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Préparation au vêlage : « Mesurer la qualité du colostrum des vaches nous a permis de progresser »

Le Gaec Roudier, situé à Laféline dans l’Allier, a mesuré la qualité du colostrum de ses charolaises pendant deux campagnes avec l’appui technique de leur vétérinaire Pauline Carrié et du laboratoire Virbac. Une collaboration qui a permis d’enrayer une épidémie de diarrhées chez les veaux et d’améliorer la préparation des vaches au vêlage.

La qualité du colostrum renseigne sur l'état de santé de la vache en fin de gestation, et derrière sur les pratiques de préparation au vèlage.
La qualité du colostrum renseigne sur l'état de santé de la vache en fin de gestation, et derrière sur les pratiques de préparation au vèlage.
© P. Carrié

Le Gaec Roudier et sa vétérinaire Pauline Carrié du cabinet de Cressanges ont participé en 2021 et 2022 à la campagne nationale de collecte d’informations dans le cadre du projet Coqc (conseil et observatoire de la qualité colostrale) mis en place par le laboratoire Virbac.

« Nous faisons vêler 270 à 280 charolaises entre fin août-début septembre et fin novembre-début décembre », a témoigné Alexis Roudier, installé avec son père Bernard, lors d’une conférence de presse organisée par Virbac. « Nous avons trouvé intéressant de participer à ce programme sur le colostrum pour situer le niveau de notre préparation au vêlage des vaches. Nous sommes toujours à la recherche de moyens pour améliorer les résultats. »

Pauline Carrié, vétérinaire à Cressanges dans l'Allier.
Pauline Carrié, vétérinaire à Cressanges dans l'Allier

Pour la campagne de vêlages 2021, le Gaec Roudier avait déjà mesuré au réfractomètre 47 colostrums quand mi-septembre s’est déclarée une épidémie de diarrhées sur les veaux. « Les premiers résultats de mesure n’étaient pas alarmants », explique Pauline Carrié, leur vétérinaire. Mais un tiers des colostrums contenaient moins de 80 g IgG/l bien que les deux autres tiers étaient classés bons à excellents selon le référentiel utilisé dans le projet Coqc.

Pourtant, l’épidémie de diarrhées a flambé. Une trentaine de veaux ont été perfusés par les vétérinaires. Grâce à la réactivité des éleveurs et au nursing des veaux qu’ils ont assuré (les réchauffer, les faire téter, leur administrer des réhydratants par voie orale), seulement deux veaux ont été perdus. Mais la période a été très éprouvante physiquement et moralement.

« Un kit d’analyse rapide sur prélèvement de diarrhée a permis de détecter la présence d’E. coli F5. L’analyse de selles au laboratoire a confirmé l’implication de ce colibacille, et l’antibiogramme a mis en évidence une résistance à la gentamicine », développe Pauline Carrié. Le fait d’avoir fait rapidement l’analyse a permis de cibler l’antibiotique au mieux.

Alexis et Bernard Roudier. « Maintenant nous travaillons sur notre préparation au vêlage et nous poursuivons la mesure de la qualité du colostrum »
Alexis et Bernard Roudier : "maintenant nous travaillons sur notre préparation au vêlage et nous poursuivons la mesure de la qualité du colostrum."

Une exploration du problème à l’échelle du troupeau a été lancée, avec l’appui technique de Virbac. La vétérinaire a évalué le niveau du transfert colostral par mesure de degré brix sur le sérum des veaux, obtenu à partir d’une prise de sang faite entre 2 et 6 jours d’âge. « Sur les vaches, nous avons testé l’efficacité de la ration de fin de gestation par mesure de la glycémie, des corps cétoniques, de l’urée et du pH urinaires. Des profils métaboliques ont été faits pour explorer le niveau de couverture en oligoéléments et vitamines des vaches en fin de gestation », évoque-t-elle.

Vaccination et injection d’oligoéléments

Verdict : un déficit énergétique de la ration en fin de gestation a été mis en évidence. « C’est un problème fréquemment rencontré en vêlages d’automne, car la période de préparation est courte ou inexistante », note Pauline Carrié. Des carences majeures en sélénium, iode et vitamines A et D3 ont aussi été révélées. « Ces éléments permettaient d’expliquer la proportion de colostrums moyens et mauvais du début de la saison de vêlages. »

Très rapidement, les vaches qui n’avaient pas encore vêlé ont été vaccinées contre les gastro-entérites et ont reçu une injection d’oligoéléments. Les veaux ont eux aussi bénéficié d’une injection d’oligoéléments et de vitamines, simultanément à leur vaccination contre les bronchopneumonies. « Une fois que les mères ont été vaccinées, l’épidémie de diarrhées s’est stoppée. Et nous avons mesuré des colostrums nettement meilleurs sur la fin des vêlages », observe Alexis Roudier. Sur les 117 colostrums mesurés sur la campagne entière, 12 % seulement étaient classés insuffisants.

