste que pour séduire le consommateur, il n’y a pas de recette-miracle. La cohérence, en la matière, semble être le maître mot : cohérence avec ce que le vigneron est, avec l’histoire du domaine, avec le vin, avec la cible choisie, avec le circuit de distribution. Autant d’éléments qui composent le marketing mix. “ Inutile de chercher à créer une étiquette qui plaise à tout le monde car elle ne plaira à personne. L’essentiel est d’avoir compris son consommateur pour créer avec lui une certaine intimité. Mais cette intimité ne sera pas la même avec un milliard de Chinois ou un quadragénaire parisien ”, souligne Arnaud Daphy.
Il faut aussi savoir mettre en place des éléments de mémorisation de la marque pour le consommateur afin que l’objectif final du marketing soit atteint : le réachat. “ Les attributs de mémorisation sont au nombre de trois : un nom, une histoire, une image. Au moins l’un de ces trois attributs doit apparaître sur l’étiquette ”, indique Marie Mascré, directrice de l’agence de conseil en marketing Sowine. “ En tant que consommatrice lambda, je me souviens de ce vin de Cahors : Clos Troteligotte. Un nom suffisamment amusant, même s’il exige un effort, pour que je l’aie mémorisé. Le château La Favière a choisi d’orner ses étiquettes de notes de musique très élégantes et facilement reconnaissables. De plus, la propriétaire du château est musicienne et accueille régulièrement d’autres musiciens. L’ensemble est donc cohérent. ”
Le marketing, c’est aussi l’art de la différenciation, rappelle Arnaud Daphy. Même s’il est de plus en plus difficile de créer de la différenciation, ajoute Marie Mascré. Et cette question de la différenciation est liée à celle de l’innovation, renchérit Franck Celhay. Bien qu’il faille tenir compte du fait que le consommateur français se sente rassuré par des étiquettes qui fleurent bon la tradition ou soulignent le caractère artisanal du vin. “ Sans doute parce qu’on a tellement habitué le consommateur à ces éléments traditionnels qu’il a du mal à passer à autre chose. Ce dernier est devenu plus conservateur que le producteur ”, constate Arnaud Daphy. Du coup, les vignerons, côté innovation, pratiqueraient plutôt l’autocensure.
L’inspiration australienne
“ Lorsque les vignerons français innovent, soit ils vont trop loin, soit le résultat final est mauvais, soit l’étiquette est totalement incongrue par rapport à l’univers du vin ”, estime Franck Celhay qui conseillerait volontiers aux vignerons français de s’inspirer, en matière d’étiquette, de leurs homologues australiens. “ Quand on pense vin australien, on pense Yellow Tail et son kangourou. Or, il s’agit en fait d’une exception. Nous avons mené une étude sur 166 vins de la Barossa Valley et l’on ne peut que constater que seule une minorité de ces vins ont des étiquettes très atypiques. La majorité reprennent des codes visuels classiques mais parviennent à se différencier en apportant des modifications subtiles à l’étiquette. En France, par exemple, les illustrations sont souvent dans le style “ gravure taille douce ”, une technique ancienne qui permet d’obtenir des illustrations très fines et très détaillées. En Australie, la gravure sur bois est utilisée, produit un rendu plus rustique, plus irrégulier, évoquant quelque chose d’ancien et laissant à penser au consommateur que le vin sera puissant et charpenté. Dans les deux cas, il s’agit de gravure. Mais le choix australien apporte un plus sans qu’il soit pour autant détonnant. Les Australiens travaillent également sur la mise en page. Si les codes couleurs ou les polices de caractères sont les mêmes qu’en France, ils savent apporter une note d’originalité en déplaçant un bloc de texte sur la droite ou la gauche. Un grand soin est également apporté au choix du papier de l’étiquette, à sa texture. Un gaufrage soulignera ainsi l’aspect qualitatif du vin. Les Australiens cultivent aussi leur originalité dans le choix des illustrations. Les traditionnels châteaux et vignobles français laissent place à des visuels liés à la nature comme des arbres, des oiseaux ou un pied de vigne. Les étiquettes australiennes sont des éléments beaucoup plus marketés qu’en France, étant l’objet d’une réflexion poussée afin de refléter au mieux l’identité du vigneron ou de l’entreprise. Alors qu’en France, ce sont les imprimeurs qui réalisent les étiquettes et le plus souvent à la chaîne. D’où ce classicisme. ”
L’Autriche innove
Il est un autre pays qui, lui n’appartient pas au Nouveau Monde et qui innove pourtant en matière d’étiquette : l’Autriche. “ Les étiquettes des vins autrichiens sont incroyablement originales, très bien exécutées et très contemporaines, indique Arnaud Daphy. L’argument souvent avancé par les Français sur le fait qu’ils ne peuvent oser en matière d’étiquette au nom de la sacro-sainte tradition ne tient pas dans le cas du vignoble autrichien. Ses vins sont très classiques, très traditionnels, souvent onéreux (plus de 30 euros), issus de vignobles plusieurs fois centenaires. On se prend à envier les créatifs autrichiens qui travaillent sur ces projets. Les domaines leur demandent une “ étiquette qui me ressemble, exprime ma personnalité et qui raconte mon histoire. ”