Le hard-discount affaiblit les valeurs des GMS
Les actions de la grande distribution accentuent leur recul depuis deux mois en bourse, les analystes anticipant une baisse des prix et un sacrifice des marges bénéficiaires, pour s’adapter au succès croissant des enseignes de hard-discount. « La pression du hard discount va s’intensifier en France car, d’ici à 2006, le format pourrait encore gagner 4 points de part de marché et représenter 17 % du commerce alimentaire », estiment les analystes de la Société Générale dans une note à leurs clients. « Carrefour et Casino, bien que parties prenantes via leurs filiales respectives Dia et Leader Price, risquent globalement de souffrir» de son essor, ajoute la banque. Une partie de ce risque « est déjà inscrit dans les cours », estime un vendeur dans une société de bourse, déplorant qu’il n’existe pas en France de « titre permettant de profiter de l’essor du hard-discount ».
Depuis le 1er décembre 2003, l’action Casino a perdu 3,3 % de sa valeur, alors que le CAC 40 a gagné 4,7 %. Carrefour a reculé de 10,5 % sur la période, affichant un retard de 15,2 % sur l’indice parisien. L’action Carrefour, ex-star du CAC 40, avait touché un plus haut historique de 93,45 euros le 26 novembre 1999 et vaut aujourd’hui 57 % de moins.
Pour Didier Rabattu, qui a suivi à la Deutsche Bank l’expansion du groupe dans les années 90, ce dernier va « devoir investir une plus grande part de ses marges pour revitaliser ses ventes ».
« Nous ne pensons pas que le modèle des grands hypermarchés soit obsolète », et « le déclin de la part des marchés en Europe n’est pas inévitable », explique l’analyste, qui a abaissé récemment son objectif de cours de 25 % à 46 euros. « Les hypermarchés de Carrefour sont clairement plus rentables que leurs concurrents» et représentent la moitié du bénéfice d’exploitation, rappelle Didier Rabattu. Selon ses estimations, la marge bénéficiaire moyenne du groupe est à environ 6,3 %, contre 3,5 % chez Leclerc. « Un ajustement en terme de prix est plus que nécessaire» pour « attirer de nouveaux les clients », martèle-t-il.
Risque de pression sur les marges commerciales
Chez Fideuram Wargny, l’analyste Guy Francheteau s’inquiète de la campagne de publicité lancée par Leclerc depuis lundi, même si elle ne le surprend pas : « Leclerc a toujours centré son message d’image prix sur la défense du pouvoir d’achat des consommateurs». Cette campagne « risque de faire bouger le secteur dans les mois qui viennent », selon l’analyste, pour qui un « risque de pression sur les marges commerciales n’est pas à exclure», dans un environnement ou « la consommation reste morose ».
« Une guerre des prix » ne surprendrait pas la bourse, car les Français « vont déjà de plus en plus chez Leader Price ou Lidl», estime le vendeur d’actions. Leader Price, l’enseigne de hard discount de Casino a affiché au quatrième trimestre une santé éclatante, avec une hausse de 10,3 % à magasins comparables. La maison mère Casino semble de ce fait moins exposée que Carrefour à la baisse des prix. Même dans les hypers, son chiffre d’affaires a moins souffert au quatrième trimestre (-0,6 % à magasins comparables) que chez Carrefour (-1,8 %).