« Pavé basque », une affaire bien trop saucissonnée !
Le Tribunal de Commerce de Bayonne vient de rendre sa décision dans une affaire dont il a été saisi à la demande d’un charcutier artisanal qui a développé un saucisson dénommé « Béret basque », de forme circulaire et plate évoquant un tel béret, et totalement dépourvu de peau. En 2012, une société concurrente commercialise sous forme de disque un saucisson dénommé « Pavé basque » dont la composition fait ressortir la présence de piment d’Espelette dans une infime proportion. Le charcutier artisanal saisit alors le Tribunal de Commerce de Bayonne pour concurrence déloyale en raison du prétendu risque de confusion entre les produits, pour parasitisme en raison du prétendu détournement par l’industriel de la notoriété de l’auteur du « Béret basque » et enfin pour pratique commerciale trompeuse en raison de la composition du « Pavé basque ».
Sur la concurrence déloyale, le Tribunal se borne à comparer minutieusement les deux produits en présence dans leur présentation physique, sans étiquette, et les présentoirs auxquels ils sont associés en rayonnage. Il en conclut que les différences de forme et de surface sont suffisamment marquées pour évincer tout risque de confusion dans l’esprit du consommateur. Le demandeur est également débouté sur le parasitisme, faute de faire la preuve de la notoriété de son produit. Le débat rebondit sur le terrain des pratiques commerciales trompeuses.
Volonté délibérée de tromper sur la région d’origine
Au terme d’une analyse minutieuse de la composition du « Pavé basque », le Tribunal relève que son fabricant a son siège social à Paris et aucun de ses principaux établissements au Pays-Basque. La présence du piment d’Espelette n’est pas considérée comme de nature à justifier par elle-même l’utilisation du qualificatif « basque ».
En conséquence, le Tribunal considère à juste raison que le nom du produit « Pavé basque » caractérise l’intention de laisser croire aux consommateurs qu’il provient de la région basque d’autant que le Tribunal, revenant sur les présentoirs, relève sur ceux-ci la présence de la croix basque ou de joueurs de pelote basque. Il y a donc volonté délibérée de tromper non pas sur le produit mais sur la région d’origine du produit. Mais le demandeur originaire, ayant été débouté tant sur le terrain de la concurrence déloyale que du parasitisme, n’est indemnisé qu’au titre d’une prise en charge de ses frais d’Avocats.
Ce jugement laisse perplexe et pose clairement la question du fondement de l’action. Dissocier l’étiquetage des produits et les conditions de présentation de celui-ci à la vente de l’analyse stricto sensu du risque de confusion paraît d’autant plus curieux qu’en définitive le Tribunal aboutit bien à retenir une faute chez l’industriel, mais sans la sanctionner par une indemnité au bénéfice du charcutier traditionnel.
Un préjudice indemnisable
Or, ce n’est pas parce que les pratiques commerciales trompeuses sont incluses dans un texte de nature répressive que l’opérateur qui subit une violation de ce texte ne subit pas, de ce chef, un préjudice. Un tel préjudice est évidemment indemnisable sur le terrain de la responsabilité pour faute.
Encore faut-il que le Juge saisi soit requis de porter un tel regard critique sur un produit dans son ensemble, y compris son étiquetage et les conditions dans lesquelles il est présenté pour décider si le consommateur peut croire qu’un produit est originaire d’une région déterminée alors que ce n’est pas le cas. Le rédacteur des présentes a d’ailleurs déjà eu l’occasion de valider l’argument à plusieurs reprises. Tout porte donc à croire qu’au cas d’espèce les demandes ont été « saucissonnées à l’excès », ce qui aboutit à considérer que les produits et le présentoir sont exclusifs de risque de confusion tout en relevant par la suite des éléments de nature à induire le consommateur en erreur.