Deux fois moins de colostrums classés mauvais

« Pour la campagne 2022, nous avons décidé de reprendre la vaccination et un apport en oligoéléments sur tout le troupeau. Les vêlages se sont très bien passés. Les veaux n’ont pas eu de diarrhée. Ils étaient beaucoup plus vifs que les années précédentes », constate l’éleveur. Les veaux se levaient très vite après le vêlage, ce qui a participé à limiter le nombre de gros nombrils par exemple. Et les veaux n’ont pas déclaré par la suite de maladie respiratoire. Ils ont été vendus à 463 kg de moyenne, soit 15 à 20 kg de plus que d’habitude, et ceci quinze jours à trois semaines plus tôt que l’année précédente soit à une période où les prix étaient plus élevés. Les vaches ont été taries plus rapidement que d’habitude, et ont ainsi pu se préparer à leur prochain vêlage pendant un peu plus longtemps.

« En 2022, pour cibler presque tout le cheptel, nous avons mesuré 230 colostrums. Nous avons constaté une très nette amélioration de leur qualité avec 57 % des colostrums classés excellents, et 26 % classés bons. Seulement 7 % étaient classés mauvais, soit deux fois moins qu’au début de la saison de vêlage précédente », raconte Alexis Roudier. Pour plusieurs vaches, l’origine du défaut de qualité a pu s’expliquer : certaines avaient vêlé prématurément, d’autres s’étaient fait voler leur colostrum par une petite génisse avant qu’elles ne vêlent, et parfois le veau avait eu le temps de boire le colostrum de sa mère avant que les éleveurs ne passent prélever l’échantillon.

 

Chiffres clés

340 ha tout en herbe

270 à 280 vêlages de charolaises et 60 brebis

2 unités de main-d’œuvre

 

Le prélèvement d’un échantillon de colostrum n’est pas si difficile

Un réfractomètre a été mis à disposition des éleveurs sur chacun des deux sites de vêlages. « Nous n’avons pas de barrière à césarienne, mais nos cases de vêlages sont bien étudiées avec un cornadis et une barrière que nous pouvons rabattre le long de la vache, explique Alexis Roudier. Il y a bien quelques vaches auxquelles nous n’avons pas pu prélever de colostrum. Mais nous en avons aussi quelques-unes de très gentilles, auxquelles nous pouvons le faire sans contention pendant qu’elles lèchent leur veau. » Le résultat du réfractomètre est noté aussitôt sur un tableau dans l’infirmerie.

Les éleveurs avaient déjà l’habitude de surveiller la prise de colostrum. « Nous nous donnons les moyens d’être présents, et nous surveillons que le veau soit bien au pis très rapidement après la naissance, pendant suffisamment longtemps », reprend Alexis Roudier.

Le Gaec Roudier ne trait pas les vaches pour drencher les veaux ensuite. Mais pour le projet Coqc, Bernard Roudier a trait une vache pour se donner une idée de la quantité de colostrum que son troupeau peut produire. Cette vache avait produit 3,5 litres d’un colostrum à 26 % brix (soit 93 g IgG/l), ce qui représente une quantité d’IgG assez conséquente, de plus de 300 g.

 

Un référentiel pour le colostrum des vaches allaitantes
 

Le conseil et observatoire de la qualité colostrale (Coqc) du laboratoire Virbac a démarré en 2019. Il dispose au terme de quatre années de collecte du résultat des mesures de 7 332 colostrums différents (issus de 211 élevages). Cinquante-six pour cent d’entre eux proviennent de vaches allaitantes. « C’est le premier référentiel français de la qualité colostrale, et l’unique référentiel en races allaitantes », a présenté Thibault Devambez, vétérinaire chez Virbac et ex-praticien en rurale lors d’une conférence de presse en octobre 2023. « Ces données ont permis en particulier de définir des seuils de qualité pour les vaches allaitantes en se basant sur les quartiles de la répartition des colostrums prélevés dans toutes les races allaitantes. »
 

D’après ces résultats, un colostrum de vache allaitante est classé excellent quand sa concentration en IgG dépasse 139 g/l (soit 30 °brix). Il est bon entre 116 et 139 g/l (entre 28 et 30 °brix) et moyen entre 82 et 116 g/l (entre 25 et 28 °brix). En dessous de 82 g/l (25 °brix), le colostrum est classé mauvais.

« Ces seuils permettent de comparer les résultats de chaque vache, d’une année à l’autre, et d’en tirer des observations sur ses pratiques de préparation au vêlage. Un colostrum peut être moins bon qu’un autre par effet de dilution, la quantité de lait produite variant d’une vache à l’autre, ou par effet de son état de santé », explique le vétérinaire.

Le colostrum est produit entre la cinquième et la troisième semaine avant le vêlage, période pendant laquelle la mamelle commence à se régénérer et grossir. « Sa qualité reflète l’état de santé de la vache pendant cette phase, et renseigne donc sur la qualité de la préparation au vêlage qu’elle a reçue. »

Lire aussi : Vêlage : pourquoi et comment se déclenche-t-il ?

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