Pas forcément plus de revenu en produisant plus
Une étude des Trinottières compare l’impact de deux voies d’augmentation des livraisons sur le revenu d’un élevage ayant déjà un bon niveau de production.
Une étude des Trinottières compare l’impact de deux voies d’augmentation des livraisons sur le revenu d’un élevage ayant déjà un bon niveau de production.
Il n’est pas toujours intéressant économiquement de produire plus, même si techniquement on a la conduite du troupeau bien en mains. C’est ce que montre un essai mené pendant trois ans sur la ferme expérimentale des Trinottières, couplé à des simulations économiques sur une exploitation type des Pays de Loire. « Deux options sont possibles pour augmenter la production : produire plus de lait par vache (stratégie « productivité »), ou augmenter l’effectif souvent à condition d’investir dans des places de logement supplémentaires (stratégie « effectif »), a expliqué Julien Jurquet lors d’une conférence aux 3R. L’objectif de notre essai est d’évaluer, sur des vaches Prim’holstein à 9 200 litres, les gains de productivité possibles avec une ration visant à exprimer le potentiel animal. Ceci pour comparer l’intérêt économique de ces deux stratégies ».
Deux rations complètes mélangées distribuées à volonté une fois par jour ont donc été testées sur 112 vaches. Une ration témoin à base de maïs/tourteau de colza à 0,9 UFL et 96 g de PDIN et PDIE (ration 95G), et une ration maïs/ensilage d’herbe/concentré énergétique et protéique à 0,98 UFL et 113 g de PDIN et PDIE (ration 110G). Au total 155 lactations ont été valorisées dont 61 de primipares vêlant à 24 mois. Le lot 110G a produit 4,2kg/VL/j de lait de plus et ingéré 1,3 kg/MS/VL/J de plus. Il a aussi eu un déficit énergétique moins important et une reprise plus rapide d’état corporel. Les TB, TP, taux cellulaires et performances de reproduction ont été identiques à ceux du lot 95G. En revanche, la ration avait une efficience protéique moindre, avec donc plus de rejets azotés. « Augmenter la productivité est possible à condition d’offrir une ration d’excellente qualité avec une part de concentré importante dans la ration (39 % au lieu 26 %) », en conclut Julien Jurquet.
Les résultats zootechniques de l’essai ont été intégrés à des simulations économiques sur une exploitation type (1) ayant 2,6 UMO, 80 vaches, 130 ha de SAU, sans pâturage. Trois options sont comparées :
- le système « initial » qui alimente son troupeau avec la ration 95G ;
- la voie « productivité » qui alimente ses vaches avec la ration 110G ;
- la voie « effectif » qui a une conduite identique au système « initial » mais livre autant de lait que dans la voie « productivité », soit 90 000 litres de plus. Il faut 10 vaches de plus et leur suite, ce qui se traduit par une hausse des annuités d’emprunts de 7 900 €/an. Elle est liée à un investissement de 83 800 € dans 20 places de logement vaches et génisses, l’ajout de deux postes de traite et du stockage de fourrages et déjections supplémentaire.
Au final, « la voie « effectif » permet une augmentation suffisante de l’EBE pour absorber les annuités supplémentaires et dégager 3700 € de revenu avant MSA en plus par UMO. Mais le travail lié aux 10 vaches supplémentaires n’est pas pris en compte. Il n’est pas anecdotique : entre 200 à 800 heures par an suivant l’équipement et l’organisation, ce qui représente un coût salarié compris entre 3 000 et 11 900 € », souligne Julien Jurquet. Le niveau d’investissement est probablement sous-évalué : dans la pratique, les éleveurs en profitent souvent pour surdimensionner voire renouveler des équipements. »
La voie « productivité » voit l’EBE reculer par rapport au système initial à cause de la forte augmentation du coût de concentré (+ 43 €/1 000 l). Ce qui a pour résultat une baisse du revenu/UMO avant MSA de 6 000 €. « Lorsqu’on fait varier le contexte des prix de vente et d’achat de + ou-20 %, la voie « productivité » dégage un EBE avant MSA toujours inférieur à la voie « effectif ». Et dans la voie « effectif », l’EBE permet de couvrir les annuités dans la plupart des situations ».
(1) cas type du réseau Inosys des Pays de la Loire.
Précision sur les coûts de concentré des deux voies
- Les animaux nourris avec la ration 95G ont reçu comme concentré du tourteau de colza. Celles nourries avec la ration 110G ont reçu du tourteau de soja, des pulpes de betteraves déshydratées et du maïs grain humide ainsi que de la Smartamine (Méthionine protégée). Au total, les vaches du lot 95G consomment 1.7 t MS de concentrés par an, celles du lot 110 G en ont ingéré 2,8 tonnes MS. Soit une hausse de 1.1 t/vache et par an. Ceci se traduit par un baisse de consommation de fourrage (-0.6 t MS/vache et par an). Par conséquent, les vaches du lot 110G n’ont pas consommées 1600 UFL de plus par an mais autour de 900 UFL de plus ce qui est déjà beaucoup. Cette énergie ne sert pas qu’à produire du lait, elle sert aussi à reprendre du poids et de l’état corporel (le lot 110G a repris plus de poids que le 95G). Enfin, avec des régimes très riches en énergie comme c’est le cas de la ration 110G (0.98 UFL/kg MS), les animaux « gaspillent » plus (notamment du fait d’interactions digestives plus importantes). Au final, l’efficacité marginale du concentré est d’environ 1 kg de lait pour un kg de concentré en plus. C’est ce qu’on retrouve à peu près dans cet essai (0.8 kg de lait par kg de concentré en plus).
- Pour ce qui est du coût de concentré, la hausse de 43 €/1000 litres de la voie productivité (110 G) est liée à la nature des concentrés (tourteau de soja, pulpes) mais aussi à l’ajout de Smartamine qui est additif couteux. Le coût alimentaire total augmente de 35€/1000 litres.