EGA, le rendez-vous manqué
Le projet de loi issu des États généraux de l’alimentation vient d’être adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Un texte qui apporte plus de contraintes techniques que de gain économique.
Il aura fallu huit jours et huit nuits aux députés pour examiner l’ensemble du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et ses plus de 2 000 amendements. Le 30 mai, l’Assemblée nationale a adopté le texte à 339 voix contre 84 et 130 abstentions. Si les jeux sont encore loin d’être faits puisque le texte doit encore passer au Sénat, puis revenir à l’Assemblée en seconde lecture, le projet de loi est assez décevant pour la filière viticole. « Le compte n’y est pas, le cœur du sujet demeure le revenu des agriculteurs français, car toute peine mérite salaire, s’est insurgé Thierry Benoît, député UDI Agir Indépendant. Je doute que les mesures inscrites dans ce projet de loi permettent une meilleure répartition de la valeur ajoutée. Le texte proposé ne donne pas suffisamment de souveraineté aux producteurs afin de procéder à un meilleur rééquilibrage des rapports de force entre les différents acteurs du marché. » « C’est la déception, avec le sentiment d’une occasion manquée, a quant à lui fustigé Guillaume Garot, de la Nouvelle gauche. Il ne faut pas bercer les agriculteurs d’illusion. Nous savons bien que les prix dépendent le plus souvent des marchés mondiaux. Sans un outil de régulation au plan européen, le relèvement du seuil de revente à perte et l’inversion de la construction du prix n’auront que peu d’effet. » Et on ne peut malheureusement que leur donner raison à la lecture des principales mesures.
Revenu : les interprofessions maîtresses du jeu
C’était normalement le point phare de la loi. Même s’il a été supplanté par le débat sur les phytos, la revalorisation du revenu des agriculteurs reste toutefois bel et bien présente dans le projet de texte. Et pour ce faire, le rôle central des interprofessions a été confirmé ; leurs missions élargies. Une mesure qui risque de ne pas faire l’affaire de la production viticole, quoi qu’on en dise. Par ailleurs, le processus de construction du prix devrait désormais s’appuyer sur les coûts de production établis par lesdites interprofessions (ou à défaut par FranceAgriMer) et c’est au viticulteur que devrait revenir la création des contrats. Quand contrat il y a… En outre, le texte stipule que le gouvernement est autorisé à relever le seuil de revente à perte à hauteur de 10 % et à interdire certaines promotions.
Phytos : vert, c’est vert
Comme on s’y attendait, le projet de loi entérine plusieurs mesures destinées à faciliter le verdissement, et présentées par le gouvernement. Il s’agit notamment de la fin des ristournes et des rabais sur les produits phytosanitaires, et de la séparation capitalistique des activités de conseil et de vente pour les distributeurs de pesticides.
Au niveau des produits en eux-mêmes, si le glyphosate échappe à toute légifération, ce n’est pas le cas des néonicotinoïdes. Le texte prévoit en effet leur interdiction, ainsi que celle des substances ayant des modes d’action identiques, à l’exception de quelques produits de biocontrôle définis par la loi. En revanche, les députés ont voté un amendement visant à inclure les biostimulants (produits de stimulation de la défense des plantes et/ou la stimulation de l’absorption de nutriments) dans les plans nationaux de réduction des produits phytosanitaires (Écophyto). Même tendance pour les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), qui se voient sorties du processus d’autorisations de mise sur le marché (AMM).
Enfin, l’amendement autorisant l’expérimentation d’épandage de phytos par drone dans les pentes de plus de 30 % a été accepté, et même étendu aux autres cultures que la vigne.
Étiquetage : en avant l’origine
Dès le 1er janvier 2019, un amendement définira de nouvelles règles d’étiquetage pour l’origine du vin. Le pays devra être affiché clairement, de manière à être visible immédiatement par le consommateur. De même, au restaurant, l’origine géographique des vins vendus en bouteille, au pichet ou au verre, devra apparaître de manière lisible sur les cartes.
Le projet de loi sera examiné par le Sénat à partir du 26 juin.