Interprofessions et réforme de la Pac : les arbitrages sont rendus
Les dispositions de l’OCM unique qui devraient s’appliquer à compter de janvier 2014 ont été adoptées ; leur texte non définitif circule déjà confidentiellement. La reconnaissance du fait interprofessionnel en tant que tel comme outil de la Pac sans distinction de filières est l’innovation fondamentale, jusqu’à présent il n’était pris en considération que pour un nombre limité de produits. Dans ce cadre élargi, quelles sont les nouveautés par rapport aux textes antérieurs ?
Tout d’abord, la liste des missions possibles pour les interprofessions a été étoffée avec, entre autres, la publication de données statistiques sur les coûts de production et les prix, l’exploration des marchés d’exportation, la création de contrats-types, la promotion de la sécurité alimentaire et sanitaire, la qualité des produits de l’agriculture biologique et, la gestion des produits résiduels.
La reconnaissance des interprofessions est aujourd’hui dévolue aux seuls États membres (qui pourront maintenir les organisations anciennes), alors qu’auparavant ce pouvoir était partagé avec la Commission. Le seuil de représentativité est toujours fixé au rassemblement d’opérateurs correspondant aux deux tiers des volumes produits, transformés et distribués sur le produit ou le groupe de produits pertinents. Néanmoins, il est désormais possible, pour les États membres, d’adopter des règles adaptant cette disposition en cas de difficultés pratiques pour sa mise en œuvre.
Consultation avant l’extension des accords
L’extension des accords interprofessionnels – c’est une nouveauté dont les conséquences et les modalités de mise en œuvre sont encore difficiles à appréhender – devra donner lieu à la consultation de l’ensemble des parties prenantes (y compris pour les non-membres des interprofessions).
Le principe de l’application des règles de concurrence n’est pas remis en cause. Certains secteurs sensibles (le lait, l’huile d’olive ou le tabac) y échappent et des assouplissements sont possibles pour les organisations interprofessionnelles, notamment en cas de crise. Toutefois, le législateur européen interdit, même sous couvert de l’exception, toute pratique concertée qui entraînerait la facturation d’un prix identique ou par laquelle la concurrence serait supprimée.
Pouvoirs renforcés de la Commission européenne
Le législateur européen a été sensible à certaines circonstances spécifiques touchant le secteur agricole. Le nouveau Règlement OCM unique prévoit ainsi que la liste des secteurs pouvant être affectés par les maladies animales ou les risques sanitaires peut être étendue par la Commission dans des cas d’urgence sanitaire. La Commission a par ailleurs des pouvoirs renforcés pour prendre des actes justifiés par l’urgence pour résoudre des problèmes relatifs à des situations pouvant causer une détérioration rapide de la production et des conditions du marché. Ces mesures sont limitées dans le temps (12 mois), et le Parlement Européen et le Conseil doivent en être informés. La Commission détient aussi des pouvoirs renforcés en cas de déséquilibres sur les marchés : les règles de concurrence pourraient alors ne plus s’appliquer pendant un temps déterminé.
La Commission se voit enfin dotée de larges pouvoirs pour prendre des mesures complémentaires par le biais d’actes délégués concernant notamment l’établissement d’une liste des règles plus strictes qui peuvent être mises en place en matière de production, la réglementation de la destination et de l’usage des fonds récoltés par les interprofessions, l’égalité entre les membres et les non-membres d’interprofessions, ou les fusions d’interprofessions et leurs modalités de fonctionnement.
Il reste qu’au vu de la décision de la Cour de justice du 30 mai dernier qualifiant de privées les ressources des interprofessions, la stricte tutelle de la Commission perd de sa justification : il conviendra d’être vigilant.