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« Nous, pendant ce temps, on en crève »

Lundi 19 février, une réunion a été organisée par la FDSEA et les JA à Chanteruéjols, avec le préfet Philippe Castanet et les agriculteurs pour une après-midi de questions-réponses sur l’après-manifestation et les mesures à suivre. Mardi, c’est à la grande distribution lozérienne que les syndicats majoritaires ont donné rendez-vous, sur une ferme, à l’Arzalier.

Voilà, en substance, le message que souhaitait faire passer le monde agricole lozérien aux élus, préfet et grande distribution qu’ils ont rencontrés lundi 19 et mardi 20 février.

« Il faut avancer tous ensemble », demandent les agriculteurs

Pour Nicolas Nouet, installé en hors-cadre familial complet en 2013 à Chaudeyrac, si « la passion du métier » est toujours là, la vie après une décennie passée sur sa ferme est toujours aussi dure. « Je survis de ma production », a-t-il lancé, très remonté, au préfet. Avec ses 60 vaches Aubrac, dont certaines partent en BFA et Fleur d’Aubrac, il a raconté avoir du mal à couvrir tous ses frais et charges : « avec ma femme, on doit sortir deux salaires pour faire vivre notre famille et rembourser nos emprunts ». Un objectif qu’il est compliqué pour lui d’atteindre, même si les comptes de son exploitation sont à l’équilibre. « Mais pas plus », a-t-il souligné, au bord du désespoir. « La base, c’est l’homme, il ne faut pas l’oublier », a-t-il demandé. Une détresse sur laquelle, a assuré Jean-François Maurin, président de la FDSEA, « les syndicats travaillent pour résoudre cette crise rapidement », et « ramener du revenu dans les fermes ».
Car la question à résoudre se trouve là : comment maintenir les exploitations existantes et s’assurer que les prochaines générations puissent travailler dans de bonnes conditions alors que les conditions de revenus ne sont pas réunies ? Question plus complexe qu’il n’y paraît et à laquelle le préfet a tenté, lundi, de répondre en rappelant les mesures concrètes qui pourraient être prises rapidement sur le terrain. De premiers éléments de réponse qui restent partiels mais devraient s’affiner au fur et à mesure des discussions et des décrets à venir.
Alexis Pignol, lui, s’est installé en 2023. Jeune agriculteur qui veut croire en son métier, il a suivi un parcours classique : à la fin de ses études en 2022, il commence son parcours aussitôt pour établir un Gaec avec sa maman. « On a suivi le parcours du combattant pour monter le dossier de DJA. Ce parcours a été compliqué, mais ma foi, j’ai réussi à m’en sortir ». Son installation, effective et officielle date du 24 avril 2023. Tout semble enfin s’aligner pour qu’Alexis Pignol puisse commencer son travail d’agriculteur et penser aux améliorations qu’il souhaite apporter sur sa ferme à moyen et long terme. Mais un nouveau revers vient contrarier ses plans : « mon dossier était complet au 24 avril 2023, on est aujourd’hui mi-février 2024, je n’ai toujours touché aucune aide jeune agriculteur ». Cerise sur le gâteau : il découvre, après avoir rempli des papiers pendant des mois, par courrier, alors qu’il pensait en avoir fini, qu’il « ne serait pas éligible à la CJA, et on me refuse l’octroi des quatre dernières années ». Une aide qu’il avait touchée la première année alors qu’il était inscrit en exploitant individuel. Mais le passage en Gaec avec sa maman change la donne. Une nouvelle qui lui a été annoncée sans explication de texte particulière, alors qu’il assure que « la finalité de mon installation a toujours été de m’associer en Gaec ». « On impose aux jeunes agriculteurs des contraintes, je me suis, par exemple, engagé sur cinq ans à respecter des prévisions d’investissement pour une valeur de plus de 200 000 euros, et aujourd’hui, on ne m’a toujours pas attribué une aide qui représente pour mon premier versement DJA près de 40 000 euros, sachant que j’ai engagé des investissements sur l’exploitation et que d’autres sont prévues pour les prochaines années ». Un manque de trésorerie qui va impacter le développement de sa production, alors que « c’est au début que l’on en a le plus besoin ». « Là aussi, s’est agacé Hervé Boudon, président des JA Lozère
Des témoignages d’agriculteurs au bord du gouffre face à une administration qu’ils ne comprennent plus, qui « leur demande trop de papiers », ou en colère face à la problématique des prairies sensibles, de retournement des prairies, de la MHE, de la prédation, de la mauvaise application des lois Égalim, etc. se sont enchaînés tout l’après-midi. Un flot de parole libéré auquel le préfet a tenté d’apporter des réponses 
« Je me fais un devoir d’être à l’écoute des agriculteurs, parce que si les préfets ne les écoutent pas, je pense que les ministres auront du mal à les entendre », a détaillé le préfet qui a rappelé le travail de sélection des revendications effectué ces dernières semaines, pour s’assurer que celles-ci répondent aussi à des problématiques locales. « Nous portons des mesures relatives à la prédation et aux prairies sensibles, notamment », a assuré le préfet. Ce dernier a par ailleurs assuré que les contrôles relatifs à la loi Égalim 2, qui concernent directement les contrats liants producteurs et acheteurs, allaient commencer et seraient désormais suivis d’effet*.
Face aux représentants de la grande distribution locale rencontrés mardi, les agriculteurs souhaitaient faire passer un message : « être payé à un prix qui couvre nos coûts de production ». Tous les représentants de la grande distribution lozérienne étaient invités à cette rencontre. Une réunion de près de deux heures qui aura permis de mieux comprendre les mécanismes de prix à l’œuvre même si aucune solution concrète ne semble, pour le moment, à portée de main.

