Champignon : alerte à la levée des quotas chinois
LM : Comment réagissez-vous à l’annonce de quotas supplémentaires accordés à la Chine après l’élargissement de l’Union européenne le 1er mai ?
Bernard Puraye : Rien n’est encore fait. Il y a effectivement une demande des importateurs allemands relayés par Franz Fischler pour accorder des quotas supplémentaires à la Chine mais les montants sont loin d’être définis. Néanmoins, la Chine qui exporte aujourd’hui entre 20 000 et 30 000 tonnes de champignons en Union européenne et 10 000 tonnes à destination des nouveaux entrants est un acteur prépondérant qu’il faut prendre au sérieux. Face à elle, les producteurs européens de champignons ont des produits et des process à faire valoir en matière de sécurité, de traçabilité et d’innovation. Il leur faudra davantage jouer sur ces points.
LM : Cette perspective doit tout de même vous inquiéter ?
Bernard Puraye : Personnellement, je suis toujours parti du principe que les quotas ne sont pas pérennes. Néanmoins, les arguments avancés par les importateurs allemands et Franz Fischler sont fallacieux. On nous dit qu’il y a une pénurie d’offre en Europe alors que nous constatons une surcapacité agricole et que les stocks sont importants. On nous rétorque alors que les volumes paraissent suffisants mais qu’en fait il y a peu de producteurs de champignons premier choix. Or l’Europe du Sud et la Pologne en produisent.
La vérité, c’est que les traders allemands veulent profiter de l’accroissement des importations de champignons chinois. On peut par ailleurs s’interroger quand on voit l’intérêt soudain des nouveaux entrants pour les champignons chinois alors qu’ils ont eux-mêmes des productions nationales. Certains ont triplé voire quadruplé leurs importations en 2003. Cela n’a qu’un but : créer un référentiel pour convaincre les autorités européennes. Mais derrière ce phénomène se cache certainement une fraude via la double utilisation des droits et la fraude au perfectionnement actif qui permet d’importer des produits en exemption de tout s’ils sont destinés à être revendus hors de l’Union européenne.
LM : Quelles seraient les principales conséquences d’une augmentation des quotas chinois ?
Bernard Puraye : La production de champignons a une forte composante main-d’œuvre. Or celle-ci coûte 15 fois moins cher en Chine qu’en France. Il est donc clair qu’il y aura des conséquences importantes sur les prix. Il faut d’ailleurs se rappeler que les Chinois ont déjà été condamnés pour dumping aux Etats-Unis. C’est la raison pour laquelle au niveau national nous avons alerté le ministre de l’Agriculture. En outre, avec le Groupement européen des producteurs de champignons qui rassemble les gros producteurs français, néerlandais, espagnols, italiens, allemands, belges et irlandais, nous mettons en avant les conséquences sur les prix qu’une augmentation des quotas chinois pourrait avoir.