Fruits et légumes : rififi autour de la valeur des marchandises
Le 30 mai dernier n’a pas été un jour faste pour la Commission européenne. Ce jour-là un arrêt de la Cour européenne de justice avait déjà désavoué la position de la Commission à l’égard des cotisations volontaires obligatoires finançant les interprofessions. Un autre arrêt daté du même jour (T-454/10 et T-482/11) a annulé partiellement, mais néanmoins très symboliquement, le dispositif de calcul de la valeur de production commercialisée des organisations de producteurs, dans le cadre de l’OCM fruits et légumes.
La complexité du mécanisme, ainsi que la superposition des textes régissant le secteur, ne facilite pas la compréhension de cet arrêt qui n’en sera pas moins lourd de conséquences.
Plusieurs associations italiennes et espagnoles demandaient l’annulation du règlement rectificatif de la Commission européenne qui a instauré des coefficients forfaitaires à appliquer aux fruits et légumes transformés, sortant des organisations de producteurs coopératives, afin de calculer leur valeur de production commercialisée (VPC, celle-ci servant d’assiette au calcul des aides européennes)(1). En effet, elles estimaient qu’un tel mécanisme, favorisait illégitimement les coopératives qui transformaient elles-mêmes leur production, et ce, au détriment des organisations de producteurs non coopératives, qui voyaient, elles, leur valeur de production calculée « sortie OP », c’est-à-dire à un stade bien antérieur : celui de la vente à des industriels transformateurs.
Un des arguments forts de la Commission pour contrer cette demande en annulation, était relatif à l’absence d’intérêt à agir des requérantes et donc à l’irrecevabilité de leur recours, dans la mesure où l’annulation des taux forfaitaires aurait pour effet l’application du cadre juridique antérieur à l’adoption du règlement litigieux, encore plus désavantageux pour elles.
Discrimination au détriment de certains transformateurs
Le Tribunal n’a pas retenu cet argument mais relevé, au contraire que le règlement, en toute hypothèse, a abrogé l’ancien système de calcul de la valeur de production commercialisée, pour le remplacer par un système fondé sur l’application des taux forfaitaires. L’annulation de celui-ci aurait donc pour conséquence d’obliger la Commission à prendre les mesures que comporte l’arrêt.
Le Tribunal a été, en revanche, très sensible aux arguments des requérantes, en annulant, notamment, au motif que la Commission avait établi une discrimination au détriment des transformateurs ne faisant pas partie d’une organisation de producteurs. Mais il est même allé plus loin en relevant que les taux forfaitaires établis par les dispositions contestées, couvraient le coût de certaines activités entreprises dans le cadre d’un processus de production et de commercialisation de fruits et légumes transformés, alors que ces activités ne sont pas éligibles au financement dans le cadre des programmes opérationnels.
Cependant il a décidé que les effets déjà produits par les deux articles annulés, sont définitifs. En d’autres termes, les aides déjà versés aux organisations de producteurs, sur la base de ces textes, leur restent acquises.
Mais dans la pratique, l’arrêt du tribunal va sérieusement remettre en question tous les programmes opérationnels déposés sur la base des coefficients forfaitaires, y compris ceux en cours pour l’année 2013… Car, quand bien même la Commission se pourvoirait en cassation devant la Cour de Luxembourg, les pourvois formés n’ont pas d’effet suspensif.
(1) L’article 52 paragraphe 2 bis, deuxième alinéa du règlement (CE) n°1580/2007 dispose que : « Cependant, la valeur de la production commercialisée des fruits et légumes destinés à la transformation, qui ont été transformés (...) par une organisation de producteurs, une association d’organisations de producteurs ou des producteurs ou des coopératives qui en sont membres (...) est calculée en appliquant à la valeur facturée de ces produits transformés un taux forfaitaire exprimé sous forme de pourcentage. Le taux forfaitaire est égal : a) à 53 % pour les jus de fruits; b) à 73 % pour les jus concentrés; c) à 77 % pour le concentré de tomates; d) à 62 % pour les fruits et légumes congelés; e) à 48 % pour les fruits et légumes en conserve; f) à 70 % pour les champignons en conserve du genre Agaricus; g) à 81 % pour les fruits conservés provisoirement dans l’eau salée; h) à 81 % pour les fruits secs; i) à 27 % pour les autres fruits et légumes transformés...».