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Cancers et phytos : six pathologies plus fréquentes dans la population agricole que dans la population générale

Depuis 2005, la cohorte Agrican étudie la santé de 180 000 personnes affiliées à la MSA. Les résultats montrent que certains types de cancers sont en excès au sein de ce groupe par rapport à la population générale.

Agriculteur déambulant dans son champ de maïs
Les producteurs de maïs qui appliquent des pesticides présentent un risque 30 % plus élevé de développer certains types de cancers du sang que la population générale.
© Yevhenii Kukulka - stock.adobe.com

Étudier les expositions professionnelles agricoles qui peuvent avoir une influence sur la survenue d’un cancer. C’est le principal objectif de la cohorte Agrican (lire encadré) mise en place en 2005. Trois bulletins d’étapes ont été réalisés à intervalles réguliers pour informer les membres des résultats obtenus par cette étude. 

Interview | Produits phytos : « Nos mesures montrent que 75 à 80 % des expositions ont lieu au moment de la préparation du pulvé »

Le dernier bulletin publié en 2020 montre qu’entre 2005 et 2015, la survenue de cancers est légèrement moins fréquente chez les hommes (-7 %) et chez les femmes (-5 %) de la cohorte Agrican qu’au sein de la population générale des douze départements concernés.

18 616 nouveaux cancers entre 2005 et 2015

Sur cette période, 18 616 nouveaux diagnostics de cancers (6 590 femmes et 12 026 hommes) ont été enregistrés parmi les participants. Ces chiffres pourraient être rassurants, mais à y regarder de plus près, ce n’est pas le cas. Les chercheurs ont constaté la prépondérance de six types de cancers au sein de cette population agricole par rapport à la population générale : le mélanome de la peau, certains cancers du sang (myélome multiple), l’ensemble des lymphomes et lymphome plasmocytaire (maladie de Waldenström), le cancer de la prostate et le cancer des lèvres.

Pour mieux comprendre le lien entre les expositions aux produits phytosanitaires et ces pathologies en excès chez les participants, le travail des chercheurs a consisté à retracer l’historique de l’utilisation de produits phytosanitaires par les hommes et les femmes de la cohorte au cours de leur carrière professionnelle en se basant sur les types de travaux agricoles qu’ils ont réalisés, à quelle période et à quelle fréquence. Les cancers contractés au fil des années parmi les membres ont permis de mettre en évidence des facteurs de risque liés à ces activités. « Nous avons été surpris par les résultats, car sur les cinq types d’élevage et les treize cultures concernés par l’étude, dans chaque secteur, il existe au moins un type de cancer en excès », souligne Pierre Lebailly, coordinateur de la cohorte Agrican.

La prépondérance des mélanomes et des myélomes confirmée

Deux cancers, déjà retrouvés plus fréquemment lors du premier bulletin en 2014, confirment leur excès.

Le mélanome de la peau survient 29 % plus souvent chez les femmes de la cohorte que chez celles de la population générale. L’exposition au soleil et à ses UV nocifs est un des principaux facteurs de risque.

Le myélome multiple (sous-type de lymphomes non hodgkiniens) se retrouve en excès chez les hommes (+20 %) et chez les femmes (+21 %). L’excès de risque est de 40 % chez les personnes utilisant des pesticides sur cultures, augmentant avec la durée d’utilisation. Cette association est plus marquée sur certaines cultures : pommes de terre (+70 %), blé et/ou orge (+30 %) et maïs (+30 %). Le traitement de semences de blé et/ou d’orge, de colza ou de pois et/ou féveroles augmentait également le risque de myélome multiple ainsi que le semis de colza. Ces cancers peuvent faire l’objet d’une reconnaissance comme cancer d’origine professionnelle.

Quatre nouveaux cancers apparaissent en excès

D’après le bulletin de 2020, quatre autres cancers sont désormais retrouvés plus fréquemment au sein de la cohorte.

Le cancer de la prostate est en léger excès (+3 %) parmi les hommes. En grandes cultures, certaines expositions, comme le traitement de semences, le semis et l’utilisation de pesticides, sur des cultures telles que la culture de blé ou/et orge, de tabac, de pommes de terre et l’arboriculture, apparaissaient liées à une augmentation du risque de cancer de la prostate. Ainsi, les utilisateurs de pesticides sur blé ou/et orge avaient une élévation de 20 % du risque de développer un cancer de la prostate. « Ce risque n’existait plus chez les personnes déclarant toujours porter des gants de protection lors des traitements », est-il précisé dans le document. Depuis 2021, ce cancer est ainsi reconnu comme maladie professionnelle liée aux pesticides.

Le cancer des lèvres est en excès de 55 % chez les hommes. Il s’agit d’un cancer rare. Il représente 0,4 % des cancers retrouvés chez les hommes de la cohorte. Les hypothèses sont multiples pour expliquer cette prépondérance : exposition aux rayons ultraviolets liés au soleil, exposition aux pesticides lors du débouchage des buses, certains types particuliers de tabagisme comme fumer la pipe ou une cigarette se consumant lentement au bord des lèvres…

L’ensemble des lymphomes (dont le myélome multiple) sont en excès de 9 % chez les hommes et seulement une légère tendance à un excès chez les femmes. En plus du myélome, sont notées en excès les leucémies lymphoïdes chroniques avec un risque plus élevé pour les cultivateurs de blé/orge, de maïs et de tournesol de l’ordre de 50 %. Le traitement de semences de blé/orge, de maïs, ou de tournesol augmentait également le risque de ces leucémies ainsi que le semis de blé/orge. Les lymphomes diffus à grandes cellules B sont aussi en excès, mais pas chez les producteurs de grandes cultures.

Le lymphome plasmocytaire/maladie de Waldenström est en excès de 49 % chez les hommes et de 58 % chez les femmes. « Les facteurs professionnels agricoles feront l’objet d’analyses dans les prochaines années », est-il précisé dans le bulletin.

Qu’est-ce que la cohorte Agrican ?

Depuis 2005, la cohorte Agrican permet le suivi de la santé de 180 000 personnes, hommes et femmes à parts égales, affiliés à la MSA, en activité ou en retraite, dont 130 000 exploitants agricoles, le reste sont des salariés dans les activités supports de l’agriculture (tertiaire), dans les coopératives et dans les métiers du paysage. L’étude est menée dans douze départements français disposant d’un registre de cancers : Calvados, Côte-d’Or, Doubs, Gironde, Isère, Loire-Atlantique, Manche, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Somme, Tarn et Vendée. Plus d’informations sur les résultats d’Agrican sur agrican.fr

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