« Le génotypage, une avancée à utiliser avec prudence »
Convaincu de l'intérêt de la génomique pour accélérer le progrès génétique par la voie mâle, Bruno Béchet, président de Prim'Holstein France, est plus prudent sur son utilisation massive en élevage.
Les premiers taureaux génomiques sont sortis en juin 2009. Quel bilan tirez-vous de ce nouveau mode de sélection ?
Bruno Béchet - « Il y a eu quelques déceptions avec les premiers taureaux génomiques. Certains taureaux ont en effet changé de profil génétique par rapport à leur première évaluation. C'est très préjudiciable lorsque vous réalisez un accouplement ciblé. Mais, depuis la méthode a évolué et s'est améliorée. Et cela va continuer. Aussi, à l'échelle de la population Holstein, la sélection génomique est une technologie très intéressante. Elle permet de progresser plus rapidement pour deux raisons : la diminution de l'intervalle de génération et l'élimination des mauvais taureaux dès leur naissance. Le progrès génétique sera plus important dans les troupeaux appartenant à des éleveurs non-sélectionneurs que chez les sélectionneurs parce que ces derniers ont pris de l'avance. »
Vous semblez prudent vis à vis de l'intérêt du génotypage des femelles dans les élevages ?
B. B. - « Ce service représente une réelle avancée, mais je regrette que la communication n'aille que dans un sens. Comme si c'était une stratégie incontournable et toujours bénéfique pour les éleveurs. Cela me dérange parce que le génotypage reste un investissement important, autour de 60 à 80 euros selon le nombre de génotypages et le prestataire. Il faut pouvoir l'amortir surtout si vous génotypez toutes vos femelles. Or, ça n'est pas toujours simple de valoriser tous les résultats surtout dans les cas où les index génomiques de vos femelles varient d'une indexation à l'autre. Quel est le bon index ? »
Quelles sont vos préconisations en termes d'utilisation du génotypage femelle ?
B. B. - « Dans le cadre de l'approvisionnement en mères à taureaux pour les schémas, c'est devenu un élément incontournable. En revanche, pour les éleveurs, c'est à l'appréciation de chacun en fonction des besoins de son élevage. On dispose de trois outils d'aide à la décision pour gérer le renouvellement du troupeau. Le premier est l'index sur ascendance, qui a le mérite de toujours exister, d'être gratuit et de fournir un indicateur pertinent. Le génotypage est le second. Il donne des indications sur le profil des génisses tout en sachant que l'on ne peut pas être certain qu'il se traduira concrètement dans les élevages. Le troisième, trop souvent sous-estimé alors qu'il est très important, c'est la connaissance de l'éleveur. Si ces trois indicateurs vont dans le même sens, il n'y a pas de problèmes. Mais que faites vous quand le génotypage donne un profil différent des deux autres indicateurs ? Dans ce cas, je préfère me fier aux index sur ascendance et à mon expérience d'éleveur. Globalement, dans l'état actuel des choses, cela me paraît trop prématuré d’utiliser le génotypage pour trier voire éliminer des génisses dans un troupeau. Les informations obtenues sont riches d'enseignements pour réaliser les accouplements. Et s'il y a erreur sur le profil de la génisse, ça n'est pas irrémédiable. On peut rectifier le tir lors des accouplements suivants. En revanche, si vous éliminez une génisse en ne tenant compte que de ses index génomiques, c'est une décision irrémédiable. Imaginez que cette génisse gagne 20 points d'ISU à l'indexation suivante ! Ou vice versa. Vous risquez alors de garder une génisse dont les index vont finalement baisser. »