Être payé au juste prix

« On veut des actes », ont lancé les représentants des syndicats agricoles après deux démonstrations implacables du manque à gagner subi par les éleveurs dans la construction actuelle du prix. Conclusion de l’argumentation présentée par les éleveurs : en filière laitière, « une fois tous les coûts de production intégrés, le lait devrait être vendu à 514 euros les mille litres pour que les agriculteurs s’y retrouvent. Le constat est sévère puisque « sur la campagne 2022-2023, le prix du lait moyen tournait autour de 411 euros les mille litres ». Cinquante-six centimes d’euros de différence entre le prix payé au producteur et la bouteille de lait affichée en magasin ont même été constatés. Quant à la filière viande, « en prix moyen au national », c’est près de 16 000 euros qui s’affichent au compte des agriculteurs, « alors même qu’il est interdit de vendre à perte ». « Le jeu de ping-pong, ça suffit ! », ont lancé les éleveurs, très remonté, alors que les explications patinent.
Si le constat fait par les agriculteurs désole aussi les représentants de la grande distribution qui ont accepté de venir discuter, qui ont rappelé que « les producteurs sont aussi nos clients », les avis divergent sur comment résoudre la crise et les différences de prix. « Par rapport aux grands industriels, nous, on n’est rien », a plaidé Jean-Michel Brun, directeur d’Hyper U à Mende, qui a souligné qu’en Lozère, « les supermarchés sont tenus par des indépendants ». « La seule chose sur laquelle on peut jouer, c’est le développement local et nos marques distributeurs dont on maîtrise mieux les coûts », ont concédé les directeurs à des agriculteurs demandant que leur métier « puisse les nourrir ».

Des attentes fortes

Après deux jours de réunions denses, les syndicats agricoles préviennent qu’ils attendent désormais « des actes », des uns et des autres. « On demande que des solutions simples à des choses qui nous pourrissent la vie soient résolues rapidement. Même si tout ne peut pas être résolu rapidement », détaille Hervé Boudon qui espère que « ça va désormais aller dans le bon sens ». Pour ce dernier, il est important de maintenir la pression, car la « crise qui a éclaté a généré des attentes fortes et des réponses sont attendues ». Quant à Jean-François Maurin, il espère un effet boule de neige, « dans le sens positif », de toutes ces discussions. « Il y a encore des problématiques que l’on découvre au fur et à mesure des témoignages qui sont livrés ». Pour les syndicats agricoles, qui assurent être « force de proposition et au travail », « il était important de faire entendre l’émotion des éleveurs » ces derniers jours, à quelques instants de l’ouverture du salon de l’agriculture. « C’est simple, nous voulons un plan de sauvegarde de l’élevage », affirme Jean-François Maurin, tandis qu’Hervé Boudon rappelle « qu’on ne veut pas en arriver là, mais s’il le faut, on peut à nouveau bloquer l’A75. Et des supermarchés aussi. C’est d’ailleurs plus facile, parce qu’il y a moins d’entrées et de sorties. Mais on ne veut pas en arriver là. Travaillons ensemble, mais si rien ne change, on va devenir plus embêtant ».
Une conclusion, donc, en forme d’avertissement de la part des syndicats.
 

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